Un bateau-rocher au large de Marseille intrigue touristes et locaux

« L'Invisible » est un rocher flottant totalement artificiel de 4,30 mètres. Un trompe-l’œil plus vrai que nature imaginé par Julien Berthier. Rencontre avec l'artiste plasticien...

Julien, quel est votre lien avec la mer ?

C’est un lien quasi inexistant pour tout ce qui concerne la navigation ! J’ai embarqué une fois sur un bateau pendant deux jours et j’ai été terriblement malade. Mais je suis quand même lié à la mer. Enfant, j’allais chaque été rendre visite à ma grand-mère dans le sud et je faisais beaucoup de plongées, pas très loin de Marseille, du côté des Calanques...

Comment est venue l’idée de créer « l’Invisible » ? De quoi est-il composé ? 

J’ai été invité en résidence d'artiste par Thomas Mailaender au Tuba Club des Goudes, un hôtel situé à Marseille. Cet hôtel est implanté au cœur d'un ancien bâtiment de plongée qui donne directement sur la roche, au début du village des Goudes, aux portes des Calanques. 

Thomas attendait de moi une création visible, voire spectaculaire. Moi, je souhaitais réaliser quelque chose d’assez ténu, quelque chose qui vienne très modestement s’intégrer dans le paysage… en y ajoutant une portion identique et artificielle : un morceau de Calanques.

Je voulais surtout rendre ça mobile !

Avec l’Invisible on peut se déplacer et changer constamment de paysage. Derrière cette œuvre,  c’est la notion même de paysage et de beauté qui est en jeu, une construction humaine et non naturelle.

C’est d’abord un bateau tout pourri que j'ai récupéré avec son moteur. Je l'ai trouvé sur Le bon coin !  

Je l’ai augmenté, j’ai sculpté des blocs de polystyrène par-dessus et j’ai resculpté l’ensemble pour que le dessus du bateau soit identique au dessous. La roche, elle, est dans le même matériaux que la coque, c’était important pour moi. 

Pour la construction j’ai mis à peu près 6 semaines avec l'aide des assistants présents sur le site. C’était très long parce qu’il fallait construire les volumes et créer plein de petites failles. Il fallait fabriquer de "l’accident" !

Créer l’accident en résine… c’est assez difficile.

Il fallait également que le rendu soit suffisamment solide pour monter dessus mais aussi suffisamment travaillé pour qu’il soit réaliste… d’où ce temps de travail assez long.

La structure de la roche reste hyper légère. Je pense que j’ai dû rajouter entre 200 et 300 kg. Ça a légèrement augmenté le poids du bateau mais pas de façon dingue.

Je pensais qu’il irait beaucoup plus lentement une fois posé sur l’eau mais il se comporte quasiment comme un bateau normal !

Même si je connais bien les Calanques, je suis allé regarder sur place pour étudier la matière, voir comment tout ça était fait. Après, le travail s’est fait principalement « en suivant mon intuition » en avançant et en essayant.

Quel est le message derrière votre installation ?

Je ne cherche pas à donner de leçon et j’aime l'idée que chacun puisse avoir des lectures très différentes. Penser à l’armée, à l'idée du camouflage, ou à l’écologie… Il peut y avoir aussi une réflexion sur les îles artificielles et une lecture autour des nombreux projets d’îles flottantes actuellement en réalisation.

Mon idée c’était que l'invisible montre son simulacre en temps réel !

Le camouflage est une lecture militaire de cette oeuvre, mais elle évoque aussi l’idée de vivre caché... de vivre caché dans une époque où cela est de plus en plus difficile voire impossible.

Une oeuvre à deux temps

L’œuvre a deux temps. Il y a d’abord cette vidéo un peu burlesque qui a fonctionné sur internet avec une temporalité très immédiate… et il y a le temps où l’invisible est posé sur l’eau et où il est beaucoup plus doux. Il vogue, il oscille doucement avec le clapotis des vagues à la vue de tous.

L’intégrer dans des lieux très réels, à l’extérieur des musées ou des galeries dans un temps plus long, est une autre vision.

Il y a des œuvres qui sont, malgré soi, « médiagéniques » et qui font image, qui sont immédiatement efficaces. Ce ne sont pas des choses que l’on contrôle au moment où l’on a l’idée. On pense que ça va être beaucoup plus anonyme, passer inaperçu et voilà que ça fait le tour du web…

Les réseaux sociaux ont beaucoup apporté !

C’est l’un des endroits où l’œuvre existe et tant mieux. Mais ce qui m’intéresse c’est la façon dont les vieux de la vieille, les locaux,  me disent : Eh ! Ton rocher je l’ai pas vu ! Pourtant je connais par cœur ici !

Il y a cette existence, cet ancrage très local et très précis, puis après, il y a le monde d’internet et le fait que quelqu’un au Venezuela ou à Denver va faire un mème (détournement) du bateau sur la toile et cela va cartonner. Les deux me vont ! L’un que je contrôle et que je vis, l’autre que je ne contrôle pas !

L’important n’est pas tellement d’où est-ce qu'on regarde les œuvres mais la façon dont on y repense.

Où pouvons-nous « voir l’invisible » ? 

Il est, en fonction de la météo, situé devant l’hôtel Tuba. Cela dépend de la mer...

Retrouvez toutes les créations de Julien Berthier sur son site web.

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