Pour perdre du poids ou pour soigner leur diabète, ils ont pris du Médiator. Quelques années plus tard, ces patients présentent des insuffisances cardiaques ; ils demandent réparation, notamment, du préjudice d'anxiété qui en résulte.
Concours de circonstances : cette démarche intervient le jour même où l'on apprend la mise en examen de l'agence du médicament dans l'affaire du Médiator.
Le traitement, qui contient une molécule coupe-faim, le benfluorex, a été prescrit pendant trente ans, d'abord contre l'excès de graisses dans le sang, puis comme traitement adjuvant chez les diabétiques en surpoids, avant d'être retiré du marché le 30 novembre 2009.
Ce médicament pouvait provoquer de graves problèmes cardiaques (des valvulopathies) et a causé entre 500 et 2.000 décès en France, selon différentes études.
L'Agence du médicament mise en examen pour homicides et blessures involontaires
Dans l'enquête sur le Mediator, les juges soupçonnent l'autorité de contrôle du médicament d'avoir négligé les alertes sur la dangerosité du médicament de Servier de 1995 à 2009.
Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) publié en janvier 2011 sur le scandale du Mediator avait mis en avant de "graves défaillances de pharmacovigilance" dans la surveillance de la dangerosité potentielle du benfluorex, la molécule incluse dans le médicament, à partir de mai 1995 et
jusqu'à son retrait du marché en 2009.
"Le benfluorex était sous enquête officieuse depuis mai 1995 puis officielle en mai 1998, compte tenu de sa dangerosité potentielle", écrivait l'Igas. Le benfluorex fera l'objet de nombreuses réunions de pharmacovigilance au niveau européen à partir de septembre 1998 mais "les alertes répétées sur le mésusage du benfluorex ne seront pas prises en compte", ajoutait l'Igas.
Elle estimait également qu'aucun des directeurs généraux qui se sont succédé à la tête de l'Agence du médicament "n'a été informé de manière correcte sur le sujet du Mediator, ni sur ses caractéristiques pharmacologiques, ni sur la réalité des effets indésirables, et ce jusqu'à la fin de l'année 2010".
Deux informations judiciaires principales sont ouvertes dans ce dossier: l'une pour "homicides et blessures involontaires" dans laquelle le fondateur du laboratoire fabriquant le Mediator, Jacques Servier, a été mis en examenle 11 décembre, l'autre pour tromperie et escroquerie dans laquelle M. Servier a été mis en examen avec ses sociétés en septembre 2011.
L'enquête pour homicide et blessures involontaires devrait durer plus longtemps que celle pour tromperie, puisqu'il faut établir un lien entre la prise du médicament et les dommages infligés aux malades.
A la mi-février, dans l'autre volet de l'enquête, les juges d'instruction avaient mis en examen deux anciens responsables de l'Afssaps, Jean-Michel Alexandre et Eric Abadie, respectivement pour "participation illégale d'un fonctionnaire dans une entreprise précédemment contrôlée" et prise illégale d'intérêt.