Grâce au travail d'un historien sur la guerre 14-18, deux cousins se sont rencontrés aujourd'hui pour la première fois. Leur grand-père arrêté en 1914, avait dû quitter sa famille dans le Nord- Franche-Comté. Il n'y est jamais retourné.
C'est le genre d'histoire que seule la guerre peut engendrer. Une famille éclatée, dispersée par le conflit et dont les membres ont vécu parallèlement des destins incroyables.
Le 1er août 1914, un petit garçon de 11 ans du nom de Joseph Furmanik, joue à la guerre dans les rues de Colombier-Fontaine. Par la fenêtre de sa maison, près de l'usine de chaises Baumann où travaille son père, il crie "Vive la Prusse !" Des soldats français l'entendent et se précipitent dans la maison. Nous sommes deux jours avant la déclaration de guerre à l'Allemagne, mais l'ennemi est déjà identifié. Et la peur de l'espion et du traître à la patrie, à son sommet. L'enfant est arrêté avec son père Jacob Furmanik, originaire de Pologne, appartenant à l'empire austro-hongrois, donc forcément suspect.
Tous deux sont écroués et trimballés de prison en prison à travers tout le territoire français. Des témoignages de co-détenus attestent de la présence d'un petit garçon, parfois entravé par des chaînes de fer, ou des liens de cuir. Ce qui les émeut beaucoup. Les Furmanik sont finalement déportés en Corse comme près de 2 000 Alsaciens et étrangers pendant la première guerre mondiale.
Joseph passera deux ans en captivité. Jacob, cinq. Il a laissé derrière lui des frères et soeurs de Joseph, nés d'un premier mariage. Ils seront abandonnés par sa seconde épouse, qui, ne voyant pas son mari revenir, repart en Alsace, avec les deux derniers enfants du couple. Deux fratries vont ainsi évoluer parallèlement. Liées par le sang du père, mais séparées par des milliers de kilomètres.
A l'issue de la guerre, après un séjour en Autriche, où ils sont envoyés, Joseph et Jacob passent en Italie. Ils y retrouvent les frères et soeurs de Joseph. La vie se reconstruit. Magnifiquement bien pour Joseph. L'ancien petit garçon emprisonné épouse une riche baronne romaine, est introduit dans les milieux bourgeois et fascistes. Il se fait construire un hôtel particulier de luxe, toujours connu à Rome sous le nom de "Villa Furmanik", devient pilote automobile et invente même un modèle de parachute.
C'est en traduisant le récit d'un détenu allemand en Corse, que Jean-Louis Spieser, professeur de français retraité et historien amateur, a découvert l'histoire de Joseph Furmanik. Voulant vérifier s'il s'agissait de propagande ou non, il a cherché, fouillé les registres d'État-civil, parcouru les méandres de l'Histoire, jusqu'à contacter tous les Furmanik de France. Il a retrouvé deux cousins qui ignoraient leur lien de parenté : Alma Noser, une nièce de Joseph, qui l'a bien connu. Et Jean Furmanik, issu du deuxième mariage avec l'épouse alsacienne, et qui vit actuellement en Lorraine. Jean-Louis Spieser leur a démontré à tous les deux, en confrontant les actes de mariage et naissance, qu'ils étaient bien cousins germains, car possédant le même grand-père, Jacob Furmanik.
Jean Furmanik et Alma Noser se sont parlé au téléphone. Mais ce mardi 16 mai, ils se sont rencontrés pour la première fois, à Colombier-Fontaine, là où le destin de la famille a basculé. Une rencontre très émouvante. Les cousins se sont trouvés des airs de famille, surtout Jean qui ressemble, paraît-il, au grand-père Jacob. Ils ont cherché des traces de la maison, près de l'ancienne usine de chaises Baumann. Leur promenade s'est achevée au cimetière, où ont été enterrées sans doute leurs deux grands-mères.
La famille renoue, un siècle après la Grande Guerre.
Pour aller plus loin :
Visiter le site de Jean-Louis Spieser.
La traduction du livre à l’origine de ces retrouvailles familiales paraîtra prochainement aux éditions Alain Piazzola sous le titre Quatre années de captivité en Corse.