Le report sine die du "péage de transit poids lourds", dernière mouture de l'écotaxe, pourrait signer l'arrêt de mort de ce dispositif. Les professionnels du transport sont satisfaits mais de nombreuses questions restent en suspens.
Sylvain Vandelle, secrétaire général de la Chambre Professionnelle des Transports Routiers de Savoie se dit "satisfait" de la suspension de l'écotaxe annoncée ce jeudi 9 octobre par Ségolène Royal. Du coup, la mobilisation des routiers, initialement prévue le 17 octobre, est suspendue.
La ministre de l'Ecologie a justifié sa décision devant l'Assemblée nationale. "Nous devons trouver une solution qui ne détruise pas les emplois mais en crée", a affirmé Ségolène Royal, appelant à "se pencher sur la question des sociétés autoroutières". Nombreux sont ceux qui trouvent ce "renoncement" du gouvernement contraire à la transition énergétique mais du côté des transporteurs, comme en Savoie, on a l'impression d'avoir trouvé une nouvelle alliée.
Joëlle Ceroni et Didier Albrand
Où en était-on?
Le dispositif "Péage de transit poids lourds", qui avait remplacé l'écotaxe, devait être acquitté par tous les camions de plus de 3,5 tonnes empruntant le réseau routier national non payant et certains axes du réseau local. Le barème de cette taxe devait dépendre de la taille et de la performance environnementale du véhicule, ainsi que du nombre de kilomètres parcourus. Il s'agissait d'une fiscalité écologique qui devait inciter à rationaliser l'organisation du transport des marchandises. Le produit de cette écotaxe devait servir à financer de nouvelles infrastructures de transport.L'arrêt de mort de cette taxe laisse en suspens de nombreuses questions.
Est-ce un abandon définitif?
Le dispositif n'est pas abandonné, répète-t-on chez Ségolène Royal, mais simplement suspendu, et son avenir est lié aux conclusions d'un groupe de travail qui doit être mis en place. L'écotaxe devait rapporter 1,15 milliard d'euros, des recettes ramenées à 600 millions lorsque lui a succédé le "Péage de transit poids lourds".L'Agence de financement des infrastructures de transport en France (AFITF) devait toucher près de 400 millions d'euros. Dans le cadre d'un appel à projet, elle devait allouer de l'argent à des collectivités pour des bonnes idées liées aux transports en commun: exemple, la prolongation d'une ligne de tram à Grenoble ou encore la création d'un Bus à Haut Niveau de Service entre Annecy et Faverges, voire l'agrandissement d'un parking à vélos dans l'agglo d'Annemasse.
Ces collectivités attendent toujours de savoir si leur dossier a été retenu.
Quelles sont les pistes pour compenser le manque-à-gagner?
La principale source de financement souhaitée par Ségolène Royal est un prélèvement sur les "super profits" des sociétés concessionnaires d'autoroutes. Elle a également indiqué qu'une piste pourrait être de laisser à certaines régions le droit de faire payer certains axes et donc de "faire du sur-mesure". La possibilité de mettre en place une vignette a également été évoquée.La mise à contribution des autoroutes est-elle réaliste?
Ségolène Royal l'a dit et répété: elle privilégie cette piste, soit de façon contractuelle, soit par un dispositif législatif "qui reste à mettre au point". La ministre compte s'appuyer sur un rapport de l'Autorité de la concurrence qui dénonce des marges exceptionnelles, et profiter de la négociation du plan de relance autoroutier, qui accorderait un allongement de la durée des concessions en contrepartie d'un engagement de 3,6 milliards d'euros de travaux.Mais le ministre des Finances Michel Sapin a pointé du doigt la difficulté de taxer les sociétés autoroutières en raison de la solidité des contrats de concession signés par ces groupes, qui "prévoient que s'il y a une augmentation de fiscalité (...) il doit y avoir une compensation".
En jaune et rouge, les routes qui devaient être soumises à la dernière version de l'écotaxe dans les Alpes.