Emmanuel Macron était en visite ce week-end dans le Nord et le Pas-de-Calais. A trois mois de l’élection présidentielle, le leader d'En Marche a lancé une opération séduction sur des terres socialiste et frontiste. En déclenchant au passage une mini-polémique.
"Macron, comment vous dire…ras-le-bol ! ", s’agaçait Martine Aubry, la maire de Lille, en septembre 2015. Dans le fief de la maire socialiste samedi 13 janvier, ils ont été au moins 4 000 à ne pas en avoir ras-le-bol : Emmanuel Macron tenait un meeting au zénith lillois. Devant une salle pleine, il a pourtant rendu hommage à Martine Aubry, avant de présenter le volet éducatif de son programme présidentiel.
Le leader d’En Marche a notamment proposé de diviser par deux le nombre d'élèves dans les classes de CP et CE1 situées en zone d'éducation prioritaire. Une telle mesure nécessite 12.000 instituteurs en plus. Pour les financer, le candidat compte sur la "correction des inefficacités du système actuel, notamment le coût du baccalauréat".
Après avoir visité une école d'Hellemmes, Emmanuel Macron a annoncé vouloir renforcer l'autonomie pédagogique des enseignants dans ces zones prioritaires, et valoriser leurs salaires et leurs carrières. L’objectif : "essayer de rattraper les inégalités de départ. On doit investir beaucoup plus pour ceux qui ont moins, pour permettre de rattraper ces écarts", a-t-il affirmé.
Après avoir fait passer des messages à destination des décideurs économiques, M.Macron tente de diversifier les thèmes abordés : social ce week-end, et bientôt écologie et culture, selon son entourage.
Polémique dans le bassin minier
Hier, Emmanuel Macron était en visite dans le bassin minier, notamment à Hénin-Beaumont, où Marine Le Pen fut conseillère municipale et où le maire est Steeve Briois, vice-président du FN.Sur notre plateau ce midi, Emmanuel Macron se justifiait des accusations de récupération de l’électorat frontiste, rappelant "qu’un électorat n’appartient à personne". Avant d’évoquer des sujets locaux, comme le plan social lancé par la Voix du Nord ou la liquidation de l’usine Åkers de Berlaimont.
Emmanuel Macron a par ailleurs déclenché une polémique dans les rangs du FN, en évoquant la série de difficultés accumulées dans le bassin minier : "la difficulté économique, l'effondrement de la mine. Sur cet effondrement il y a eu des problèmes sanitaires et sociaux. Dans ce bassin minier, il y a beaucoup de tabagisme et d'alcoolisme, l'espérance de vie s'est réduite, elle est de plusieurs années inférieure à la moyenne nationale", a-t-il déclaré.
Les cadres du Front national se sont engouffrés dans la brèche en s’offusquant de ces propos.
"Emmanuel Macron a une fois encore prouvé son mépris de classe, de manière particulièrement odieuse", a déclaré Steeve Briois dans un communiqué. Réclamant des excuses, le maire d’Hénin-Beaumont estime que "les habitants du bassin minier subissent déjà les conséquences de sa politique, il n'est pas nécessaire de rajouter le mépris à l'oubli".
À l’extrême-gauche aussi, cette sortie a fait réagir, notamment Pierre Laurent, le secrétaire général du parti communiste.
"Analphabètes, alcooliques, fumeurs, #costard"@EmmanuelMacron. Qui méprise le peuple, méprise la France. https://t.co/zIEeBnhVUI
— Pierre Laurent (@plaurent_pcf) January 14, 2017
Au-delà de l'inélégance de la formule d'Emmanuel Macron, qu’en est-il de la réalité ?
Comme souvent, elle se trouve dans un juste milieu. Un rapport de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), sorti en 2010, établit que la région faisait bien partie des plus touchées par la consommation routinière d'alcool. "Parmi les régions les plus consommatrices, le Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Pays-de-la-Loire et Nord-Pas-de-Calais se distinguent". Cependant, concernant les ivresses répétées, le même rapport pointe que le Nord-Pas-de-Calais faisait partie des régions "significativement moins concernées que le reste du pays".
Un rapport plus récent (2015) de l’Agence régionale de santé pointait que la mortalité liée à l’alcool était élevée dans le Nord et le Pas-de-Calais, donnant un indice de 191 (100 pour la moyenne nationale).
"Les taux de mortalité par causes imputables au tabac et à l’alcool représentent respectivement 25 % et 8% de la mortalité prématurée évitable", peut-on lire dans le rapport.
En revanche, les jeunes du Nord et du Pas-de-Calais sont moins touchés par ces addictions. Selon une étude récente de l’Office français des drogues et toxicomanies (OFDT), menée sur des jeunes de 17 ans, ceux-ci sont moins exposés à l’alcool, au tabac et au cannabis.