Biologiste marin, photographe, naturaliste, fasciné par Cousteau, il ne cesse de parcourir les océans pour observer, tel un botaniste, le monde sous-marin. Il vient de passer 28 jours en immersion en Méditerranée. Thalassa a rencontré Laurent Ballesta, plongeur de l'extrême...
C'est comme une obsession, un rêve de gosse, caché là, derrière ses yeux couleur de mer. Laurent Ballesta est curieux, passionné et avide de découvrir le monde encore mystérieux et inaccessible des profondeurs. Mais voilà, comme l'espace, les abysses ont leurs limites et leurs règles à respecter, afin de s'y mouvoir et survivre sans danger. Sous la mer, avoir du temps, gagner quelques instants, est un trésor pour cet explorateur, chaque seconde grapillée est une occasion d'aller plus loin de découvrir encore encore et de capturer avec son appareil photo des images inédites.
L'homme qui voulait respirer sous l'eau...
Être biologiste marin comme dans les films du commandant Cousteau
C'est à 13 ans que Laurent Ballesta découvre la plongée et la photographie. Incollable sur les documentaires de Cousteau, il repère très vite que la référence dans les films du Commandant, c'est le biologiste marin. C'est lui qui a le beau rôle.
Le biologiste marin avait réponse à tout, il savait tout. Il répondait même aux questions du Commandant Cousteau. Alors je me suis dit: il faut être biologiste marin.
Et Laurent Ballesta va tenir sa promesse. A 23 ans, après un master en biologie marine, il découvre une nouvelle espèce de poisson jamais répertoriée en Méditerranée occidentale.
Un petit poisson de rien du tout de 4 cm de long : Le Gobie d'Andromède
Les photographies inédites, les espèces inconnues et les territoires sous-marins inexplorés fascinent ce biologiste déterminé à parcourir les profondeurs.
A 25 ans, il devient conseiller scientifique de Nicolas Hulot et comprend qu'il doit mener ses propres expéditions. Elles vont, en 2010, lui permettre de photographier le plus vieux poisson du monde à 120 mètres de profondeur : le Coelacanthe.
Forcément, le cœlacanthe c’est un incontournable. On t’en parle. Et je me souviens sur les bancs de l’université, taper du coude mon camarade Pierre, qui est aujourd’hui mon associé, lui dire : tu imagines le délire… Celui qui plongera avec un cœlacanthe, t’imagines ce délire…
À l’époque c’était un pur fantasme ! Et le plus beau là-dedans c’est que le premier jour, première plongée, premières secondes au fond, quand j’allume ma lampe, le cœlacanthe est devant nous.
Preuve que la chose difficile ce n'est pas de trouver le cœlacanthe mais d’accéder à son univers…
Insatiable, il enchaîne les défis de plongée et les découvertes. En 2014, en Polynésie, il perce les mystères de la reproduction des mérous.
24 heures sous l’eau au milieu de 700 requins gris dans la passe de Fakarava…
Là, on était subjugués par ce spectacle. Il y avait d’un côté les poissons qui venaient donner la vie et de l’autre, les requins qui venaient la leur prendre.
Et ça, on ne s'y attendait pas du tout. C’était fascinant…
Avec encore et toujours durant cette expédition, la volonté de rester le plus longtemps sous l'eau, lutter contre la nature pour mieux l'observer.
Avec l'expédition Gombassa V, son rêve de gosse se réalise
En juillet dernier, Laurent Ballesta et trois autres plongeurs ont vécu enfermés dans une station durant 28 jours à une pression permanente équivallente à celle éprouvée à 120 mètres de profondeur, celle où il a rencontré le coelacanthe. D'ailleurs Gombassa est le nom de ce poisson préhistorique aux Comores.
Une expédition hors-norme qui a nécessité deux ans de préparation (et douze ans de réflexion...). Une expédition qui a permis de surmonter l'un des premiers obstacles à l'observation sous-marine : le temps. C'est presque respirer sous l'eau, atteindre l'inaccessible...
Le grand luxe, c'est que nous disposons de temps
Grâce à un système unique emprunté à l'industrie pétrolière, l'équipe Gombessa V "Planète Méditérranée" a pu réaliser une exploration jusqu'alors inédite, en s'affranchissant d'une contrainte de taille : les fameux paliers de décompression qui sont vitaux en plongée profonde.
Au large de Marseille et Monaco, à bord de la station, les 4 aventuriers sereins ont pu ainsi réaliser leur vrai travail de naturaliste sous-marin, qui s'inscrit dans la patience et dans le temps.
(Ré)écouter l'interview de Laurent Ballesta sur France Inter :
28 jours de condition de vie très difficile
Dans leur module de vie, ils sont restés à pression constante, celle des profondeurs...pouvant ainsi passer de l'intérieur à l'extérieur de ces modules, sans contrainte et sans limite.
La tourelle ascenseur leur permettait d'avoir accès aux abysses en atteignant les profondeurs sans risque.
Nous vivons à quatre dans cinq mètres carrés, un espace plus petit qu'une cellule de prison, mais nous sommes des prisonniers volontaires. J'ai choisi mes compagnons d'expédition qui sont avant tout des amis...
Passer d'un endroit complètement restreint à un espace marin dont l'immensité donne le vertige, est parfois très dur psychologiquement.
Il faut s'aimer beaucoup au départ de l'aventure, pour qu'au bout de 28 jours, on arrive (encore) à se supporter.
Passer d'un état de passivité à l'ultra vigilance, d'une température tropicale suffocante (dans la station) à l'ambiance polaire glacante des profondeurs marines, cela nécessite une condition physique à toute épreuve.
"Il faut constamment s'adapter, et s'adapter encore,
psychologiquement et physiquement"
Des instants exclusifs grâce au temps
Le grand luxe, c'est que nous disposons de temps, nous ne sommes plus obsédés par la limite de durée imposée par le respect du palier de décompression (30 secondes de plongée à 120 mètres = 5 heures de remontée habituellement). On est enfermé dans une station pressurisée à la pression de la profondeur ; ce qui permet avec une tourelle ascenseur de sortir à sa guise aussi longtemps et aussi souvent qu’on le désire, sans se soucier des fameux paliers de décompression. On quitte la capsule et c’est parti pour plusieurs heures ou franchement on se prend pour un explorateur…
Laurent Ballesta a ainsi pu réaliser son travail de naturaliste marin : "Grâce aux 6 heures dont nous disposions à chaque plongée, nous avons pu photographier presque chaque jour une espèce qui n'avait pas encore été illustrée"
Au total, l'équipage a réalisé 31 plongées et passé plus de cent heures entre 60 et 144 mètres de profondeur en 28 jours.
Malgré les conséquences du réchauffement climatique et de la pollution, ils ont assité à des spectacles fascinants comme une forêt de corail noir ou l'accouplement de Murènes enlacées...
Être là, dans ce contexte un peu féerique avec des créatures insolites… Et après se dire : je ne suis qu’au large de Marseille, de Nice, de Monaco. C’est fou ! C’est dur de s’en rendre compte.
D’où cette sensation de se dire qu’en fait, on est dans des mondes parallèles. Après tout, vu du ciel, vu de l’espace, on est au même endroit, on n’en a pas bougé et pourtant… on est ailleurs.
Un émerveillement qui les a accompagné ltout au long de leur voyage.
Retrouvez toutes les photographies des expéditions de Laurent Ballesta sur sa page Facebook et son compte Instagram.