Pendant 28 ans, Etienne Blanc s'est toujours fait réélire à Divonne. Mais le vice-président LR de la Région AURA a élu domicile à Lyon. Tout est désormais possible entre massif jurassien et lac Léman.
Divonne-les-Bains, comme une enclave française en territoire suisse. "C'est comme si on était dans une principauté", lance un habitant dans un éclat de rire. Le prince pendant près de 30 ans aura donc été Etienne Blanc. Il a régné sur la cité thermale jusqu'en février 2019, date à laquelle un dauphin, -si l'on suit la métaphore-, a pris sa place.
Vincent Scattolin, 41 ans, urbaniste de formation, a quitté son travail en Suisse pour assumer la charge, l'élu aime à le répéter. Une première différence sur laquelle il insiste, comme pour se dissocier des pratiques passées, d'une vie politique à cheval entre Divonne, Bourg-en-Bresse et Lyon. L'héritier évoque aussi "une autre méthode". Son recul sur le dossier de l'usine d'embouteillage de l'eau de Divonne, il veut en faire une force. La preuve de son écoute. Mais certains diront que cet abandon s'est fait sous la pression d'une partie de la population. L'air du temps, favorable à l'écologie, n'a pas non plus joué en faveur du vieux projet de son prédécesseur, qui n'y voyait qu'une opportunité économique et une chance pour la notoriété.
Il fallait s'en douter après cet épisode, la conscience verte a envahi la campagne électorale.
D'ailleurs, Vincent Scattolin nous donne rendez-vous devant l'Aqualienne de Divonne. Avec fierté, il souligne le rôle de cette ancienne usine hydroélectrique qui, avec les panneaux photovoltaïques de l'hippodrome, produit 80% de l'énergie nécessaire à l'éclairage public. "On est influencé par le comportement de nos voisins suisses sur la question de l'écologie, on se doit d'être pilote côté France", explique le maire sortant qui a choisi le slogan "Divonne naturellement" pour mener campagne.
Mais il n'est pas le seul à tirer la ficelle verte.
Une liste d'union
Élu de l'opposition depuis les dernières élections, Jean Di Stefano a choisi un fond de feuillage pour son affiche. Sa liste est inscrite en préfecture dans la catégorie "Divers Centre" mais elle est issue d'un rapprochement avec un autre opposant de 2014, Bertrand Augustin. Un collectif de citoyens "Divonne Renouveau", représenté par Matthieu Eymery, a aussi rejoint le mouvement."La nature, il faut la laisser tranquille", lance Jean Di Stefano en balade dans le marais des Bidonnes où la Divonne coule en majesté. "Je cours ici tous les jours", avoue le conseiller municipal sortant, qui a fait carrière dans la banque, côté France.
L'homme a le sourire, il est optimiste à la veille du 1er tour. "La dernière fois, on avait passé les 30%", rappelle celui qui se sent pousser des ailes avec sa liste d'union. Il ne manque pas d'insister sur son rôle constructif au sein du conseil, même dans l'opposition. Et d'expliquer qu'à force de dénoncer les dérives d'une ville qui vivait au-dessus de ses moyens, les indicateurs sont enfin repassés au vert. La situation étant saine, il envisage de faire des choses utiles pour la population : une salle des fêtes, "qui manque terriblement"; la réhabilitation du Centre nautique et de son 50 mètres olympique... Sans oublier, le thermalisme et le tourisme à développer.
Jean Di Stefano entend incarner le changement après 28 ans de règne à droite.
La balade du Marcheur
Mais ce serait sans tenir compte de Jean-Louis Yguel et de la liste LaREM. Dans le secteur, le macronisme a fait des émules assez tôt, et l'élection d'Olga Givernet aux législatives, -avec plus de 63% dans cette ville au 2d tour-, a confirmé la bousculade de la droite traditionnelle.Mais depuis 2017, le gouvernement s'est usé. Yguel n'est pas dupe. Alors que La République En Marche est accusée de dérives libérales, cet accompagnant d'élèves en situation de handicap a sûrement la sensibilité la plus à gauche dans cette campagne divonnaise. Il pointe d'emblée la maison médicale en cours de construction. "C'est avant tout un programme immobilier, comme d'habitude", dénonce-t-il, "seuls les rez-de-chaussée seront dédiés au médical, et encore ce sont des médecins ou para-médicaux qui étaient déjà en ville, donc quasiment aucun gain pour la population. Si on veut attirer des médecins, il faut prévoir de quoi les loger." Car le problème du logement est criant dans une ville où les prix ressemblent à ceux de Paris. L'eldorado suisse voisin et les Internationaux ont fait flamber l'immobilier.
Alors qu'il joue les guides à vélo, Jean-Louis Yguel nous emmène devant La Poste. "Est-ce que vous trouvez normal qu'aucun postier ou presque n'habite ici ? Il faut qu'on fasse du logement social au plus vite, dans un esprit de mixité, et avant de s'en faire imposer par l'Etat d'une manière pas forcément réfléchie."
La balade du Marcheur s'achève devant le lac de Divonne "où tant d'aménagements sont encore nécessaires", selon lui, pour que chacun profite de la nature.
La nature, encore et toujours la nature, visiblement l'obsession des candidats du secteur.
Reportage Franck Grassaud, Maryne Zammit