REPORTAGE. Dans le secret de l'atelier du Nantais Hervé Tanquerelle, auteur de l'album "Groenland Vertigo"

Hervé Tanquerelle n'est pas vraiment du genre baroudeur. En 2011, pourtant, l'auteur embarque sur un voilier pour trois semaines d'expédition au Groenland. Il en tire aujourd'hui une bande dessinée, une fiction autobiographique. Nous avons poussé la porte de son atelier pour en savoir un peu plus...

L'essentiel du jour : notre sélection exclusive
Chaque jour, notre rédaction vous réserve le meilleur de l'info régionale. Une sélection rien que pour vous, pour rester en lien avec vos régions.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "L'essentiel du jour : notre sélection exclusive". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

"Groenland Vertigo" est ce qu'on appelle une fiction autobiographique, autrement appelée une autofiction, Hervé Tanquerelle parle plus volontiers d'un racontar "une histoire vraie qui pourrait passer pour un mensonge, à moins que ce ne soit l'inverse". 

Comme les fameux Racontars arctiques de l'écrivain danois Jørn Riel que l'auteur a adaptés en BD avec Gwen de Bonneval aux éditions Sarbacane. Des Racontars qui, déjà, nous emmenaient au Groenland.

Et c'est précisément l'adaptation de ces Racontars qui va amener Hervé Tanquerelle à participer à une expédition danoise réunissant une dizaine d'artistes et de scientifiques renommés parmi lesquels, on y revient, l'écrivain Jørn Riel.

"Je ne suis pas un baroudeur, je suis même assez casanier. Pourtant, je suis très attiré par le voyage. Si on me propose de partir à l'étranger, je dis oui tout de suite, après je stresse et je surmonte".

Mais ce voyage-là, Hervé Tanquerelle ne pouvait décemment pas le refuser. "Il y a tellement de gens qui auraient aimé être à ma place". Le voilà donc embarqué dans une sacré aventure à bord d'un vieux gréement, direction les fjords au nord-est du Groenland avec en poche ses crayons et son appareil photo.

"En fait, j'ai été invité par le capitaine du bateau et chef de l'expédition, Jonas Bergsøe, qui était tombé sur l'adaptation des Racontars. Il n'y avait aucune attente particulière, l'idée était de rendre compte de la beauté, de la diversité, de la complexité des fjords, d'échanger entre artistes et scientifiques. J'ai fait beaucoup de croquis, de photos, de films, sans vraiment savoir ce que j'en ferai à mon retour."
On aurait pu s'attendre à une bande dessinée documentaire, dans la lignée de "La Communauté", diptyque qu'il a écrit il y a quelques années avec Yann Benoît, mais non. Une fois revenu sur la terre ferme, l'auteur, un peu frustré, estime être resté à la surface des choses et ne pas avoir ramené assez de matière, principalement à cause du barrage de la langue. Tout reste au chaud dans un coin de sa mémoire jusqu'au jour où Gwen de Bonneval et Brüno, deux autres auteurs nantais, lui donnent l'idée de faire de toute cette aventure une fiction. C'est le déclic !

"C'est tout d'un coup devenu une évidence, je ne veux pas dire que ça s'est fait en un claquement de doigts mais j'avais subitement le droit au mensonge, et ça changeait tout. Grâce à mes documents et à un livre de bord que j'ai tenu pendant toute l'expédition, j'ai petit à petit réécrit une histoire différente et rocambolesque, en m'appuyant sur quelques anecdotes bien réelles et avec l'idée de me rapprocher de l'univers d'Hergé, de Tintin, de L'Étoile mystérieuse".
C'est évident, presque frappant, "Groenland Vertigo" transpire l'univers du génie de la ligne claire, Hergé. Une influence largement assumée, revendiquée même, par Hervé Tanquerelle. Faut-il voir dans son album un hommage ? Un clin d'oeil ? Une simple évolution stylistique ?

"Si on regarde bien mes albums, il y a toujours eu un rapport à Hergé, que ce soit dans les Racontars ou même dans La Communauté. Je n'ai jamais eu un dessin ligne claire mais il a toujours flirté avec l'univers d'Hergé. Je n'ai pas changé du tout au tout en abordant Groenland Vertigo, même si j'ai, c'est vrai, légèrement poussé quelques curseurs pour aller vers un dessin encore plus proche d'Hergé. J'ai arrondi un peu mon trait, simplifié certaines choses, ce que je n'aurais peut être pas fait si je n'étais pas dans un hommage à la ligne claire et à Hergé". 

