Discothèques, salles de concert et festivals vont devoir baisser un peu les décibels pour "protéger l'audition du public", en vertu d'une nouvelle réglementation dont l'application représentera toutefois un "gros défi", avertissent des acteurs du secteur.
Son moins fort, mais aussi bouchons d'oreilles gratuits, zones de "repos auditif"... Un décret publié mercredi détaille les nouvelles obligations qui s'imposeront d'ici un an à tous les lieux qui diffusent de la musique amplifiée. Ces mesures découlent d'un article de la loi Santé de janvier 2016, qui stipule que les activités "impliquant la diffusion de sons à un niveau sonore élevé" doivent être exercées "de façon à protéger l'audition du public et la santé des riverains".
Parmi les nouvelles dispositions, le niveau sonore dans les lieux concernés ne pourra plus dépasser 102 décibels, en moyenne mesurée sur 15 minutes. La limite était fixée depuis 1998 à 105 décibels dans les discothèques et les salles de concerts, tandis que les événements en plein air n'étaient jusqu'ici pas concernés.
Une différence sensible, car l'échelle des décibels n'est pas linéaire : retirer 3 décibels correspond à diviser l'intensité sonore par deux. Si cela ne devrait pas poser de difficulté dans les discothèques, où "il suffit de baisser le potentiomètre", c'est "beaucoup plus complexe" pour les concerts,
note Angélique Duchemin, coordinatrice nationale d'Agi-son, structure créée par les acteurs du spectacle vivant pour servir d'interface sur ces sujets avec les pouvoirs publics.
"Je ne peux pas faire moins fort"
C'est surtout dans les petites salles que ça va poser problème, estime Joseph Gatineau, ingénieur du son notamment pour le groupe Radio Elvis. "Avec la batterie seule, on peut déjà être à 101 décibels", explique-t-il. "Mais un batteur, si c'est du rock, on ne va pas lui demander de jouer au balai..." "Moi je ne peux faire que plus fort, je ne peux pas faire moins fort", confirme Matthieu Rendu, ingénieur de Yuri Buenaventura, dont l'orchestre compte des percussions et des cuivres produisant déjà un volume "extrêmement fort" sans amplification. "Et un public qui applaudit, qui hurle, ça va au-delà de cette limite" de 102 décibels, ajoute-t-il.
L'obligation de ne jamais dépasser, même ponctuellement, un niveau de 120 décibels, difficile à mettre en oeuvre, est en revanche abandonnée. Autre nouveauté : une limite à 94 décibels est fixée lorsque le public visé est constitué d'enfants jusqu'à six ans. Pour faire respecter ces plafonds, les endroits concernés devront afficher en continu le niveau sonore, l'enregistrer et tenir ces enregistrements à disposition en cas de contrôle. Des "contraintes assez fortes" qui impliquent "des coûts supplémentaires" d'équipement pour les exploitants de salles et les entrepreneurs du spectacle, selon Angélique Duchemin.
Bouchons gratuits
Le décret comporte aussi plusieurs mesures de prévention: les lieux concernés devront "informer le public sur les risques auditifs", "mettre à disposition du public à titre gratuit des protections auditives" du type bouchons d'oreilles, et "créer des zones de repos auditif ou, à défaut, ménager des périodes de repos auditif" durant lesquelles le niveau sonore ne dépassera pas 80 décibels.
Créer de telles zones sera, là aussi, "compliqué" dans les petites salles ou les festivals, souligne Angélique Duchemin, qui se réjouit que l'alternative de "périodes de repos" ait été retenue. Les organisateurs d'événements en plein air devront également effectuer des "études d'impact" pour évaluer l'effet du bruit sur le voisinage.
Les sanctions encourues en cas d'infraction restent une contravention de 1.500 euros (3.000 en cas de récidive) et la confiscation du matériel de sonorisation. Selon le Centre d'information et de documentation sur le bruit, "notre oreille commence à souffrir sans que nous le sachions à partir d'une exposition à 85 décibels pendant 8 heures", tandis que le seuil de la douleur correspond à 100 décibels.
En France, 6 à 8 millions de personnes sont touchées par des problèmes d'audition, selon l'association JNA, qui organise tous les ans une campagne de prévention sur les risques liés au bruit, à l'occasion de la Journée nationale de l'audition.