On croyait la hache de guerre enterrée entre agriculteurs et grandes surfaces en cette période de crise sanitaire, avec un travail commun pour "donner à manger" à la population confinée. Il n'en est rien. Les syndicats agricoles de l'Ain estiment que les GMS "se jouent de la production locale".
Lorsqu'il voit des pubs de grandes surfaces à la télé, où l'on vante les bienfaits de la production locale en cette période, Morgan Merle dit "bondir". Pour le président des Jeunes Agriculteurs de l'Ain, "on est loin du compte".
"Quand ils font leurs courses, nos adhérents en profitent pour examiner la provenance des produits en vente dans les supermarchés, et du local il n'y en a pas beaucoup, croyez-moi. Il suffit de jeter un oeil au rayon fruits et légumes pour le constater. C'est pas normal d'avoir des maraîchers locaux qui n'ont quasiment plus de débouchés et qu'on importe d'ailleurs", ajoute le syndicaliste.
Avec la FDSEA, les Jeunes Agriculteurs vont donc participer à une réunion organisée cette semaine avec les Grandes et Moyennes Surfaces du département, sous l'égide de la préfecture.
"On a des filières qui ne fonctionnent plus alors qu'on fait rentrer des produits, et les consommateurs n'ont même pas de choix dans les magasins!", insiste Morgan Merle.
Adrien Bourlez, le président de la FDSEA 01 acquiesce. "On travaillait depuis de nombreux mois pour redonner de la valeur à nos productions mais là on fait face à des pratiques commerciales qui mettent à mort certaines filières."
Et de citer les conséquences: des producteurs de lait poussés à jeter leur production, des éleveurs obligés de retenir leurs bêtes dans les fermes tant les prix sont bas. "Le gouvernement dit que l'agriculture est un secteur prioritaire, qu'on nous le prouve!".
La vente directe ne profite pas à tous
D'autant que l'attente sociétale est là. La vente directe, en plein boom, le confirme. "Oui les consommateurs reviennent à la source mais ça ne profite pas à l'intégralité des agriculteurs, tous n'ont pas de formation commerciale", justifie Morgan Merle pour les JA."Avoir une indépendance alimentaire, c'est un vrai projet de société", renchérit le président de la FDSEA qui pense au moment présent mais aussi à l'après coronavirus.
Sur ce point, Michel Joux, le président de la Chambre d'agriculture de l'Ain espère déjà la naissance d'une dynamique post-crise: "Après, il va falloir que les choses bougent, que les relations (avec les GMS) changent pour que les agriculteurs puissent être payés à la juste valeur".
Chacun compte aussi sur les consommateurs citoyens qui se sont découverts depuis le confinement, particulièrement dans un département rural comme l'Ain où les fermes sont à deux pas des villes.
Mais une autre menace pèse sur le monde agricole: la sécheresse. Si les agriculteurs ne sont pas soutenus aujourd'hui, ils ne seront pas nombreux à résister à cet autre fléau.