Ce jeudi 9 juin, après 26 heures d'audience en deux jours, le procureur général de Grenoble a requis la radiation du barreau de Me Bernard Ripert, jugé en appel pour des "manquements disciplinaires". La cour d'appel a mis sa décision en délibéré au 23 juin.
Le magistrat Paul Michel a fondé ses réquisitions sur la "gravité" du comportement et la répétition des manquements de Me Ripert, déjà condamné à trois reprises à des sanctions disciplinaires depuis 2009. "Me Ripert est une menace pour les magistrats, il entrave le déroulement des débats" de la cour d'assises, a insisté le procureur général, qui a affirmé vouloir "préserver l'institution judiciaire et l'image du barreau".
Me Ripert estime que malgré tout "la cour n'a pas beaucoup de choix, l'appel du procureur général étant illégal". Il s'appuie sur l'acte à l'origine de l'affaire qui comporte des erreurs.
Interview réalisée par Céline Aubert et Florine Ebbhah
Le tonitruant avocat à la barbe blanche
Les faits reprochés au tonitruant avocat à la barbe blanche, soutenu par de nombreux confrères et des manifestants, n'ont été abordés qu'au bout de 20 heures d'audience. La défense avait déposé de multiples incidents qualifiés de "comportement dilatoire" par la cour présidée par l'ancien directeur des services judiciaires Jean-François Beynel.Il a été reproché à l'avocat d'avoir voulu défendre des clients devant deux cours d'assises alors qu'il était sous le coup d'une suspension provisoire à la suite d'une précédente condamnation. Me Ripert a invoqué l'article 275 du Code de procédure pénale qui permet à un accusé de se faire défendre par un ami aux assises. "Je n'ai fait que répondre à la sollicitation de deux justiciables", a-t-il rétorqué au procureur général qui s'étonnait qu'il "trouve le moyen de se faire des amis parmi ses clients alors qu'il est suspendu".
Un courrier dans lequel l'avocat demandait à un directeur de prison s'il se croyait "en 1942 avec son surveillant minable" a également été évoqué. Une "lettre acerbe" mais qui relevait de la "légitime défense" après une "dénonciation calomnieuse", s'est justifié le pénaliste grenoblois, brièvement interné en psychiatrie fin mai.
Mais c'est surtout le troisième grief, intervenu au cours d'un procès d'assises en mars 2015 à Grenoble qui a concentré les débats: "il est préférable de connaître le code avant l'audience que de le découvrir pendant ou après", avait alors lancé Me Ripert au président de la cour.
Le procureur général y a vu un "harcèlement", une "manoeuvre d'intimidation" dont le magistrat "ne se relèvera pas", ayant essayé de se suicider pendant une suspension d'audience.
Le PG Michel accuse Me #ripert d'avoir "harcelé" le Pdent Desfontaines au cours du procès #mehdichine #grenoble le poussant à la dépression
— France 3 Alpes (@f3Alpes) 9 juin 2016
"Ce n'est pas vrai! Ce qui lui est arrivé n'a rien à voir avec moi", a rétorqué Me Ripert, reconnaissant seulement des "interventions intempestives" au cours de l'audience.
Ce que l'on me reproche, ce sont des mots"
"Ce que l'on me reproche, ce sont des mots. Et le procureur général voudrait que vous me radiiez pour des mots?", a-t-il demandé.
Me Ripert, qui aura 66 ans le 13 juin, avait été relaxé de ces poursuites par le conseil régional de discipline mais le parquet général avait fait appel.
Plaidoirie #Ripert "en France en 2016 on ne radie pas un avocat pour des mots" "les mots sont mon outil de travail" #justice #grenoble
— France 3 Alpes (@f3Alpes) 9 juin 2016
La cour d'appel a mis sa décision en délibéré au 23 juin."Nous sommes tous des Me #Ripert" répète son avocat Me Rebstock, "notre métier est rude, ... https://t.co/h7jQGiXHyR
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