Histoires 14-18 : les premières permissions

Au début de la guerre, en 1914, il avait été décidé qu'il n'y aurait aucune permission. La guerre devait être courte. Beaucoup pensaient en partant sur le front qu'ils seraient rentrés à Noël. Et puis on avait besoin de tout le monde pour repousser l'envahisseur.

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Août 1914 à juin 1915 : des permissions, mais pas pour tous

Les premiers mois de la guerre sont effroyables. Dès les premières semaines d'août, les blessés et les morts se comptent par milliers. Acheminés en train vers le nord de la France, les troupes se déplacent ensuite à pied. Les marches sont longues et épuisantes dans la chaleur de l'été, et les hommes n'ont que peu de temps de repos. Avec leurs uniformes, ils sont visibles de loin. Les troupes françaises sont décimées par les Allemands.
A l'arrière, la colère monte. Les familles tentent de faire revenir leurs proches. Elles s'adressent aux autorités pour demander des faveurs, obtenir des permissions. Dans les campagnes, on a besoin des hommes pour faire les moissons. Quelques rares permissions agricoles font exception. Voyez cette lettre conservée par les Archives départementales de Saône-et-Loire : 

Lettre du 14 septembre 1914 d'une femme demandant au préfet une permission de 25 jours pour son mari mobilisé afin qu'il effectue les semailles. (R 98

Ce sont aussi les employeurs qui manquent de personnels et qui demandent le retour de leurs employés. A partir de décembre 1914, les blessés ont droit à une permission de 7 jours de convalescence à leur sortie d'hôpital. Quant aux officiers, ils bénéficient du régime des permissions des soldats en temps de paix avec congé en fin de semaine. Mais tous les autres restent au front.

30 juin 1915 : Le général Joffre instaure un régime de permissions pour tous

Sous la pression de l'opinion publique mais surtout des élus et des parlementaires, le général Joffre décide d'accorder 8 jours de permission à tous les soldats, par roulements. En août 1915, ce nombre est réduit à 6 jours seulement. Mais la réalité est bien différente. Les soldats ne peuvent pas partir comme ils l'espèrent. Si une offensive se prépare, si les troupes de relève ont du retard, les permissions sont repoussées. Les officiers ont tout pouvoir jusqu'au dernier moment d'accorder ou de refuser les permissions.

L'historien côte-d'orien Gilles Vauclair évoque dans ses ouvrages le cas de Jean-Marie Bacault​ - Sabotier, originaire du village de Thury en Côte-d'Or :  à la mobilisation, en raison de son âge, il fut affecté comme sergent dans la territoriale et passa sous-lieutenant en 1915. Dans ses Souvenirs de guerre 1914-1919, Jean-Marie Bacault évoque cette permission tant attendue :

" Au mois d'août, j'ai eu le bonheur d'aller en permission pour 6 jours. C'est avec une grande joie que je revois ma chère famille après un an d' absence. Je suis heureux de faire connaissance de la fillette qui m'était née au mois de février, de revoir ma fille aînée qui a bien grandi depuis que je l'ai quittée et surtout de passer une semaine auprès de mon épouse chérie.
Cette semaine vécue en famille a été pour nous une semaine de grand bonheur. Je souhaiterais que cette vie douce puisse continuer mais, hélas, c'est impossible en ce moment. Le devoir appelle et je rejoins mon poste le 9 août. Malgré les déchirements de la séparation, la permission fait beaucoup de bien, auprès des siens l'âme se retrempe et l'on revient avec plus de courage au coeur."

 





 

Extrait du journal du lieutenant Jean-Marie Bacault : 
7 août. Je pars en permission. Le Colonel a désigné un officier d'une autre compagnie pour commander la 10ème pendant mon abscence. Il n'a pas eu confiance pour ce commandement au sous-lieutenant qui est avec moi à la 11ème. Je partage son avis et il a raison. La Croix de guerre me donnant droit à deux jours supplémentaire, je passerai 9 jours auprès de ma famille. 
18 août. Ma permission est terminée, il faut une fois de plus se séparer. c'est bien pénible de se voir prolonger si longtemps la guerre et d'être obligés de vivre si loin les uns des autres dans les transes et l'inquiétude continuelles. Cependant puisqu'il en est ainsi, il faut faire son devoir jusqu'au bout quoi qu'il en coûte, et malgré la douleur de la séparation, les permissions font beaucoup de bien. Elles soutiennent le moral car une semaine passée de temps en temps auprès des siens retrempe l'âme et met du courage au coeur. Pendant cette permission je n'ai presque vu personne, et l'opinion que j'emporte de Thury, est qu'on s'est habitué à la vie de la guerre. On ne croit plus à la victoire et on se demande si la fin de la guerre arrivera jamais. Aussi on ne remarque plus guère les permissionnaires et on est indifférent aux communiqués. "

Cet extrait est tiré du livre de Gilles Vauclair

28 septembre 1916 : "la Charte du permissionnaire"

Cette nouvelle réglementation qui s'applique autant aux soldats qu'aux officiers accorde 3 permissions par an, à compter du 1er octobre 1916. Ces permissions sont de 7 jours à prendre par période de 4 mois. Mais le système reste inégalitaire et chaotique.


En 1917, année des mutineries suite à l'offensive "Nivelle" au Chemin des Dame, le problème d'attribution des permissions devient plus que jamais crucial. Les Poilus revendiquent leurs droits. 

PDF Emmanuelle Cronier, Permissionnaires dans la Grande Guerre


Le retour au foyer : un moment attendu mais pas si facile à vivre

Retrouver leur famille, leurs enfants... se laver, dormir dans un bon lit...  ils en rêvaient tous. Mais après avoir vécu dans d'effroyables conditions, exténués, traumatisés par ce qu'ils avaient vu et vécu, les soldats se ressentaient un décalage avec la vie paisible de l'arrière.

Ils ne disposaient que de quelques jours à passer loin du front, à profiter d'une vie "normale", mais des jours qui passaient bien vite, sachant qu'il faudrait repartir sans certitude de revenir un jour. 

Pressés de questions, ils ne pouvaient tout raconter, et ceux qui les écoutaient avaient bien du mal à imaginer la réalité des faits. Pendant ces quelques jours de répit, en dehors de la guerre, ils ne pouvaient tout à fait oublier leurs camarades restés au front. 

Lorsqu'ils revenaient au front, ils avaient " le cafard". Ce mot qui nous semble banal aujourd'hui fait partie du jargon des Poilus dans les tranchées. 

Remerciements à Gilles Vauclair - historien de la Grande Guerre en Côte-d'Or.
Equipe : Caroline Jouret - Alain Tixier (Image) - Jean-Renaud Gacon ( Eclairage) - Nicolas Tupinier (Son)

Source archives : - Collection privée Gilles Vauclair - Pathé Gaumont ©France 3

 

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