Un court-métrage tourné à la Villeneuve de Grenoble sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes

Aucun n'avait imaginé endosser un jour le costume d'acteur. Ils s'apprêtent pourtant à découvrir Cannes et son festival: 25 jeunes du quartier grenoblois de la Villeneuve se sont donnés la réplique dans "Guy Môquet", un court-métrage sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs.

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Oeuvre du cinéaste grenoblois Démis Herenger, qui a mené plusieurs projets en milieu carcéral, cette comédie romantique de 32 minutes, aux antipodes du film de banlieue, a été entièrement tournée à la Villeneuve, quartier populaire du sud de la ville, théâtre d'émeutes en 2010.

"Quand j'ai eu vent du projet, j'étais sur le point d'arrêter l'école, j'étais complètement à la dérive. Et puis j'ai fait un stage avec l'équipe du film. C'est là que je suis vraiment tombé amoureux du cinéma", confie Teddy Lukunku, 19 ans, qui interprète le rôle de "Guy Môquet", l'un des surnoms du personnage central de cette fiction, en référence à la fameuse lettre du jeune résistant communiste fusillé en 1941 à 17 ans et dont la lecture en classe avait beaucoup ému le personnage du film.

Dans une scène qui lance l'intrigue, "Guimo" promet à Ticky, jolie fille qu'il tente en vain d'impressionner, de l'embrasser au crépuscule. "Devant tout le monde et au milieu du lac", précise le jeune homme, pointant le vaste plan d'eau de la cité aux abords duquel le court-métrage a été tourné. "Guimo, c'est un grand rêveur qui est amoureux et qui ose des choses taboues dans le quartier, ce qui ne plaît pas à ses amis. En un sens, je lui ressemble", analyse Teddy.

Sous l'oeil taquin des autres protagonistes, le jeune comédien évoque son bonheur de découvrir la Croisette et son désir de cinéma qui l'a conduit à entamer des études à la Haute École d'Art et de Design de Genève - son rêve d'enfant à la Villeneuve. Comme lui, l'ensemble des acteurs, âgés de 15 à 25 ans, ont grandi dans ce dédale d'immeubles où vivent quelque 12.000 âmes. Quelques-uns sont déscolarisés. D'autres poursuivent un "parcours scolaire difficile" ou font des "petits boulots". Comme Samrah Botsy, 21 ans, l'héroïne du film qui n'entend pas quitter son travail de vendeuse pour le cinéma.

Reportage Damien Borrelly et Franck Ceroni

Intervenants : Demis Herenger, Réalisateur de "Guy Môquet"; Samrah Botsy, "Ticky"; Naïm Aït-Sidhoum, Co-producteur de "Guy Môquet"; Karim Saïd, Comédien; Eric Botsy, Comédien

Sortir le quartier des clichés


"Les personnages qu'ils incarnent ne sont pas caractérisés par leur position sociale. Le réel est donné par les situations", précise Naïm Aït-Sidhoum, producteur exécutif. Le court-métrage a été tourné en 12 jours en juin et juillet 2013, avec un budget d'environ 30.000 euros. Pour le préparer, l'équipe de "Guy Môquet" a convié ses apprentis acteurs, repérés lors d'un casting ou de précédents plateaux, à des ateliers qui ont fait office de répétition générale.

Imposants et magnétiques, les immeubles du quartier se font discrets à l'écran, laissant la vedette à son immense parc verdoyant. "On ne fait que deviner la Villeneuve. L'idée, c'était de nous inscrire dans un endroit abstrait pour renforcer le côté universel de l'histoire", décrit Julien Perrin, le chef-opérateur. "On a choisi d'ancrer le film dans les situations davantage que dans le quartier. +Guy Môquet+ est une critique à l'égard de l'esprit de village", souligne Démis Herenger, désireux de "sortir le quartier des clichés et des a priori relayés par les reportages télévisés".

Le film est coproduit par la société Baldanders Films et Vill9lasérie, un collectif de jeunes vidéastes grenoblois auquel la municipalité avait confié en 2010, à l'aune des violences urbaines, la mission de rassembler les habitants autour d'un projet participatif. Le pilote d'une série télévisée soutenue par la Ville, le Centre National de la Cinématographie et France Télévisions, avait vu le jour en 2012. "Tourner pour la télévision nécessitait de faire vite, ce qui compliquait notre objectif de travail avec les habitants. On se détachait d'eux et du quartier", observe Naïm Aït-Sidhoum.

"On va mesurer petit à petit ce qui va changer pour ces jeunes. Cette génération sait désormais qu'en prenant un risque comme celui de s'investir dans un film, elle peut aller au Festival de Cannes. Ça change déjà beaucoup de choses", conclut le producteur.
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