Un comité d'expert a rendu ses conclusions sur l'affaire des "bébés nés sans bras" ce vendredi 12 juillet. Il recommande de ne pas poursuivre les investigations dans l'Ain, après avoir exclu plusieurs cas suspects. Les familles contestent ces conclusions.
Les experts recommandent en effet d'exclure les cas de l'Ain des investigations complémentaires qui devront être réalisées.
"Absence d'excès de cas" dans l'Ain
Le comité d'experts, qui remettait son rapport aux familles hier à Maison Alfort (Val-de-Marne), a écarté une nouvelle enquête dans l'Ain, (qu'elle nomme le "cluster" de l'Ain) concluant à "l'absence d'excès de cas" dans cette zone, selon son rapport de 265 pages rendu ce vendredi. Dans l'Ain, 8 cas suspects de bébés nés sans avant-bras, sans bras ou sans mains, avaient été observés entre 2009 et 2014. Ces enfants sont nés dans un rayon de 17 kilomètres autour du village de Druillat.
Des cas non retenus par les experts
Lors d'une conférence de presse, ce vendredi matin, les experts ont justifiés leurs conclusions : 2 des cas de malformations connus ne relèvent pas de "l'agénésie transverse", et ne sont donc pas liés aux cas suspicieux, d'une part. D'autre part, les 5 cas apparus avant 2011 n'ont pas été pris en compte par le comité d'experts, jugeant que « le recueil rétrospectif des cas sur cette période pose la question de leur exhaustivité », le registre de signalement Remera n'ayant été créé qu'en 2011.
Il en ressort que, pour l'Ain, selon le comité, le nombre de cas retenus ne permet pas de relever un taux de malformation anormal : "l'Ain, ce n'étaient finalement que 6 cas, sur une très longue période, dans 6 communes différentes, dont certaines sont assez éloignées, donc il n'y a pas de cluster dans l'ain", conclut Alexandra Benachi, la présidente du comité d'experts scientifiques, à notre journaliste sur place.
Une explication "incompréhensible"
Les familles, membres d'associations et responsables de registres régionaux de malformations, qui ont eu la primeur du résultat de ce rapport, ne sont pas convaincues par ces explications. "Certains [cas de bébés malformés] ont été enlevés parce qu'ils n'étaient pas dans les bornes temporelles du cluster, et ça, c'est incompréhensible", réagit Emmanuelle Amar, Directrice du Remera (Registre des Malformations en Rhône-Alpes), à l'origine du signalement de ces cas anormaux dans l'Ain.
Auprès de nos confrères du Monde, le pharmacologue Bernard Bégaud, commente : « il est logique de ne pas y inscrire ceux antérieurs à [la création du registre]. Mais ils peuvent être mentionnés. Dans une pathologie aussi rare que ces malformations du membre supérieur, il paraît incohérent de les éliminer purement et simplement. » Même les familles du Morbihan, qui bénéficieront d'une poursuite des investigations sur leur territoire, exprimaient leur incompréhension face à l'exclusion de l'Ain du périmètre des recherches.
L'espoir "infime" de trouver la cause
Par ailleurs, le groupe n'a pas avancé sur les causes identifiées des cas suspects retenus. Les familles et associations ont jugé "trop légères" les investigations recommandées dans le Morbihan, alors qu'elles appelaient de leurs voeux une "vraie enquête de terrain".
La présidente du comité d'experts a par ailleurs expliqué vendredi la "complexité" du travail d'investigation, après la déception exprimée jeudi par les familles au vu du rapport de ce comité. La probabilité de trouver une cause commune à ces cas existe mais elle est "infime", a-t-elle expliqué.
Des recherches alternatives sont en cours
Le travail d'expertise a été mené par une vingtaine de scientifiques désignés en février. Ce comité a été mis en place pour déterminer les causes possibles de cas groupés d'enfants nés dans certaines zones du Morbihan, de l'Ain et de Loire-Atlantique entre 2009 et 2013 avec une "agénésie transverse des membres supérieurs" (ATMS). Cette malformation très particulière se caractérise par l'absence de formation d'une main, d'un avant-bras ou d'un bras au cours du développement de l'embryon.
Face à la prise en compte tardive et chaotique du problème par les autorités publiques, la lanceuse d'alerte Emmanuelle Amar, directrice du Remera, a de son côté dévoilé des pistes qui pourraient expliquer la cause du nombre de cas qu'elle juge toujours suspect dans l'Ain notamment. Un groupe de travail informel avait établit, en avril dernier, un possible lien avec les réseaux d'eau courante, qui présente des points communs selon les cas de victimes présumées.
Reportage de Frédéric Llop et Delphine Mollard