Damien Guiguet, maire UDI de Meylan, commune de la métropole grenobloise, adresse une lettre à Valéry Giscard d'Estaing. Il demande à celui-ci, en tant que membre de Conseil constitutionnel, d'envisager un report de l'élection présidentielle.
"Avec l’annonce de la mise en examen de l’un des principaux candidats, représentant la seconde force au sein du Parlement, notre République peut-elle prendre le risque d’une élection qui se jouerait essentiellement sur l’évolution d’une instruction judiciaire qui n’en est qu’à ses prémices et dont nul ne peut préjuger de l’issue ?" écrit le maire UDI de Meylan, Damien Guiguet ce 1er mars.L'élu local réagit à l'annonce de François Fillon, candidat LR à l'élection présidentielle, qui a indiqué ce mercredi qu'il serait convoqué le 15 mars en vue d'une possible mise en examen.
Des débats "escamotés et rendus inaudibles"
Damien Guiguet déplore que les "débats essentiels qui doivent se tenir sur l’Europe, l’emploi, la protection sociale, la sécurité, la situation internationale soient [...] escamotés et rendus inaudibles".C'est pourquoi l'élu demande que le Conseil constitutionnel reporte l'élection présidentielle, "afin que celle-ci puisse se dérouler dans les conditions de clarté et de dignité qu’appelle la situation nationale et internationale."
Un report est-il vraiment possible ?
La Constitution fixe, dans son article 7, plusieurs cas dans lesquels le Conseil constitutionnel peut reporter l'élection présidentielle en cas d'empêchement d'un candidat.Si, dans les sept jours précédant la date limite du dépôt des présentations de candidatures, une des personnes ayant, moins de trente jours avant cette date, annoncé publiquement sa décision d'être candidate décède ou se trouve empêchée, le Conseil constitutionnel peut décider de reporter l'élection. Si, avant le premier tour, un des candidats décède ou se trouve empêché, le Conseil constitutionnel prononce le report de l'élection. En cas de décès ou d'empêchement de l'un des deux candidats les plus favorisés au premier tour avant les retraits éventuels, le Conseil constitutionnel déclare qu'il doit être procédé de nouveau à l'ensemble des opérations électorales ; il en est de même en cas de décès ou d'empêchement de l'un des deux candidats restés en présence en vue du second tour. |
L'empêchement, "une maladie physique ou mentale"
Mais que signifie "l'empêchement" au sens de la Constitution ? Pour l'instant, cette disposition n'a jamais été appliquée, comme le confirme le professeur de droit public à l'Université de Grenoble Romain Rambaud, auteur d'un blog sur le droit électoral."L'empêchement s'interprète plutôt comme une maladie physique ou mentale" analyse le professeur. Il poursuit : "avec une interprétation très large, l'empêchement pourrait peut-être être retenu dans le cas d'une garde à vue ou d'un emprisonnement, mais pas pour une mise en examen. D'autant plus qu'une mise en examen est une mesure protectrice car elle donne accès au dossier."
Si l'empêchement devrait être tout de même envisagé, le Conseil constitutionnel ne pourrait se prononcer qu'à partir du 10 mars, car "dans les sept jours précédant la date limite de dépot des présentations de candidatures" selon les textes.
Une autre question se pose, celle de la saisine du Conseil constitutionnel. "Il ne peut pas s'autosaisir", explique Romain Rambaud. Donc, même avec la lettre de M. Guiguet, Valéry Giscard d'Estaing ne pourra pas demander au Conseil constitutionnel de se prononcer.
Un report, jusqu'à quand ?
Malgré toutes ces barrières, si jamais l'élection devait être reportée, jusqu'à quand ? "Jusqu'à la fin de l'instruction, c'est-à-dire la décision de non-lieu - que je souhaite- ou bien le renvoi de François Fillon en correctionnelle" souhaite Damien Guiguet."Dans ce cas, les élections législatives se dérouleraient avant les présidentielles, et permettraient un vrai débat d'idées. Il y aurait ensuite un Premier ministre, avec un fonctionnement semblable à celui des autres grandes démocraties européennes" soutient-il.
Mais la Constitution ne prévoit de report "sans que le scrutin puisse avoir lieu plus de trente-cinq jours après la date de la décision du Conseil constitutionnel". Ce qui constitue un dernier obstacle à la mise en oeuvre d'un report.