"Ça fait froid dans le dos" : des militants de La France Insoumise "fichés" après l'affaire Quatennens

Signataires d'une tribune demandant l'exclusion de La France Insoumise (LFI) du député Adrien Quatennens, condamné pour violences conjugales, des militants poitevins ont été "fichés" par leurs propres camarades, révèle Mediapart. Ils ont déposé plainte auprès de la Cnil.

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C'est un épisode qui révèle les plaies béantes laissées par l'affaire Quatennens à la France Insoumise. À Poitiers, des militants LFI ont découvert qu'ils avaient fait l'objet d'un fichage par des membres de leur propre famille politique, révèle Mediapart. "Ça fait froid dans le dos", confie Valérie Soumaille, ex-candidate NUPES aux législatives, fichée aux côtés de quatorze autres militants.

Leur point commun : avoir signé une tribune demandant l'exclusion d'Adrien Quatennens, député LFI, condamné pour violences conjugales. Dans le fichier de cinq pages, partagé auprès des membres d'un groupe interne LFI, de nombreuses informations à leur sujet, soigneusement collectées et consignées. "Prénoms, noms, antécédents politiques, affiliations syndicales, activité sur les réseaux sociaux, liens familiaux, photos… Le ton est souvent moqueur", détaille Mediapart.

"Moi je suis un tyran ou alors un ambitieux"

Jason Valente, candidat de la NUPES aux dernières législatives dans la Vienne, fait aussi partie des "fichés". Il l'a découvert un peu par hasard en discutant avec des gens lors d'une manifestation contre la réforme des retraites, il y a trois semaines. Lui aussi a dénoncé la réintégration d'Adrien Quatennens estimant qu'une organisation "qui se dit féministe et éthique" ne devrait pas agir ainsi. Alors, il est aussi fiché. Il se dit "agacé et déçu" par ces méthodes. Il a pu retrouver les fiches dans lesquelles son nom apparait "dans certains cas, je suis un tyran, dans d'autres, je suis ambitieux. C'est n'importe quoi. Je serais même entouré de crypto-staliniens pablistes (du nom de Michalis Raptis dit Pablo, cette appellation est donnée par les membres du courant lambertiste du trotskysme, ndlr)".

Comme d'autres anciens Insoumis concernés par ce fichage, il s'est mis en retrait de l'organisation et travaille sur la création du Poitou Populaire. Quant aux procédures de vérifications lancées par la direction de LFI, il n'en attend rien. "Je suis ghosté comme disent les jeunes, quand j'envoie des messages à des députés ou des élus de LFI, je n'ai pas de réponse, ils m'ignorent."

Une plainte déposée

"Crypto-stalinisme" et "gauchisme décomposé"... Si les anathèmes lancés par les rédacteurs des fiches fleurent bon les années 1970, les purges et les scissions, le fait de collecter et d'enregistrer les opinions politiques d'une personne, sans son accord, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende.

"On a choisi de déposer plainte auprès de la CNIL", raconte Valérie Soumaille, qui a également saisi le comité éthique de la France Insoumise.

D'après l'enquête de Mediapart, les responsables de cette opération politique seraient à chercher du côté du Parti ouvrier indépendant (POI), formation héritière d'un courant du trotskisme : les lambertistes. Cette frange de la gauche, dont est issu Jean-Luc Mélenchon, a manifesté à de nombreuses reprises son soutien au député Adrien Quatennens, après sa condamnation pour violences conjugales. Au point de s'en prendre ouvertement aux militants qui demandaient la démission du parlementaire.

"Quand on connaît le POI, on sait que cela fait partie de leurs pratiques : cela s'appelle de l'entrisme, témoigne Valérie Soumaille. Ils cherchent à comprendre le contrôle d'une organisation." D'après elle, le POI se serait saisi de l'affaire Quatennens afin de s'imposer au sein de la France insoumise.

Le POI dément

"Nous n’entrons pas dans cette polémique. Je suis accusé d’être l’auteur de ce fichier, on me dit que je fais un travail de policier. Je démens les allégations dont je suis l’objet", a, pour sa part, déclaré le responsable local du POI, Christophe Massé.

C'est vers les instances de la France Insoumise que se tournent désormais les regards. "On attend avec impatience leur décision", confie Valérie Soumaille.

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