Depuis 200 ans, la ferme de Chantemerle, dans la Vienne, produit des céréales. Désormais, le dernier arrivé élargit l'activité à la fabrication de pain. Pour aménager son fournil et créer une boutique, il lance une cagnotte participative en ligne.
Sur la ferme de Chantemerle à Vézières dans la Vienne, cela fait huit générations maintenant que l’on cultive la terre. Sur les terres familiales, Jérémy Dechartre s’est d’abord vu ingénieur écologue. Il a d'ailleurs collaboré avec le CNRS et des associations environnementales. Avant de revenir aux sources. Et de prolonger la lignée. Parce que cela aurait été dommage que l’histoire s’arrête quand même.
Le pionnier, ce fut François Dechartre, né en 1780 et décédé en 1838. Il a acheté cette ferme aux confins de la Vienne et de l’Indre-et-Loire. À l'époque, elle dépendait du somptueux château de Montpensier, dans la Vienne. "Le bâtiment le plus ancien date du XVe siècle", ajoute Jérémy Dechartre. Le site s’est depuis transmis de père en fils depuis 200 ans.
En avril 2024, le grand gaillard à la barbe brune s’est associé avec son père. Un céréalier qui a choisi de passer en bio en 2019. À 32 ans, Jérémy, pousse plus loin la démarche : il a choisi de devenir paysan boulanger. Tous les lundis et mardis, il plonge les mains dans la pâte et fabrique 70 à 80 kg de pain qu’il vend ensuite à la ferme. "C’est la suite logique de ce qui est en place, explique-t-il. La production céréalière était bien rodée. On pouvait aller plus loin en proposant de la farine et du pain."
>>> Pour en savoir plus sur les paysans boulangers, cette vidéo de présentation du CIVAM Haut Bocage :
Une forte volonté d’indépendance et de maîtrise de la production aussi. "Nous sélectionnons nos semences, nous choisissons les techniques de culture, nous gérons nos récoltes, le tri du grain, la mouture et puis les recettes de pain. Cela nous laisse vraiment maîtres du produit fini et accessoirement du tarif que nous mettons en face pour valoriser notre travail."
Seulement, depuis 2 ans, Jérémy Dechartre partage un fournil avec d’autres paysans boulangers situés à 50 km de chez lui, près de Châtellerault. Le bilan carbone en prend un coup. Et c’est aussi beaucoup de fatigue.
L’ancien naturaliste va franchir, cette fois encore, une nouvelle étape : avoir son propre four. "Ce sera un four à bois comme il ne s’en fait quasiment plus. Du type 'four romain', maçonné en brique. Aujourd’hui, les fours à bois ont un système de chauffe déporté qui fait qu’il n’y a presque plus de contact avec les flammes." Un four facile à réparer et qui peut durer des siècles ! "Il permettra d’avoir une indépendance énergétique, car il y a du bois sur la ferme."
Blé "birégional"
Aménager ce fournil et créer un magasin vont coûter entre 80 000 et 100 000 euros. Jérémy Dechartre a fait appel aux aides régionales et européennes, mais sollicite aussi le financement participatif. Jusqu’à Noël, il est possible d’apporter son obole à ce projet.
Et d'ici à 2026, il espère pouvoir enfin produire local de bout en bout. Même si son blé et son seigle viennent parfois du reste du département de la Vienne, et parfois de l’Indre-et-Loire voisine. "La ferme est coupée en deux, annonce-t-il. Une partie des bâtiments est à Vézières, dans la Vienne, et l’autre à Seuilly, en Indre-et-Loire. Ce qui fait que nous devons faire tous les papiers administratifs en double." Et que les céréales ont cette particularité cocasse d’avoir une double origine en étant toutes produites autour de la ferme. "Nous pratiquons beaucoup la rotation des cultures. Le blé que nous transformons actuellement vient de la Vienne et celui que nous avons récolté cette année vient des terres en Indre-et-Loire."
Mais qu’on se rassure en Poitou-Charentes ! Le pain, lui, sera bien d’cheu nous ! Le fournil va être installé dans un bâtiment inscrit administrativement dans la Vienne ! Ouf ! Il ne fallait pas le laisser à la région d’à côté, non plus !