Mediapart a rendu public un document interne du rectorat destiné aux chefs d'établissement de la Vienne. Dans ce document visant à prévenir la radicalisation en milieu scolaire, les termes utilisés peuvent surprendre. Le recteur d'académie, que nous avons contacté, n'a pas souhaité réagir.
Mediapart a publié ce vendredi 21 novembre sur son site internet un document interne émanant des services du rectorat de Poitiers intitulé "prévention de la radicalisation en milieu scolaire". Dans ce document de 14 pages, envoyé aux chefs d'établissement du département de la Vienne, il s'agit de donner des clés afin de repérer les éventuelles situations dangereuses.Dérapage ou maladresse ?
L'article est titré "Radicalisation religieuse : l'Education nationale dérape". La journaliste Lucie Delaporte passe en revue les différents outils devant permettre d'aider les chefs d'établissement à repérer les élèves sur le point de "basculer".Ainsi, une "barbe longue non taillée" ou un "cal sur le front" peuvent - selon ce document- être des "indicateurs d'une radicalisation" ; tout comme, faire "reférence à l'injustice en Palestine" ou montrer "un intérêt pour les débuts de l'Islam". De même, y figure une typologie pour le moins maladroite des éventuels candidats au "basculement".
D'anciens gendarmes ou policiers
Si ce document interne n'était pas destiné à être rendu public, il suscite néanmoins l'interrogation car les termes employés font plus penser à une description de police qu'à un document pédagogique. Selon Mediapart, les auteurs de ce document seraient d'ailleurs "pour moitié d'anciens gendarmes ou policiers", membres des équipes mobiles de sécurité et à ce titre, fonctionnaires de l'Education Nationale travaillant en étroite collaboration avec les préfectures.Toujours selon nos confrères, le ministère de l'Education a reconnu que ce document "manque peut être de nuances".
Des questions sans réponse
Pourquoi un tel document a-t-il été établi ? Est-il le reflet d'une réalité en Poitou-Charentes ? Y a-t-il eu des cas de radicalisations dans l'académie ? Des élèves ont-ils déjà rejoint les rangs des combattants en Syrie ? Beaucoup de questions se posent ; elles restent ce samedi sans réponse.Le recteur de l'académie de Poitiers, Jacques Moret, n'a pas souhaité réagir à cette affaire.
Le syndicat SE-UNSA 86 réagit
Par la voix de son secrétaire départemental, le SE-UNSA 86 a réagi.Questionné sur la teneur de ce document, Jean-François Roland s'est montré surpris : "ce n'est pas vraiment le vocabulaire employé habituellement dans l'Education nationale. Si on reprend certains termes utilisés (NDLR : dans ce document), je pense que c'est une maladresse. "
Et d'ajouter : "C'est un document qui a sûrement été mal relu avant d'être publié à destination des chefs d'établissements de la Vienne".
Quant à savoir si ce document reflète une réalité dans le département, Jean-François Roland affirme n'avoir "pas connaissance de cas de jeunes qui seraient engagés dans le jihad (...) Mais si cela doit répondre à cette problématique-là, je n'ai rien contre".
Il tempère néanmoins ses propos : "C'est le rôle de l'Education nationale de le faire, en des termes sûrement un petit peu mieux choisis. Il ne s'agit pas non plus de mettre le feu dans les établissements".