Réapparu en France il y a 20 ans, le loup colonise peu à peu l’est du territoire français. Mais sa cohabitation avec les éleveurs pose problème. L’an passé 1800 attaques de troupeaux lui ont été imputés. A l'avenir, son statut d’espèce protégée pourrait être remis en cause.
Un redoutable prédateurLe loup qui occupait 90% du territoire au 18è siècle a totalement disparu de France à l’état sauvage au début des années 30. Revenu en France depuis l'Italie il y 20 ans, le prédateur fait preuve d'une excellente capacité d'adaptation. Aujourd'hui, 300 individus sont présents dans une vingtaine de départements français et notamment dans l’arc alpin.
Si ce chasseur hors pair se nourrit essentiellement de grand gibier, il n’hésite pas à s’attaquer aux troupeaux en cas de besoin.
Sur le col du Glandon, aux confins de la chaine de Belledonne, le loup a attaqué une douzaine de fois cet été. En quelques semaines, il a tué une soixantaine de moutons et brebis.
Le loup : une espèce protégée
La France est signataire de la convention de Berne. Le loup bénéficie donc du statut « d’espèce d’intérêt communautaire prioritaire » devant être protégée.
Mais la convention admet des possibilités d’intervention de l’Etat que le gouvernement utilise largement dans le cadre du Plan Loup. Il autorise l’abattage de 24 loups pour protéger les troupeaux, ce qui représente presque 10% de la population totale.
Ce sont les préfets qui ordonnent les tirs de prélèvement. En Savoie et Haute-Savoie, ces tirs ont été confiés aux lieutenants de Louveterie pour protéger les troupeaux face à la multiplication des attaques de l’été dernier.
Un statut qui pourrait être remis en cause
Sur l’année écoulée en France, on attribue au loup, plus de 1800 attaques et 6500 bêtes tuées. Entre les indemnisations et les aides à la protection des troupeaux, la facture s’élève à plus de 12 millions d’euros pour l’Etat.
Les éleveurs dénoncent cette prédation depuis des années. Les organisations syndicales agricoles, les professionnels du tourisme et élus de tous bords relaient aujourd’hui leur ras-le-bol.
Cet été au col du Glandon, ils ont signé une motion pour une régulation opérationnelle de l'animal et son déclassement de la convention de Berne. Un rejet qui a gagné la capitale, à Paris, le prédateur fait l'unanimité contre lui à l'assemblée nationale, lors de la discussion du projet de loi d'avenir pour l'agriculture au mois de juillet dernier.
Le loup : un coupable idéal
Selon les défenseurs de la faune sauvage, les attaques des loups seraient des prétextes pour injecter des fonds publics dans une filière ovine en crise. Un moyen de faire face à la concurrence venue de Grande Bretagne et surtout de Nouvelle-Zélande. Un éleveur se fait en effet rembourser deux à trois fois le prix du marché quand l’une de ses bêtes est attaquée. Des éleveurs peu consciencieux ne protégeraient pas assez leurs troupeaux pour profiter du système selon l’ASPAS, l'association de défense des animaux sauvages.
Les défenseurs de la nature veillent
Entre les tirs de défense, les prélèvements administratifs et les tirs autorisés pour les chasseurs au grand gibier, ce sont en tout 36 loups qui peuvent désormais être tués chaque année en France…
Un quota qui a été triplé en deux ans. Les défenseurs de la faune sauvage s’insurgent et contestent systématiquement les arrêtés préfectoraux et ministériels d’autorisation de tir sur le grand canidé. L'ASPAS, l'association forte de 11.000 membres, affiche une centaine de procédures au compteur et elle obtient gain de cause dans la plupart des cas. D'après son président, les tribunaux sont les derniers lieux où l'on peut encore discuter de la présence du prédateur dans nos territoires.
Reportage de Cédric Picaud, Didier Albrand, Sylvain Dumaine et Philippe Caillat