À Nantes, la visite de lycéens dans une mosquée déchaîne l'extrême droite

©France 3 pays de la Loire

Le 15 décembre 2016, une classe de terminale du lycée Jules-Verne de Nantes s’est rendue à la grande mosquée de la ville pour une visite scolaire. Une démarche qui déplaît à l’extrême droite. Elle va jusqu'à mener une campagne d’intimidation contre l’établissement sur internet.

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L’événement, banal, aurait pu passer inaperçu. Le 15 décembre 2016, les élèves de terminale ES du lycée Jules-Verne de Nantes se sont rendus à la grande mosquée de Nantes, dans le quartier Malakoff. La visite, qui s’inscrit dans le programme d’histoire des lycéens, n’est pas la première du genre : depuis quelques années déjà, le centre islamique reçoit des classes pour parfaire leurs connaissances du culte musulman.

« On avait commencé au tout début à l’inauguration de la mosquée (en 2012, NDLR) avec le collège de Vallet, explique Mohammed Guerroumi, responsable à l’époque de la communication à la mosquée.

Un cliché instrumentalisé

Plusieurs photos des jeunes visiteurs ont été prises pendant cette sortie, dont certaines ont été publiées sur le compte Facebook de l’imam de la mosquée, Belgacem Ben Saïd. Un mois après, le 11 janvier 2017, le site identitaire Fdesouche fait ressortir ces images. À grand renfort de raccourcis, le contributeur du site explique que « cette mosquée étant membre de la fédération des islamistes de l’UOIF, (…) devrait être fermée depuis longtemps ».

L’auteur du papier souligne l’appartenance de la mosquée nantaise à l’union des organisations islamiques de France (UOIF), dont on prête des liens avec les Frères musulmans, organisation qui prône un islam politique. Le centre religieux nantais est en fait géré par l’association islamique de l’Ouest de la France (AIOF), qui adhère à l’UOIF.

Des sites de « réinformation » aux élus nationaux

« Personnellement, je ne partage pas beaucoup de points de vue avec cette fédération, confie Mohammed Guerroumi, actuellement délégué de la Région pour l’instance nationale de dialogue avec l’islam. Cela dit, celle-ci est reconnue par l’État, souligne-t-il. Elle est républicaine qu’on le veuille ou non, constituée en respect de la loi de 1905. On ne peut pas considérer ces gens comme terroristes comme Marion Maréchal Le Pen veut l’entendre ».
 
Car la députée frontiste du Vaucluse s’est fendue d’un tweet pour relayer l’intox de Fdesouche. Un message de 140 signes - qui présente directement la mosquée comme appartenant à un groupe terroriste - qui « insulte des citoyens français, » estime Mohammed Guerroumi.

Joint par téléphone, le président du groupe FN au Conseil régional nuance. « La mosquée de Nantes fait partie de ce réseau [l’UOIF] et nous pensons qu’il existe d’autres lieux pour montrer l’islam aux jeunes Français, » considère Pascal Gannat. Relayée par la députée FN, l’information a aussitôt fait bondir les milieux d’extrême droite sur internet, qui publient à leur tour, entre le 11 et le 13 janvier, des articles aux arguments douteux.
 
Preuve en est de la somme avancée par ces sites - 200 000 euros - que la Mairie de Nantes aurait octroyée à l’association pour financer la construction du centre culturel. « Une rumeur sans fondement » a réagi l’imam Ben Saïd sur son compte Facebook.

Une rumeur véhiculée de même par Breizh-info, le même site de « réinformation » qui, lors d’un entretien avec M. Guerrouchi en janvier 2015, écrivait que « la municipalité de Nantes » avait octroyé « le terrain actuel de la mosquée Assalam à l’AIOF, moyennant la somme de 200 000 euros » dans le cadre du Grand projet de ville du nouveau Malakoff. Étrange paradoxe.
 
Le centre islamique, dont le coût avoisinait 4,5 millions d’euros, n’a pas reçu d’argent public pour sortir de terre, bien qu’une somme ait été proposée par Jean-Marc Ayrault, maire de Nantes à l’époque. La moitié du financement a finalement été pris en charge par l’association via des collectes ; l’autre moitié est venue des poches d’un homme d’affaire qatari.

Des plaintes extérieures au lycée

Le site Résistance républicaine, dont l’islamophobie est totalement assumée, va même plus loin : sa fondatrice n’hésite pas à mentionner le numéro de téléphone du lycée en fin d’article. Un renseignement pour ses lecteurs qui sonne comme un appel au harcellement du standard de l'établissement scolaire. Des personnes ont ainsi exprimé leur mécontentement par téléphone, sans toutefois décliner leur identité lorsque celle-ci leur a été demandée.

Selon la fédération de parents d'élèves liée au lycée, aucune famille ne s'est plainte pour le moment. « En tant que vice-président de la FCPE 44, je ne peux pas blâmer l’étude des religions, explique Jean-Siméon Ménoreau. Lors de la visite de la mosquée, on prend connaissance d’une religion, de son architecture propre. Dans ce sens, la visite fait partie du programme, la visite d’une synagogue que le groupe fait ensuite ». Le lycée Jules-Verne ne souhaite pas communiquer pour l'instant.


Lors de la visite, « on montre [aux élèves] le bâtiment, son aspect architectural assez particulier car nous voulions qu’il s’intègre bien dans l’urbanisme de Nantes, ajoute Mohammed Guerroumi. Nous voulions aussi expliquer ce qu’est la religion islamique, ce que font les fidèles, l’histoire de l’islam. Cela rentre dans le programme scolaire »
 
D’autant plus que l’édifice religieux – le plus spacieux du Grand Ouest - est connu pour son ouverture aux autres cultes plutôt que d’être une mosquée communautariste. Ces portes s’ouvrent régulièrement aux visiteurs ; la dernière en date se tenait le 8 janvier.

De plus, le centre islamique accueillait le 10 janvier un groupe de séminaristes catholiques. Une rencontre organisée dans le cadre d’une formation sur l’islam et le dialogue interreligieux. Un dialogue visiblement mal accepté par l'extrême droite.
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