Angers : Olivier Supiot mobilisé sur la guerre de 14-18

C'était un projet qui lui tenait à coeur depuis très longtemps, raconter à sa manière la guerre de 14-18. La Patrouille des invisibles, sorti début septembre lui aura finalement demandé deux années de travail et un investissement très personnel. Rencontre avec l'auteur angevin Olivier Supiot...

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On le dit d'une modestie légendaire. Et c'est vrai ! Olivier Supiot a beau avoir reçu le Prix du meilleur dessin à Angoulême en 2003 pour Le Dérisoire et réalisé une bonne trentaine d'albums, il fait partie de ces auteurs qui savent rester simples, accessibles en toutes circonstances.

Un auteur normal en somme qui joue sur plusieurs registres avec le même talent, proposant d'un côté une bande dessinée jeunesse (Marie Frisson, La Bande à Tchô, Tatoo...), de l'autre une bande dessinée plus adulte avec des titres comme Le Dérisoire, Les Aventures oubliées du Baron de Münchhausen et aujourd'hui La Patrouille des invisibles.

Deux ans de travail lui auront été nécessaires pour réaliser La Patrouille des invisibles. Ce roman graphique d'une centaine de pages raconte la Grande guerre à travers le destin d'un jeune aviateur français, Hubert Lessac. Alors que la France commémore cette année le centenaire de la guerre de 14-18, Olivier Supiot nous offre ici un témoignage émouvant sur le quotidien de tous ces héros anonymes incarnés ici par ce que l'auteur appelle "les gueules de tranchées". Rencontre...

Que connaissiez-vous de la Grande guerre avant de réaliser cet album ?

Olivier Supiot. Mes premières références sont d’abord des livres ou films comme Le Feu d'Henri Barbusse, L’Équipage de Kessel, À l’ouest rien de nouveau, Capitaine Conan… et bien-sûr en BD l’œuvre incontournable et monumentale de Jacques Tardi.
 

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à écrire La Patrouille des invisibles ?

O.S. Le premier déclencheur est la lecture du Feu d'Henri Barbusse. Il y a 7 ou 8 ans, j’ai essayé de réaliser des planches à partir d’extraits du livre, pas pour un projet éditorial mais pour une expérience personnelle. 3 pages en noir et blanc. L’essai ne me semblait pas concluant au regard de la puissance du texte original.
Quelques années plus tard, j’ai eu l’envie d’écrire une histoire d’hommes, d’anonymes au cœur du conflit, pas un récit historique mais plus un conte sur la guerre. Graphiquement, il me semblait intéressant de retranscrire une ambiance picturale dans l’esprit des peintres de guerre, d’où le choix de la couleur directe.

L'album a nécessité deux bonnes années de travail. L'exercice était-il particulièrement difficile ? Comment en ressort-on moralement ?

O.S. Pour moi ce fut très difficile. Un investissement personnel très fort. L’envie et le devoir d’être dans le respect... même si c’est une fiction la recherche d’une forme de vraisemblance pour que les personnages soient incarnés et puis dans le dessin retranscrire quelque chose d’organique, par moment  j’ai même sali mes planches.
Le sujet est terrible. On ne peut pas rester insensible à l’horreur de cette guerre et aux blessures et cicatrices profondes qu’elle a pu engendrer.
Moralement je suis épuisé, mais j’ai l’envie de partager cette nouvelle expérience… Faire ce livre fut une belle aventure.
 

Dans une postface à l'album "C'était la guerre des tranchées" réédité à l'occasion du Centenaire chez Casterman, Jacques Tardi s'insurge contre "les tombereaux de publications, hors-séries, numéros spéciaux, documentaires, coloriages télévisuels chatoyants, évoquant le sujet qui nous préoccupe". Pensez-vous également que l'on en fait trop ?

O.S. Quand j’ai parlé de mon projet la première fois cela devait être vers fin 2011. Je ne pensais pas du tout au centenaire. Je pense qu’il est primordial d’en parler, après, nous sommes dans une société d’excès, surmédiatisée. La commémoration va perdurer jusqu’en 2018. Il y aura encore beaucoup de choses d’ici-là sur le sujet. C’est à chacun d’être vigilant. Respectueusement.

Selon vous, quel peut être l'impact d'une telle commémoration sur la population ?

O.S. Il va y avoir un réel travail au niveau des écoles, accentué par le phénomène de la commémoration. Mais le devoir de mémoire, c’est aussi avant et après.
Chaque personne a une histoire avec la Grande guerre… Un aïeul, des souvenirs, des photos. La collecte de photos, images et témoignages effectuée depuis le début de la commémoration est formidable, c’est une passerelle précieuse pour les nouvelles générations.

La BD peut-elle contribuer à changer le monde ?

O.S. La bande -dessinée est un média extraordinaire. Elle peut changer notre regard sur le monde. On apprend, on découvre, on rêve, on voyage, on passe du rire aux larmes. Il y a une grande liberté. Faire un livre c’est une aventure et j’espère pouvoir le faire encore longtemps...

Merci Olivier

Interview réalisée le 12 septembre 2014
Retrouvez la chronique de l'album ici et le reportage de Denis Leroy et Vincent Calcagni ci-dessous


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