Notre page santé de février était consacrée à l'anesthésie générale. Et à ses nouveautés pour tenter d'améliorer le confort et la sécurité des patients. Parmi ces nouveautés, une technique ancestrale mais développée depuis peu en France et à Clermont-Ferrand. Il s'agit de l'anesthésie sous hypnose.
Les Egyptiens l'utilisaient déjà ! Mais il faudra attendre le vingtième siècle et les années 50 pour que l'hypnose soit introduite dans les procédures médicales.
Pour régler des problèmes engendrés par l'anxiété. Mais les plus importantes recherches médicales ont porté sur l'usage de l'hypnose dans le contrôle de la douleur.
Il a, en effet, été démontré que l'hypnose permet de bloquer les signaux de douleur lorsqu'ils atteignent le cerveau. En substituant une autre sensation à celle de la douleur.
C'est à partir de là qu'est née l'idée d'utiliser l'hypnose à la place de l'anesthésie générale.
L'anesthésie sous hypnose ou hypnosédation n'est possible que pour certains actes chirurgicaux de moyenne intensité (thyroïde, hystérectomie, ORL,...) ou pour des examens médicaux invasifs (coloscopie, coronographie...).
Le patient devient acteur
Contrairement à l'hypnose de spectacle, qui est directive, l'hypnose chirurgicale se veut permissive. Ce qui implique que le patient doit être volontaire. Il doit être confiant, coopératif et motivé. Car pendant toute la durée de l'acte chirurgicale, c'est lui l'acteur. L'acteur de son soin.Il est conscient et sait qu'à tout moment, il peut demander de revenir à une anesthésie classique. Il sait qu'il n'a qu'une chose à faire : se laisser guider par la voix de l'anésthésiste. Qui durant toute l'intervention va se transformer en conteur. D'une voix douce et monocorde, il va lui raconter une histoire, une situation agréable qu'ils ont choisie ensemble. Un souvenir de vacances, un lieu qu'il apprécie, une activité qu'il a l'habitude de pratiquer...
Grâce à ces suggestions, le patient déconnecte et ne ressent pas la douleur.
Un travail d'équipe
Une technique qui requiert un important investissement de la part de l'anesthésiste, mais aussi de tout le personnel présent au bloc. Qui doit travailler quasiment en silence. Les manipulations chirurgicales doivent être précises et douces. Toute l'équipe médicale doit s'adapter aux besoins physiologiques et psychologiques du patient.Lorsque l'intervention est terminée, l'anesthésiste reprend une voix normale et invite le patient à réintégrer un état de conscience normal. Sans aucun risque de mauvais réveil.
A Clermont-Ferrand, cette technique est développée au Pôle Santé République depuis un peu plus d'un an et demi.
LE POINT SUR L'ANESTHESIE GENERALE EN 2014
Le professeur Jean-Etienne BAZIN a fait le point sur l'anesthésie générale en 2014. Sur les principales nouveautés proposées aux patients.
Il existe d'autres techniques nouvelles en matière d'anesthésie générale. Peut-on les rapprocher de la philosophie de l'hypnose ?
"C'est plutôt l'hypnose qui rejoint la philosophie des techniques nouvelles d'anesthésie. Comme on vient de le voir dans le reportage, on ne pourra jamais tout faire sous hypnose. Le but, c'est de diminuer la quantité de médicaments d'anesthésie. Et diminuer le retentissement de l'anesthésie. Toute la philosophie de l'anesthésie moderne, depuis les 4 ou 5 dernières années c'est ça : diminuer les conséquences que peuvent avoir l'anesthésie et la chirurgie sur les patients.
Il y a 5 ans, nous avions réalisé, ensemble, sur France 3 Auvergne, un reportage sur une grande première proposée au CHU de Clermont. L'anesthésie au xénon. 5 ans après, où en est cette technique qui devait révolutionner le domaine de l'anesthésie ?
L'anesthésie au xénon justement, faisait totalement partie de cette philosophie. C'était un produit magique, extraordinaire. Les patients s'endormaient très facilement, on n'avait aucun effet secondaire. Ils se réveillaient immédiatement, quasiment sans douleur. Le problème, c'est le coût. Ca coûte très, très cher, c'est un gaz rare le xénon... Une anesthésie au xénon coûte 10 à 15 fois plus cher qu'une anesthésie standard. A l'heure actuelle, on fait des économies sur la santé, donc c'est totalement stoppé. On fait de la recherche sur cette technique mais pas en utilisation courante.
L'important est de bien doser la profondeur du sommeil durant l'anesthésie. Là aussi, vous utilisez de nouvelles techniques ?
Aujourd'hui, on peut surveiller la profondeur à laquelle on fait dormir le patient, la qualité de l'absence de douleurs qu'il ressent. Grâce à ça, on peut définir exactement, patient par patient, en fonction de son âge, de son sexe, de ses pathologies...la dose exacte de médicaments à utiliser. D'où un retentissement bien moindre pendant la période per-opératoire, mais aussi pendant la période post-opératoire.
Parmi les nouvelles techniques de sécurisation, à Clermont-Ferrand, vous mettez l'accent sur la prise en charge de la ventilation artificielle durant l'opération. Pourquoi ?
L'un des effets de l'anesthésie c'est de supprimer la ventilation. Et donc, on est obligé de prendre le relais de cette ventilation. Et pendant très longtemps, on a soufflé dans les bronches des patients. On leur a insufflé de l'air un petit peu n'importe comment. On s'est rendu compte, et c'est une des spécificités de mon équipe à Clermont-Ferrand, que lorsqu'on ventilait mal les poumons, on pouvait faire secréter de l'inflammation et donc des effets néfastes pour les patients.
On dit souvent que les effets indésirables d'une anesthésie générale peuvent durer jusqu'à un an. C'est toujours vrai en 2014 ?
Il ne faut pas confondre. Tout le monde croit que ce sont les médicaments qui provoquent des effets à long terme. Les médicaments utilisés ne sont ni plus ni moins que des somnifères. Donc, 2 jours, 3 jours après et même bien moins, il n'y a plus du tout d'effet des médicaments. Mais les conséquences, elles, se ressentent pendant très longtemps parce que c'est un stress, une agression. Et c'est en minimisant cette agression qu'on diminue justement la fatigue, le retentissement de cette anesthésie et de la chirurgie aussi".