Le cheval qui ne voulait plus être une oeuvre d'art : la nouvelle BD de l'Angevin Olivier Supiot

Olivier Supiot aime surprendre. Et il y parvient. Après le roman graphique "La Patrouille des invisibles" qui nous projetait dans les tranchées de la Grande guerre, l'auteur angevin nous ouvre cette fois les portes du Louvre pour une visite particulière à dos de cheval ou presque. Interview...

L'un de ses derniers albums, "La Patrouille des invisibles", paru au lancement de la commémoration du centenaire de la Première guerre mondiale, nous plongeait au coeur des tranchées, au milieu de la mort, du sang, de la boue, des rats. L'horreur absolue.

Changement de décor radical pour ce nouvel opus qui retrouve les couleurs de la vie, de la création, de l'art, de la beauté, avec l'histoire surréaliste d'un cheval qui ne peut plus se voir en peinture, décide de s'extraire de son cadre, de fuir son musée, bref de retrouver la liberté. 

Ce cheval n'est pas n'importe quel cheval. Il s'appelle "Tête de cheval blanc", il est l'oeuvre de l'immense peintre Théodore Géricault, un passionné du monde équestre. Ce tableau date du début du XIXe siècle et est l'une des pièces maîtresses du musée du Louvre.

Le Louvre, justement, est le véritable héros de cette histoire. Avec ce fameux cheval désireux de s'affranchir de cette condition de peinture à l'huile, Olivier nous offre une chevauchée fantastique dans le plus célèbre musée du monde, à la rencontre de quelques oeuvres d'art emblématiques du lieu, des oeuvres signées Géricault bien sûr mais aussi Léonard de VInci, Georges de la Tour, Johannes Vermeer et quelques autres. 

Pourquoi le musée du Louvre et pourquoi un tableau de Géricault pour cette nouvelle aventure ? C'est ce que nous avons demandé à OIivier Supiot. Interview...

Tu inaugures avec cet album une nouvelle collection lancée conjointement par les éditions Delcourt et Le Louvre éditions. Aborde-t-on un travail de commande comme celui-ci de la même façon qu'un projet classique ?

Olivier. Je suis très heureux d'inaugurer avec "Le cheval qui ne voulait plus être une œuvre d'art" cette nouvelle collection pour la jeunesse imaginée par Fabrice Douar de Louvre éditions et Grégoire Seguin directeur de collection chez Delcourt. Ce livre est tout sauf un travail de commande, c'est un cadeau, comme un pari d'enfant genre : "Et si on disait qu'on écrirait et dessinerait une histoire qui se passerait dans le plus grand musée du monde". J’ai eu cette chance de pouvoir imaginer l'histoire que je voulais. Une formidable carte blanche.

Comment t'est venue l'idée du scénario ? Et pourquoi précisément avoir choisi ce tableau de Géricault ?

Olivier. Le Louvre et les chevaux, c'est une longue histoire, les écuries royales, la salle de manège, les nombreuses œuvres équestres : peintures, sculptures, céramiques, dessins. Il y a eu comme une évidence pour que mon personnage principal soit un cheval. Ma compagne est ostéopathe équin, il y avait déjà à la maison un lien particulier avec les chevaux.
Dans mon salon il y avait une reproduction de ce tableau tête de cheval blanc de Géricault mais je n'ai pas su tout de suite que l'original était au Louvre. Quand je suis allé au Louvre pour ma première visite liée à l'album, je suis allé voir ce tableau. C'est véritablement un portrait de cheval, ce n'est pas n'importe quel cheval c'est celui là !! Il se dégage de ce portrait de la force et aussi une grande douceur. J'avais trouvé le héros de mon histoire.
On se balade avec le cheval dans le musée, on croise quelques oeuvres majeures... Est-ce facile de mettre l'art et notamment la peinture en images ? Plus facile que les tranchées ?

Olivier. Pour "Le cheval qui ne voulait plus être une œuvre d'art" Je voulais que certains tableaux prennent vie, que d'autres restent figés et je voulais une cohérence graphique entre chaque dessin, d’où l'idée de peindre ou repeindre entièrement ou partiellement les œuvres utilisées afin que chacun des éléments du récit puisse appartenir au même univers narratif. Par moment, dans l'album, il y a aussi des jeux avec les cadres et cadrages... ça bouge, ça vit à l'image du Musée.
Pour "la patrouille des invisibles", qui était un album adulte paru aux éditions Glénat, dont l'intrigue se déroulait lors de la première guerre mondiale, il y avait une atmosphère de noirceur omniprésente, mais pour ce nouvel album qui est un album jeunesse je voulais de la lumière et de la couleur, une impression de chaleur, de joie .

