L’urbex, contraction de l’anglais « urban exploration », consiste à explorer des lieux, abandonnés ou non, dont l’entrée est généralement interdite au public. Souterrains, friches industrielles, ou vieilles bâtisses sont le terrain de jeu privilégié des explorateurs.
Dossier d'Emilie Rosso et Olivier Denoyelle, montage Laurie Cortial.
Urbexeurs, aventuriers d'aujourd'hui
Sur les traces de l'histoire, les explorateurs urbains s'infiltrent, visitent et photographient les souterrains, les friches industrielles, et les vieilles bâtisses désertées de notre région. Comment font-ils pour pénétrer dans ces lieux ? Quelles sont les règles de cette pratique que l'on appelle « l'urbex » ? Seth et Sentinel, aventuriers lyonnais, nous ont ouvert les portes de leur univers.
« Danger, accès interdit au public ». Les deux explorateurs passent devant le panneau sans y prêter la moindre attention. Escalade de murets, infiltration par des fenêtres brisées, Seth et Sentinel passent rarement par la porte d'entrée. Sans un mot, ils s'engouffrent par un trou dans le mur d’enceinte de l’édifice. « On passe par là parce que le trou est déjà fait. Comme on pénètre sur une propriété privée, on n’a pas le droit de casser, de dégrader ou de faire usage d’outils pour entrer. C’est interdit par la loi » explique Seth.
L’urbex n’est pas tout à fait légale, mais le flou juridique qui entoure l'activité permet à ses adeptes de la pratiquer sans prendre trop de risque. « Tant qu’il n’y a eu ni dégradation, ni effraction, ni vol, on ne risque pas grand-chose. Ce n’est pas comme si on entrait avec une barre de fer ou une pince coupante », précise Sentinel, « au pire, on risque une convocation au commissariat. »
Chasse aux trésors
Le brouillard enveloppe l'imposante bâtisse du XIX° siècle, et les cloches qui sonnent au loin confèrent au vieux couvent une atmosphère mystérieuse. Seth et Sentinel avancent prudemment sur le sol jonché d’obstacles. Le bâtiment est abandonné depuis plusieurs dizaines d’années, pourtant, au détour d'un mur à demi effondré sommeillent un vieux poêle, une paire de chaussons et quelques fioles vides. « On aime quand il reste quelques vestiges de la vie passée du lieu. On essaie de retracer ce qui a pu se passer avant. Avec les éléments qu’on connaît et ceux qu’on imagine, on se fait un peu nos films au fur et à mesure de la visite. » Sur les traces de l'histoire, ils immortalisent les secrets du passé, préservent les bribes d'un patrimoine oublié.
Née dans les années 90, l’«exploration urbaine», dite aussi «urbex», reste peu connue. Codifiée par le canadien Jeff Chapman, plus connu sous le pseudo Ninjalicious, l'activité obéit désormais à plusieurs règles compilées dans la bible de l'urbex, Access all areas : « Ne prends rien que des photos. Ne laisse rien que des traces de pas. Ne tue rien que du temps. Ne garde rien que des souvenirs».
Urbex online
Grâce à Internet l'urbex se démocratise. Aujourd’hui, la plupart des 10 000 explorateurs français échangent les bons tuyaux via les réseaux sociaux et les forums spécialisés. Comme Seth et Sentinel, ils sont nombreux à raconter leurs exploration et à poster leurs photos sur un blog. « On a créé Urbex.Me parce qu'on souhaitait partager nos découvertes. Mais le succès du site nous a surpris. Il a pris une ampleur ni voulue, ni mesurée. »
Leurs terrains de jeu, ils les gardent secrets. Pas question de révéler la localisation exacte des « spots », sauf à d'autres membres de la communauté. « L’urbex reste une sorte de société secrète », confie Seth, qui initie de temps en temps de jeunes urbexeurs venus de la France entière pour découvrir le patrimoine caché de la région.
Avant de repartir, Sentinel prend un dernier cliché. « C’est la photo qui nous a menés à l'urbex. Au départ, on cherchait des trucs rigolos à faire, on a donc commencé à prendre des photos dans une vieille usine. C’est ensuite devenu une drogue, on s’arrêtait à la moindre baraque fermée ».
Des rencontres, belles ou périlleuses
Après plusieurs heures de visite, Seth et Sentinel reprennent la route en direction d’un nouveau « spot ». L’exploration s’annonce cette fois plus difficile, l'hospice désaffecté est situé en zone urbaine, et toutes les ouvertures du rez-de-chaussée sont condamnées. Mais rien n'arrête le duo d'explorateurs. Après s'être faufilés par la fenêtre du premier étage, les deux aventuriers, sont rapidement déçus. Les murs sont tagués, le mobilier a disparu depuis longtemps, des déchets jonchent le sol.« Dès qu’un lieu est abandonné, il attire des squatteurs ou des récupérateurs, des voleurs spécialisés dans la récupération d’objets abandonnés sur les lieux. Le but du jeu est de passer avant eux », raconte Seth. « On préfère les exclusivités, comme on les appelle ».
Châteaux anciens, manoirs désertés, camps militaires désaffectés, depuis quatre ans, Seth et Sentinel explorent le patrimoine abandonné de la région. Chaque année, ils repoussent les frontières de leurs escapades clandestines. Leur projet le plus ambitieux : pratiquer l'urbex à Tchernobyl.
Pour aller plus loin : http://www.urbex.me. A ne pas rater : la galerie de photos (http://www.urbex.me/galeries/)