Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve est attendu lundi après-midi à Calais pour sa première visite, depuis sa prise de fonction, dans une ville où l'afflux récent de migrants qui rêvent de l'Angleterre rend la cohabitation de plus en plus tendue.
Un peu moins de deux semaines après avoir annoncé l'arrivée en renfort de 100 policiers, Bernard Cazeneuve vient faire un "tour du dispositif de sécurité", soit 450 policiers et gendarmes désormais mobilisés dans la ville de 75.000 habitants.
Ces renforts doivent notamment permettre de fluidifier et sécuriser l'accès au port, rendu difficile par la multiplication des assauts lancés par des dizaines
de migrants sur les camions en attente pour accéder aux ferrys. Et d'empêcher des rixes de plus en plus violentes entre groupes de migrants. Il s'agit également pour M. Cazeneuve de rassurer une population de plus en plus inquiète face à ces phénomènes.
Si la présence des migrants remonte à la fin des années 1990, aucune solution durable n'a été apportée depuis la fermeture en 2002 du centre de Sangatte, puis le démantèlement en 2009 de la "jungle" dans les dunes de la zone industrielle.
Il y a un peu moins d'un an, le prédécesseur de Bernard Cazeneuve, Manuel Valls, présentait à Calais un plan de sécurisation de la ville et une lutte renforcée contre l'immigration clandestine. On ne recensait alors que de 350 à 650 migrants, selon les sources.
Depuis des migrants souvent venus de l'ouest de l'Afrique ou d'Afghanistan, passés par la Méditerranée et l'Italie, n'ont cessé de se presser en nombre croissant à Calais, le port du continent le plus proche de l'Angleterre, leur eldorado.
Résultat : alors qu'ils n'étaient encore que 1.500 à la fin de l'été, ils seraient aujourd'hui 2.200 à 2.300, dont beaucoup d'Erythréens fuyant la dictature, à se
maintenir dans Calais et son agglomération, selon la préfecture.
Une pression que les Calaisiens supportent de plus en plus difficilement. Les délits impliquant les migrants sont en recrudescence, reconnaît la préfecture. Des vols souvent, comme chez une coiffeuse pour un butin de 70 euros et deux bouteilles de shampooing. Samedi, deux jeunes hommes ont porté plainte le visage tuméfié, battu par un groupe de cinq migrants après s'être fait voler leur téléphone portable, selon des sources policières.
"Saturation"
"C'est un enlisement qui est néfaste pour les migrants, et mal ressenti par la population", observe Jean-Claude Lenoir, de l'association Salam qui sert chaque jours des centaines de repas aux migrants."L'urgence est de décongestionner Calais, qu'il reste moins de migrants pour qu'on puisse entrer dans une phase de mise en place de logistiques, de structures pérennes pour vivre avec l'immigration", estime-t-il, évoquant "un stade de saturation".
La sénatrice-maire de Calais, Natacha Bouchart, a déjà rencontré deux fois M. Cazeneuve à Paris pour discuter du dossier des migrants, réclamant entre autres l'ouverture d'un centre d'accueil de jour.
Un groupe de travail réunissant élus, associations et ministère de l'Intérieur, planche depuis plusieurs semaines sur diverses mesures. Mme Bouchart, selon un de ses collaborateurs, attend du ministre qu'"il confirme l'ouverture très rapidement" du centre d'accueil de jour promis". Ensuite, qu'il "réaffirme son engagement à faire fermer effectivement les squats en centre-ville notamment, en application de décisions de justice qui n'ont pas encore été appliquées" par les autorités.
Le centre de jour "n'est qu'une réponse partielle, sachant qu'il ne répond pas au gros problème actuel d'hébergement", estime cependant Cécile Bossy, de Médecins du Monde, un point de vue que l'ONG va "réexprimer" à M. Cazeneuve. Plusieurs associations, dont Médecins du Monde, ont signé un cahier des charges remis à la préfecture dans lequel elle préconisent "de petites unités d'accueil, comprenant l'hébergement et différents services" comme la possibilité de déposer sa demande d'asile, disséminées dans le Calaisis afin d'éviter les regroupements trop importants.