Tu nous faisais part il y a deux ans de ton épuisement moral à la sortie de "La Patrouille des invisibles". Trop de noirceur, trop de sang, trop de réalisme... et peut-être pas assez d'imaginaire, de poésie ? L'imaginaire, c'est toujours ce qui te fait lever le matin non ?

Olivier. Le travail sur "La Patrouille des invisibles" a duré 2 ans pour cent pages, beaucoup de documentation, même si je n'ai pas la prétention d'avoir fait une bd historique, c'était un travail beaucoup plus réaliste et violent au niveau du récit. Ce fut très prenant et épuisant. J'ai besoin d'alterner comme un Dr Jekyll et Mr Hyde des projets tantôt noir, tantôt lumineux. J'ai besoin d'imaginaire et de rêve, je suis un grand enfant !!
Passer du laid au beau, de la guerre des tranchées au musée du Louvre a-t-il été facile graphiquement ?

Olivier. Entre ces deux livres, j'ai réalisé un livre d'illustration Jeunesse : l'enfance de Mammame d’après une chorégraphie de Jean-Claude Gallotta et un texte de Claude-Henri Buffard chez Glénat et Un album BD jeunesse avec Olivier Ka au scénario Pieter et le Lokken aux éditions Delcourt. Ce n'est jamais facile de changer d'univers graphique, à chaque fois une nouvelle aventure commence .

Tu es connu et reconnu pour ton travail sur la couleur, pour tes couleurs directes précisément. Est-ce qu'elles s'imposaient encore plus ici ?

Olivier. J'ai besoin de la couleur, elle rythme mes récits et accompagne les sentiments et les émotions des personnages. J'aime la peinture depuis tout petit, mes parents m'emmenaient au Musée. J'adorais peindre sur des morceaux de bois avec de la peinture récupérée à droite à gauche. Le plaisir de dessiner en couleur est très lié à mon enfance. Le Louvre déborde de couleurs, c'est un lieu magique pour qui désire s'y aventurer.

Je crois savoir que tu es un bon client des musées. Que représentais pour toi Le Louvre avant cet album ?

Olivier. J'adore les Musées : Orsay, le Rjksmuséum, le Musée Van Gogh, le National Gallery, le Tate... J'ai eu la chance de travailler avec deux musées de la région, le musée Joseph Desnais un authentique cabinet de curiosités à Beaufort en vallée et le Musée Georges Turpin de Parthenay... Un Musée est comme un grand livre d'image dans lequel on se promène, il nous raconte des histoires et notre histoire. Le Louvre est le plus grand musée du monde c'est un trésor inestimable à partager...

Je suppose que les portes du musée t'ont été ouvertes pour la préparation de l'album. Est-ce que ça a changé ton regard sur les lieux ?

Olivier. J'ai eu la chance d'avoir un pass, ce qui m'a permis d' y aller 8 fois en un an pour préparer mon album. J'ai hâte d'y retourner pour faire d'autres visites, m'y perdre et profiter... J'ai envie de redécouvrir le musée différemment, il y a tant de choses à ressentir !!

D'une manière générale, quelle oeuvre d'art te bouleverse particulièrement ? Et pourquoi ?

Olivier. J'aime quand il y a une rencontre, la peinture me touche beaucoup, mais finalement peu importe le média ce qui compte c'est de vivre une émotion.

Pourrais tu abandonner la bande dessinée pour la peinture ou la sculpture ? Plus sérieusement, quels sont tes projets ?

Olivier. Je peins parfois, pour le plaisir mais la peinture me fait peur, il n'y a pas de filet, c'est d'ailleurs ce qui est intéressant et la rend si attrayante. Peindre c'est se regarder en face, creuser à l'intérieur de soi, il faut beaucoup de courage et affronter beaucoup de peurs... Je pense que je ne suis pas encore prêt... Un jour peut-être... La bande-dessinée est encore libre et polymorphe et je m'amuse énormément... faire un livre c'est à chaque fois une belle aventure. Pour les projets je viens de finir un album jeunesse,1er opus d'une série en couleur directe aux éditions de la gouttière avec Joris Chamblain au scénario : Lili Crochette et Monsieur Mouche. Sortie prévue en mars 201 , mon 30ème livre... L'aventure continue...

Merci Olivier
Propos recueillis par Eric Guillaud le 16 décembre 2016
Le Cheval qui ne voulait plus être une oeuvre d'art, d'Olivier Supiot. 
Éditions Delcourt. 14,50

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