Pour voir un court en 3D à Clermont, il faudra courir. Deux jours et six séances, c’est un peu court pour en profiter, mais neuf courts en 3D, c’est tellement bon que, pas la peine d’y réfléchir, on y court.
Une queue qui s’étire sur deux étages, pas mal d’excitation et au moment d’entrer dans la salle, ce petit moment de doute. « Euh, les lunettes, je vais peut-être attendre le dernier moment pour les mettre… » Quelques éclats de rire, des photos entre copains, parce que, ces fameuses lunettes, on a bien fini par les enfiler comme tout le monde et que, en fait, ça pourrait presque devenir branché. Et surtout, dans cette salle obscure, le style n’est pas l’essentiel. L’essentiel, c’est la 3D, et la séance va commencer.
Neuf, c’est le nombre de films sélectionnés pour cette grande première à Clermont. Neuf court-métrages qui faisaient partie des 20 du festival Courant 3D qui s’est déroulé à Angoulême en novembre dernier. Le grand manitou du mouvement s’appelle François Serre, président de l’association Prenez du relief et directeur de ce nouveau festival. Après un appel à films, 200 courts en relief lui ont été envoyés d’un peu partout, même du Kurdistan. Parmi eux, 83 valides, et 20 sélectionnés. Avec Jean-Claude Saurel, le président du Festival de Clermont et Roger Gonin, l’un des directeurs, ils ont fait le pari de créer un programme pour Clermont.
La 3D ne se réduit pas au "jaillissement"
Un pari réussi lorsqu’on voit la qualité des films proposés et la qualité de la projection. Non, la 3D ne fait pas mal à la tête. Non, la 3D n'est pas réservée aux blockbusters bourrés d'action et d'adrénaline. Non, la 3D n'est pas un gadget. En 9 films, on découvre que la stéréoscopie (c'est le nom scientifique de la 3D) permet une autre écriture cinématographique puisqu'elle ajoute des sensations, de la profondeur, de l'émotion, du comique ... tout dépend de l'effet recherché. En 9 films, on se rend compte de son intérêt ou plutôt, de ce plus qu'il apporte à certaines comédies, dessins animés ou drames.
Le pari est en tous cas réussi. En 2 jours et 6 séances, plus de 1500 spectateurs sont venus profiter de cette grande première au festival du court-métrage de Clermont-Ferrand. Une affluence de bonne augure pour la reconduction de cette opération l'an prochain et, peut-être, sur toute la durée du festival.
Focus sur Joséphine Derobe, réalisatrice de "Souviens-moi"
Son nom ne vous interpelle peut-être pas, et pourtant, Joséphine Derobe n'en est en aucun cas à son coup d'essai. Jeune réalisatrice française, elle est aussi une stéréographe reconnue internationalement et quelques unes de ses collaborations en sont la démonstration : Minuscules de Thomas Szabo et Helen Giraud, actuellement sur les écrans, Astérix et Obélix : au service de sa Majesté de Laurent Tirard (2012) ou encore Pina de Wim Wenders (2011). En 2011, elle réalise aussi son premier court-métrage 2D/3D "Journal d'un frigo" plusieurs fois récompensé dans le monde entier. Actuellement elle assure la direction stéréoscopique du prochain long métrage de Wim Wenders Everything will be fine.
La stéréoscopie, elle l'apprend aux côtés de son père, Alain Derobe, pionnier de la 3D et inventeur de la méthode "Natural Depth", aussi appelée méthode Derobe.Aujourd'hui, elle perpétue cette méthode mais ne s'y limite pas. Elle poursuit ses recherches pour faire évoluer la 3D vers un autre langage cinématographique, puisque pour elle, la 3D induit une nouvelle grammaire cinématographique.
Dans un entretien accordé à nos confrères des Cahiers du cinéma, Joséphine Derobe explique ainsi cette nouvelle grammaire, l'ouverture d'un nouveau champs des possibles comme au début de l'histoire du cinéma : "La 3D est un autre langage. La gestion de la profondeur de champ ou de la lumière, la rapidité des plans, leur durée, les raccords, les mouvements de caméra, tout cela fonctionne différemment en 2D et en 3D. Nous travaillons sur ce que nous appelons "la boîte scénique". On n'est plus dans un rapport traditionnel à une image plate, ça ressemble plus à un mixte entre du cinéma et du théâtre où, en raison des volumes, ce qui se passe à l'avant-scène a une présence bien plus importante que ce qui est deux mètres derrière. C'est un outil de mise en scène extraordinaire quand c'est bien utilisé."
Pour Souviens-moi, son second court-métrage en 2D/3D, elle choisit d'explorer les thèmes du souvenir et de la perception en associant des techniques reliefs inédites, tant pour l'image que pour le son. Résultat ? Un film extrêmement touchant, une caresse sur la peau, une plongée dans le souvenir et l'impression que la 3D, effectivement, a beaucoup plus à donner qu'un simple objet qui vous jaillit au visage.