Département frontalier, l'Ain présente bien des particularités. Il est le plus industrialisé de France. La croissance de la population y est intense. Mais près d'un habitant sur six n'a pas de médecin traitant. Ces spécificités sont au coeur des préoccupations, constituent des enjeux électoraux.
Chaque année, selon l'Insee, près de 6.000 personnes supplémentaires choisissent de venir habiter dans l'Ain. Le département affiche une croissance démographique soutenue, l'une des plus intenses de France depuis plusieurs années. Une population qui augmente signifie autant de défis à relever par les élus locaux, et notamment les 46 conseillers départementaux. Les incidences sont nombreuses sur la vie au quotidien des Aindinois. C'est le cas par exemple en termes de santé, emploi, logement et protection de l'environnement. Des thèmes de campagne inévitables pour les 72 binômes mixtes, candidats à ces élections départementales 2021 dans l'Ain.
1- Une population grandissante confrontée au désert médical
Le département de l'Ain compte aujourd'hui 643.400 habitants. Et selon les projections établies par l'Insee, ils devraient être quasiment un tiers de plus à l'horizon de 2050. La population aindinoise augmente de 1% par an, un taux de croissance qui a même atteint les 2.7% entre 2012 et 2017 dans le Pays de Gex. Conséquence : le renforcement de l'offre de soins de proximité figure en bonne place dans les promesses de campagne pour ces élections départementales 2021.
La majorité sortante, issue d'une union des forces de droite et du centre en 2015, peut se targuer d'avoir entamé l'installation de cabines de téléconsultation médicale dans les zones rurales où les généralistes viennent à manquer. Le Département présidé par Jean Deguerry (Les Républicains) a établi un plan de lutte contre la désertification médicale, soutenant "massivement nos hôpitaux de proximité", et créant "un centre départemental de santé pour lequel 4 médecins généralistes seront bientôt recrutés".
L'opposition, qui cette fois se présente unie sous la bannière de "L'Ain pour tous - écologie et solidarité", n'est pas en reste sur ce sujet. La Gauche sort le carton rouge face au constat alarmant des "100.000 Aindinois sans médecin traitant". Elle propose de recruter "50 médecins salariés pour irriguer le territoire" et de soutenir à plus long terme, "la création d'un hôpital public transfrontalier en Pays de Gex, doté d'une maternité et d'un pôle psychiatrie".
Aujourd'hui, il faut également savoir que la population de l'Ain est composée de 8 % de seniors de plus de 75 ans. Leur nombre devrait être multiplié par 2.5 d'ici 2050, selon l'Insee qui insiste sur la nécessité d'une prise en charge adaptée de cette population à moyen terme. Cela passe par "une offre suffisante de places en Ehpad, les aides à domicile, et le maintien des services de proximité".
2- De nombreux actifs qui prennent la voiture pour aller travailler... hors du département
S'appuyant sur les données du recensement de la population en 2016, il s'avère qu'un Aindinois sur trois (35% de la population active) sort du département pour rejoindre le boulot. Ils sont 47.000 à quitter l'Ain pour aller travailler vers la Métropole de Lyon, et 30.000 à passer la frontière vers la Suisse.
Ces déplacements domicile-travail sont réalisés à 85% en voiture. Conséquence relevée par l'Insee : "avec 800 kg de CO2 émis par personne et par an, les émissions de dioxyde de carbone sont plus importantes dans l’Ain que la moyenne". Face à cette spécificité, l'enjeu des politiques publiques, y compris celle du Département en charge des routes, c'est de désengorger les axes à proximité de la frontière suisse et de développer le réseau de transports existant, tout en préservant les ressources et les espaces naturels.
3- L'Ain, département le plus industrialisé de France, au niveau de vie inégal
C'est un secteur qui a souffert comme partout en France depuis des décennies et la crise de 2008. Il n'en reste pas moins que l'industrie constitue un maillon fort de la vie économique du département. Elle y génère ainsi près de 46.000 emplois, notamment dans le Haut-Bugey, le deuxième bassin d'activité économique de l'Ain, avec sa "Plastics Vallée" et son pôle de compétitivité de la filière bois. Mais le secteur a parfois du mal à recruter localement.
