Wang Bing : la liberté à tout prix

Wang Bing a 47 ans, est cinéaste, chinois, membre du jury Labo pour cette 37e édition du festival du court-métrage de Clermont-Ferrand et vient de donner à un parterre conquis une leçon de cinéma inoubliable. Une leçon d'humanité aussi, de courage et de détermination.

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A première vue, Wang Bing n'est pas très impressionnant. Taille moyenne, visage jovial, yeux pétillants, sourire sincère, voix douce ... Mais dès qu'il commence à parler, le cinéaste nous laisse là, assis, conquis, avides de comprendre sa vie et son oeuvre dans un pays, la Chine, qui bien qu'à l'honneur lors de cette 37e édition du festival du court-métrage, n'est toujours pas vu d'ici un modèle de transparence et de démocratie.

"Les préoccupations des cinéastes chinois sont doubles, nous apprend Wang Bing. Il s'agit d'abord de la pression liée à l’industrie du cinéma, comment y rentrer et réussir à faire diffuser son film, mais il y a aussi la pression économique pour obtenir des subventions et des aides. Ca, c'est sur la forme. Sur le fond, ce qui est le plus problématique, c’est de respecter les règlements imposés par les autorités chinoises".

Un premier film de 9 heures

Et là, le cinéaste sait de quoi il parle. Étudiant en photo puis en cinéma dans les années 90, Wang Bing commence sa carrière de cinéaste indépendant en 1999 en filmant la vie d'ouvriers d'un quartier destiné à être détruit pour cause  de réforme municipale. Seul, mini-caméra numérique au poing, il filme plus de 200 heures de rushes pour monter un documentaire fleuve de 9 heures, A l'ouest des rails, qui le fait immédiatement connaître sur la scène internationale.

Depuis, il enchaîne les documentaires et les fictions sur son pays et ses laissés pour compte. "Ce que l’on montre à l’écran est très lié à la pression économique, car souvent, ce que l’on souhaite montrer n’est pas forcément ce que le gouvernement ou ceux qui ont donné les subventions attendent. Cela impose de trouver de nouvelles façons de filmer, confie Wang Bing. Je suis seul pour filmer, et je veux le rester. Pour pouvoir garder cette liberté, je dois donc aller chercher des subventions à l’étranger."

Un cinéaste libre ... à l'étranger

Autre conséquence de ce choix de liberté, ses films ne sont pas projetés dans son pays. "Mes films ne sont pas projetés en Chine, ce n’est pas possible. Les projections sont souvent organisées à l’étranger par les producteurs. Malgré tout, pour l’instant, je n’ai pas de problèmes pour voyager et présenter mes films à l’étranger."

Et des films, il en fait. En 10 ans, ce sont 3 courts, 7 longs métrages et 3 installations vidéo qui viennent composer sa filmographie. Des films qui ont pour point commun de témoigner de la métamorphose chinoise et de ses laissés pour compte. "Mon pouvoir est très limité. Je peux faire des films, porter des histoires à l'écran, mais c'est tout. Bien sûr, j'ai conscience de la pauvreté des gens que je filme, mais je ne peux rien faire à part porter leur histoire à l'écran. On vit dans une société compliquée où une seule personne ne peut pas changer le destin des autres ...”

Et le jury Labo dans tout ça ? Ce petit passage par la case Clermont-Ferrand ? La mission est sérieuse, mais pas désagréable. "Le Labo, ce sont quand même des films particuliers et certains m’ont beaucoup surpris. Mais chaque réalisateur a une puissance narrative et une manière particulière de porter les choses à l’écran qui provoquent des surprises", nous annonce Wang Bing, dans un grand sourire. Il n'en dira pas plus, son rôle ne le lui permet pas.


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