Référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l'Europe (Brexit) : que disent les sondages ?

Certains prédisent un Brexit inéluctable. D'autres assurent du maintien du Royaume-Uni dans l'UE: à quatre mois d'un référendum à haut risque, les sondages peinent à s'accorder sur ce que pense réellement le peuple britannique.

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Usant d'une métaphore stupéfiante, John Curtice, considéré comme l'expert britannique N.1 en sondages, a beau prévenir: "les sondages, il faut les consommer, mais jamais en avaler la fumée", force est de constater que, sur le référendum du 23 juin, le brouillard est plus épais que jamais.
Pas une semaine ne se passe sans son lot d'enquêtes d'opinion. Et elles varient, selon les sensibilités, du très alarmant au parfaitement rassurant.
La dissonance est telle qu'elle pose une nouvelle fois la question de la fiabilité des instituts de sondages britanniques. Leur réputation a souffert après le fiasco de l'an dernier, où ils avaient tous totalement échoué à prédire la large victoire des conservateurs aux législatives.

La palme du sondage le plus exotique revient au Daily Express, le plus europhobe des tabloïds, qui a titré le 5 février: "92% des Britanniques veulent quitter l'UE!" après un sondage réalisé... auprès de ses propres lecteurs. Les maisons sérieuses n'arrivent pas à de telles extrémités. Mais leurs conclusions tiennent du grand écart.

"C'est assez déroutant"

Le 4 février, l'institut YouGov a ainsi donné le camp du non à l'UE vainqueur à 45% contre 36%. Moins de deux semaines plus tard, Ipsos-MORI a accordé une avance sans équivoque aux partisans du maintien, à 54% contre 36%. Ce mercredi, quelques jours après l'accord arraché par le Premier ministre David Cameron à ses partenaires européens, YouGov met les deux camps dos à dos (37% pour rester, 38% pour partir et 25% d'indécis). Mais ComRes continue à donner douze points d'avance aux pro-UE.

"C'est assez déroutant", concède Adam Drummond de l'institut Opinium. Alors qui croire ? Professeur à l'Université du Kent, Matthew Goodwin conseille de se référer aux sites spécialisés qui proposent une moyenne des derniers sondages. Selon "whatukthinks", 55% des Britanniques veulent rester et 45% partir. "La vérité se situe sans doute au milieu des deux extrêmes", abonde Adam Drummond. En attendant, il n'a "pas souvenir" de sondages aussi contradictoires.

"En fait, on a du mal à comprendre ce qui se passe"

"Les instituts qui mènent les sondages par téléphone tels ComRes ou Ipsos-MORI donnent tous une avance de 15 points aux partisans d'un maintien. Les sondeurs qui font leurs enquêtes en ligne comme YouGov ou ICM montrent, eux, que les deux camps sont au coude-à-coude voire accordent une légère avance aux partisans d'un Brexit", souligne-t-il. La méthodologie semble donc jouer un rôle décisif mais les spécialistes peinent à expliquer pourquoi. "En fait, on a du mal à comprendre ce qui se passe", avoue John Curtice.

Tout en soulignant qu'il n'y a "pas d'explication convaincante", Matthew Goodwin tente la piste psychologique: "ceux interrogés au téléphone sont davantage enclins à opter pour la réponse qu'ils pensent socialement la mieux acceptée, dans ce cas précis le maintien dans l'UE." Ce réflexe a déjà été identifié par le passé dans le cadre des élections où certains électeurs ont dit qu'ils allaient voter travailliste avant de virer conservateur. "Face à un interlocuteur direct, il est plus difficile de dire qu'on n'a pas d'opinion", ajoute Anthony Wells de l'institut YouGov pour expliquer l'énorme écart d'indécis
selon que le sondage a été effectué en ligne (environ 20%) ou au téléphone (environ 10%).

Message d'espoir pour les partisans d'un maintien dans l'UE, les analystes estiment, à l'image d'Adam Drummond, que "la majorité des indécis dans ce type de scrutin ont tendance à opter au final pour le statu quo". Mais tout cela reste fragile, prévient Adam Drummond qui rappelle qu'aux élections
législatives de 2015, les deux méthodes avaient "échoué sur toute la ligne".

"On s'est tous plantés en beauté l'an dernier, ajoute-t-il. L'avantage des gros écarts actuels, s'ils se confirment, c'est que cette fois, il y en a au moins quelques-uns qui auront eu raison."
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