21 % de la population active du département travaille dans le secteur industriel. Mais qui dit industrie, dit aussi des contrats de travail d'ouvriers, et un niveau de vie moins aisé. Cela se remarque chez les habitants du Haut-Bugey dont le niveau de vie est le plus faible de l'Ain avec un revenu médian annuel de 19.500€, contre 35.305€ dans le Pays de Gex. Autre statistique mise en avant par l'Insee : dans le canton d’Oyonnax, un quart des jeunes de 16 à 29 ans étaient inactifs (hors étudiants) ou au chômage en 2016. Soutenir ces activités industrielles et l’offre de formation proposée aux jeunes font donc aussi partie des enjeux pour le Département qui a en charge les collèges. Sans oublier les aides sociales et au logement.
4- Un département à faible taux de chômage où l'on traque la fraude au RSA
L'Insee classe l’Ain au 4e rang des départements français où le taux de chômage est le plus faible, de l'ordre de 6%. Mais la crise Covid est peut-être bien passée par là. Selon la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS), "au premier trimestre 2021, dans l’Ain, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A s’établit en moyenne à 28.230. Un chiffre qui augmente de 10,2 % sur un an". C'est l'une des plus fortes progressions d'Auvergne-Rhône-Alpes, juste derrière les départements savoyards. À noter que 13% des chômeurs de l'Ain sont âgés de moins de 25 ans.
Au 31 décembre 2019, 7.398 foyers bénéficiaires du RSA étaient enregistrés dans l'Ain. Le Revenu de Solidarité Active (RSA) vise à assurer un minimum de revenu aux personnes sans ressources, âgées d'au moins 25 ans. Les jeunes actifs de 18 à 24 ans, s'ils sont parents isolés ou justifient d’une certaine durée d’activité professionnelle, peuvent également en faire la demande. Le dispositif est financé par le Département, à hauteur d'environ 44.5 millions d'euros en 2019.
Dès le début de sa mandature, la majorité sortante au sein du Conseil départemental a mis en place une brigade anti-fraude au RSA. Ressources non déclarées dans 45% des cas, en tout 159 dossiers ont été estampillés frauduleux en 2019, pour un montant d'un million d'euros. Aujourd'hui, l'équipe de "L'Ain, de toutes nos forces" se félicite des économies réalisées depuis six ans grâce à ces contrôles, précisant que "cet argent, nous l’avons réinvesti dans des actions concrètes pour vous".
5- Les forces en présence pour le scrutin des 20 & 27 juin 2021
Depuis la réforme de 2014, le département de l'Ain est électoralement découpé en 23 cantons. 72 binômes mixtes sont en lice pour ces élections départementales 2021, et 46 sièges sont à pouvoir au sein du Conseil départemental. En 2015, la Droite et l'UDI ont fait basculer le département de l'Ain, ne laissant que 4 sièges à une opposition de gauche. "L'Ain de toutes nos forces" repart quasiment uni dans tout le département, sauf dans les cantons d'Ambérieu-en-Bugey et de Villars-les-Dombes.
Six ans plus tard, la leçon reçue est retenue : Écologistes, Socialistes, Communistes et candidats divers gauche sont rassemblés, et présentent des binômes mixtes dans seize cantons aindinois. Emmenée par Christophe Greffet, élu du Parti Socialiste dans le canton de Vonnas, la Gauche de "L'Ain pour tous" entend rétablir un équilibre au sein de l'assemblée aindinoise. Mais a choisi de faire l'impasse sur sept cantons, et d'avancer en rangs désunis dans celui de Meximieux où, au total, vont s'affronter cinq binômes différents.
Deux autres composantes politiques espèrent bien entrer au conseil départemental à l'issue du scrutin. Le parti de Marine Le Pen est dans les starting-blocks pour 2022 et présente les candidatures de 21 binômes dans l'Ain. Cette fois, le Rassemblement National entend bien avoir des élus locaux au Conseil départemental. Son chef de file, Jérôme Buisson, est candidat dans le canton de Ceyzériat dans le cadre d'une triangulaire. Deux duels avec la droite se présentent dans celui de Nantua et de Pont d'Ain. Et puis, il y a Villars-les-Dombes où en 2015, le binôme du RN était arrivé en tête au premier tour, avant de s'incliner au second, mais qui cette fois pourrait profiter des dissensions au sein de la droite.
Autre prétendant pour une entrée au Conseil départemental : le mouvement d'Emmanuel Macron, fondé en 2016, soit un an après le dernier scrutin local organisé dans l'Ain. Depuis, La République en Marche a eu l'occasion de "renforcer son ancrage local" avec les élections municipales. En ce mois de juin 2021, rebelote : la majorité présidentielle se présente, dans trois cantons aindinois, en faisant alliance avec le Modem et le parti Agir.