L'accident thérapeutique mortel à Rennes a suscité émotion et incompréhension chez les professionnels du secteur de la recherche clinique en France, incapables de prédire dans l'immédiat si ce drame rarissime va avoir des répercussions pour leur branche d'activité. Réaction.
"On est surpris et inquiet", résume Yves Donazzolo, président d'Eurofins Optimed, un centre de recherche clinique installé dans l'agglomération de Grenoble et spécialisé dans les essais précoces. "Des accidents graves en France, il n'y en avait jamais eu" auparavant sur des essais cliniques, lesquels sont par ailleurs "extrêmement réglementés" et placent la sécurité du patient avant tout, ajoute-t-il.
Pour autant, la ministre de la Santé Marisol Touraine a indiqué qu'il n'y avait "aucune raison" de suspendre tous les essais cliniques en France, au lendemain du décès d'un homme qui avait testé une molécule d'un laboratoire pharmaceutique portugais, Bial, dans un centre de recherche clinique rennais, Biotrial.
Cinq autres volontaires de cet essai, qui a été immédiatement suspendu, ont été hospitalisés la semaine dernière, pour divers troubles neurologiques. Leur état de santé s'est amélioré.
Pas de vent de panique
Aucun arrêt brutal d'essai clinique par des patients inquiets après l'accident de Rennes n'a été constaté pour l'heure par les centres de recherche clinique français.En 2014, la France avait conduit 821 essais cliniques sur des médicaments, dont 162 concernaient des phases précoces dites de "phase I", selon des chiffres de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui évalue systématiquement la sécurité et la qualité des produits avant d'autoriser un essai clinique. Les études de phase I, comme celle de Biotrial, sont réalisées sur un petit nombre de patients sains pour tester la sûreté et la tolérance du produit.
Près de 6% des quelque 195.000 patients recrutés en Europe en 2014 pour des essais cliniques l'ont été en France, selon des données du Leem, l'instance représentative des entreprises françaises du médicament. En matière d'essais cliniques, la France est notamment en pointe dans les domaines comme la cancérologie, l'infectiologie et les maladies rares.
Après des essais concluants de phase I, les essais cliniques ultérieurs (phases II et III) permettent d'offrir un accès précoce à l'innovation pour des patients malades qui le souhaitent. Ces études constituent aussi un moyen d'approfondir les connaissances scientifiques des médecins et des personnels de santé, et sont un "important levier de croissance" car ils attirent des investissements en France et génèrent des emplois, souvent très qualifiés", souligne le Leem.
"Les laboratoires pharmaceutiques n'ont aucune raison de réagir négativement par rapport à ce qui s'est passé" à Rennes, en se détournant par exemple de la France pour mener leurs essais cliniques, a estimé le directeur scientifique du Leem, Thomas Borel. Car "tout le monde sait que la France encadre très bien les projets de recherche clinique et qu'elle a des compétences scientifiques de qualité pour les mener à bien" a-t-il souligné.