Pas question pour autant de faire un pastiche : "Dans Vertigo, les décors restent très réalistes, grâce à l'utilisation de lavis, de gris, et les couleurs d'Isabelle Merlet sont très éloignées de celles d'Hergé".
Rien ou presque, dans l'atelier d'Hervé Tanquerelle, ne laisse entrevoir sa passion pour Hergé. La pièce ressemble plus à un cabinet de curiosité ou s'entassent, s'entremêlent, s'entrechoquent parfois, figurines plus ou moins improbables, livres plus ou moins sérieux, masques plus ou moins effrayants mais aussi platine disque, vinyles et, bien sûr, albums BD. Peu de références à Hergé mais c'est pourtant bien le maître de la ligne claire qui lui a donné envie de faire de la BD son métier.

"Je n'ai pas lu uniquement Tintin dans ma jeunesse mais il m'a très profondément marqué. J'ai appris à lire de la BD avec la grammaire et le vocabulaire d'Hergé. Le dessin, la narration ou encore cette façon d'exprimer les émotions avec ces émoticônes, les petites gouttes d'eau, les spirales qui expriment la vitesse... c'est quelque chose que j'ai complètement intégré à mon dessin".
Hergé, on l'a compris, fait partie de ses influences majeures mais il faut compter aussi avec Franquin, les héros du magazine Spirou d'une façon générale, Gotlib, Thorgal, Tardi, les univers victoriens, les comics des années 80... Hervé Tanquerelle reconnaît être le résultat de toutes ces influences, un mélange complexe qui lui donne un style particulier, un style qui s'adapte en fonction des univers abordés. 

"À la différence de mon ami Brüno (auteur de Tyler Cross, ndlr) qui s'est créé un style reconnaissable entre tous, moi, j'ai cette manie de modifier mon dessin en fonction de l'univers qu'on me propose, je m'adapte, c'est peut être ça mon style, de ne pas en avoir".
Un visage ovale, un nez pointu, une petite moustache, un bonnet vissé sur la tête... Pour raconter cette histoire, Hervé Tanquerelle s'est avant tout inventé un personnage qu'il appela Georges Benoît-Jean. "Là aussi, j'ai poussé les curseurs, Georges est beaucoup plus maladroit et angoissé que je ne le suis vraiment".

Sur plus de 100 pages, Georges devient nos yeux, nos oreilles, nos jambes et nos bras, nous entraînant dans les coulisses de cette expédition, sur le voilier, au milieu des premiers icebergs, au Groenland, avec une douzaine de personnages et des faits plus ou moins vrais, plus ou moins faux, avec aussi en point d'orgue l'installation in situ d'une oeuvre monumentale de l'artiste Ulrich Kloster.

Vidéo. En six minutes, Hervé Tanquerelle nous présente son personnage Georges Benoît-Jean
On s'amuse beaucoup, les plus avertis y décèleront même quelques clins d'oeil directs aux albums de Tintin, on s'amuse et puis on évoque en filigrane des choses plus sérieuses comme l'ego des artistes ou l'environnement, la pollution, le réchauffement climatique.

"Je me suis toujours senti concerné par les problématiques de l'environnement, d'autant plus après avoir travaillé sur un numéro spécial du "Professeur Cylcope" autour du réchauffement climatique, ça m'a ouvert les yeux sur la proximité de la catastrophe qui nous pend au nez. Et on sait très bien ce qui se passe au Groenland, entre le réchauffement et les histoires de pétrole, de forages... mais attention, on en parle très peu, ce n'est pas une BD écologique."

Son. Hervé Tanquerelle livre une anecdote inédite
##fr3r_https_disabled##Vertigo Groenland est disponible mercredi 18 janvier dans toutes les bonnes librairies. Pendant que vous vous précipiterez pour l'acheter, Hervé Tanquerelle, lui, se remettra certainement au travail sur son nouveau projet.

"C'est un gros gros projet avec Fabien Vehlmann et Gwen de Bonneval au scénario, Fred Blanchard, designer et éditeur, et Laurence Croix aux couleurs, un univers contemporain avec tout de même pas mal de flashbacks dans les années 60, une uchronie en fait dans laquelle on parle de robots géants. Le dessin est pour le coup beaucoup plus réaliste. Trois bouquins de 200 pages chacun sont prévus dans un format comics".

Et dans les prochains jours ? Hervé Tanquerelle sera à Angoulême du 26 au 29 janvier pour la 44e édition du Festival International de la Bande Dessinée, en dédicaces à droite et à gauche (voir la liste ci-dessous), et invité spécial de l'émission 9h50 le Matin mardi 31 janvier sur France 3 Pays de la Loire.

Propos recueillis par Eric Guillaud le 16 janvier 2017
Groenland Vertigo, éditions Casterman. 19€
Infos, chroniques, interviews... retrouvez toute l'info BD sur notre blog dédié BD ici




Hervé Tanquerelle en dédicaces dans la région
Hervé Tanquerelle sera à la librairie Coiffard à Nantes le 21 janvier à 15h30, à La mystérieuse librairie nantaise le 11 février après-midi, à la librairie Aladin le 24 février après-midi

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information