Les Suisses sont régulièrement appelés à se prononcer sur des choix de société. Cette fois, la gauche leur demande de voter pour la création d'une caisse d'assurance maladie de l'Etat, sur le modèle français, et de renoncer à leurs assurances privées, en équilibre financier depuis des années.
Actuellement, tout résidant suisse, y compris étranger, a l'obligation de s'assurer pour les soins médicaux de base. Mais chacun peut choisir sa caisse maladie parmi les 61 existantes. Les cotisations, appelées "primes", sont individuelles, indépendantes du revenu et varient en fonction de la caisse maladie, de la classe d'âge et de la région de domicile. Les assurés peuvent obtenir des rabais sur leurs cotisations en choisissant, par exemple, une franchise plus élevée comme pour assurer une voiture en France (les franchises allant jusqu'à 2500 francs suisses, soit 2073 euros) ou une limitation du choix du médecin.
En 2012 (dernières statistiques disponibles), sur les 709 francs suisses (588 euros) de dépenses moyennes de santé par mois et par personne, les malades ont dû débourser au final un solde de 178 francs (148 euros). C'est encore beaucoup. C'est pour contrer une hausse des cotisations, alors qu'en retour les Suisses ne sont pas forcément bien remboursés, que la gauche suisse a demandé ce référendum prévu dimanche 28 septembre.
Reportage Céline Aubert et Serge Worreth
La fin du régime privé d'assurance santé?
"En Suisse, depuis 20 ans, les coûts de la santé ont augmenté de 80%, les cotisations de 125%, cela ne va plus, cela doit changer", explique Michel Matter, ophtalmologue et président de l'association des médecins genevois, qui plaide pour la fin du régime privé d'assurance santé. Pour la gauche, seule une caisse publique peut stopper cette "explosion" des cotisations et garantir leur utilisation efficace et transparente.Les défenseurs du référendum accusent par ailleurs les assureurs de mettre les citoyens mauvais payeurs sur liste noire pour inciter les médecins à ne pas les soigner. Les caisses maladie, qui selon la loi ne doivent pas réaliser de bénéfices dans l'assurance maladie de base, sont aussi accusées d'utiliser les cotisations pour financer leurs campagnes de publicité.
Pour le gouvernement, le Parlement et la droite, ce système de libre-concurrence a fait ses preuves et n'engendre pas de dettes, contrairement à ce qui se passe en France, en Italie ou au Royaume-Uni. "En Suisse nous n'avons pas de déficit, c'est un système qui est sain. On peut effectivement dénoncer un manque de transparence de certaines caisses d'assurance maladie, mais ce n'est pas l'étatisation des caisses maladies qui va résoudre ces problèmes", souligne Ivan Slatkine, vice-président du Parti Libéral-Radical (PLR, droite). Marie Steinauer, pharmacienne à Genève, juge l'initiative "floue" et trouve surtout que le déficit de la Sécurité sociale en France "ne fait pas envie".En Suisse nous n'avons pas de déficit, c'est un système qui est sain"
Pour la droite, l'augmentation des cotisations est inéluctable et s'explique par la hausse des coûts engendrés par le vieillissement de la population et l'utilisation de technologies toujours plus modernes.
Très attachés à la libre-concurrence, les Suisses serainet 54% à rejeter la proposition soumise à référendum, selon des chiffres publiés la semaine dernière par l'institut de sondage gfs.bern. 38% des sondés se disant favorables, et 8% étant encore indécis.
Pragmatique, Olivier Chappaz, avocat genevois, résume: "je pense qu'on peut garder le même système mais essayer de faire en sorte que les assurances redistribuent vraiment la totalité des primes qu'ils perçoivent pour la partie obligatoire aux assurés".