Tout jeune lieutenant, Napoléon fait ses armes à Valence. Il fréquente les intellectuels locaux et forge ses convictions. Sous l'empire, Lyon reprend de sa superbe. Les soyeux voient leur commerce fleurirent. La ville devient une escale imposée pour tout ce qui est importé. L'empereur fera même placarder une déclaration d'amour à l'attention des Lyonnais.
Napoléon Bonaparte partage son histoire avec celle de Valence et de Lyon. Le futur empereur étudie dans la cité drômoise et y forge son attachement à la République. Plus tard, la capitale des Gaules devient une ville chère à son cœur. Il va la façonner et lui offrir un dynamisme économique éclatant.
Tout commence à Valence
Novembre 1785, Bonaparte à 16 ans. Tout juste reçu à la capitale au concours de lieutenant en second, 42ᵉ sur 58, le militaire part en province faire ses armes et choisit Valence comme place forte d’affectation.
Créée dix ans plus tôt, l'institution royale, est dotée par la ville d’un terrain d’entraînement d'une trentaine hectares, aujourd’hui reconverti en quartier résidentiel. Ce champ militaire ressemble à un champ de bataille. En garnison, le régiment de la Fère s’exerce aux manœuvres de siège. Tirs au canon, au fusil ou de mortier : Bonaparte a à peine pris ses fonctions, qu’il apprend déjà l’art de commander.
En ville, il étudie les sciences, le dessin et la philosophie et passe des heures chez le libraire Marc Aurèle, une autre institution valentinoise. Entre deux livres dévorés, le militaire se délecte de poulets chauds, à l’hôtel des Trois pigeons. Repu, il se dirige un temps rue du Croissant pour passer la nuit, avant d’être recommandé à Mademoiselle Bou, sa logeuse, qui l’initie à la vie mondaine. "Son attachement aux idéaux de la Révolution française, il l'a forgé à la Société des amis de la constitution, dans les salons et en échangeant avec les intellectuels, les notables des différents cercles de la ville."
Cet engagement politique se révèle au grand jour, après la fuite à Varennes de Louis XVI et Marie – Antoinette. C'est sur le champ de mars de Valence que Napoléon jure fidélité à la Révolution le 6 juillet 1791 sous un arc de triomphe fleuri. Un serment civique qui lui assure un avenir politique. Au cours du temps, il restera fidèle aux amis qu'il s'est faits dans la Drôme.
Un circuit en 23 étapes reparties à travers la vieille ville rend hommage au futur empereur.
Lyon sous l'empire
Les réformes de l'administration napoléonienne ont changé le visage de nos villes. Elles rythment encore notre quotidien. Dans les rues de Valence, le premier cadastre napoléonien est établi. La cité de Drômoise est un étalon pour la numérotation des immeubles dans l'empire. Valence est située au bord du Rhône. C'est la référence. Tout ce qui est parallèle au fleuve devient avenue. Tout ce qui est perpendiculaire au Rhône, une rue. Ce système de numérotation et d'appellation a été repris dans le monde entier.
À Lyon, la municipalité améliore le service des pompiers, développe la police et crée des greniers. Elle repave aussi les rues et construit quatre nouveaux ponts sur la Saône. La ville, divisée en 3 mairies, fusionne autour d'un conseil municipal de 37 membres nommé par le pouvoir central. Le maire est loin d'avoir une liberté totale. On est sous l'empire. Napoléon contrôle vraiment strictement ce qui se fait à Lyon. Il va jusqu'à rectifier chacun des budgets.
Le commerce reprend aussi ses droits et redynamise la ville. Toutes les marchandises qui viennent d'outre-mer, via le port de Marseille, sont stockées à Lyon et ensuite distribuées dans le reste du territoire continental. La ville tire un grand profit de la période napoléonienne. Quand Napoléon prend le pouvoir, il y a 88 000 habitants à Lyon. C'est une chute considérable par rapport à l'ancien régime. Quand il le quitte, il y a 120/25000 habitants dans la ville.
Les opposants vivent sous la menace de l'exil et du mariage arrangé. Une société secrète, la congrégation, regroupe des notables catholiques opposés à l'empire et qui conspirent à partir de la fin des années 1800 contre le pouvoir.
Napoléon façonne Lyon à son image
Il l'avait promis aux élites lyonnaises à son retour d'Égypte. Bonaparte fera le bien de la ville. De quoi s'assurer des soutiens utiles avant son célèbre coup d'État du 18 brumaire.
Été 1793, Royalistes et Fédéralistes affrontent les troupes de la Convention nationale, alors menées par les Montagnards. Trois mois d'un siège fratricide qui laisse les Lyonnais abandonnés à leur triste sort. On raconte à l'époque que les gens mangeaient les rats et les chats.
La ville est en ruine, de nombreux bâtiments ont été détruits. Sur la place Bellecour, le premier consul pose la première pierre des nouvelles façades monumentales, le 29 juin 1800. Napoléon va redonner toute sa place à Lyon, ce qui va permettre de réparer le traumatisme révolutionnaire.
Reconnaissante, la municipalité offre au premier consul un habit à la française en velours de soie rouge. Un cadeau qu'il revêt pour la signature du concordat et emportera avec lui en exil à Sainte-Hélène.
Le dernier édifice encore imprégné du pouvoir napoléonien est la chapelle de la Trinité. Fin janvier 1802, le chef de l'État y convoque les députés du consul italien. Bonaparte a créé en 1797 la République cisalpine lors de sa campagne d'Italie et il va décider en 1801 de doter cette République d'une constitution calquée sur la constitution de la République française pour que ces deux États vivent en parfaite harmonie, en parfaite symbiose aux niveaux des lois et de l'économie. Les parlementaires transalpins font Bonaparte président puis roi d'Italie.
Avril 1805, Napoléon revient empereur. La ville lui ouvre ses portes en grande pompe. Il reçoit trois clés en bronze dorées représentant les trois divisions de la ville de Lyon. Des quartiers que le souverain arpente seul ou avec Joséphine de Beauharnais, son épouse. Ils se rendent notamment dans le quartier de l'actuelle tête d'or. Parce que, à ce moment-là, Napoléon songe à endiguer le Rhône qui connaît des crues très, très vigoureuses, très dévastatrices. L'empereur se promène jusqu'à la croix Rousse pour peaufiner les travaux d'urbanisme qu'il projette pour la cité Lyonnaise.
Monument funéraire sur la place Bellecour rebaptisée Bonaparte et dons d'essences exotiques au jardin des plantes, Napoléon veut embellir la ville à son image. Une demeure officielle est même envisagée dans les marais de Perrache. Ce projet de palais n'aboutira pas.
Sur la route de Paris, Napoléon part à la reconquête de son trône. Il est 7h ce vendredi 10 mars 1815. Une vedette entre à cheval dans le faubourg de la Guillotière, avec soldats et canon. "On nous dit dans des témoignages qu'on léchait littéralement ses bottes tellement on était fou de le voir. Et il y avait 20 000 Lyonnais entre le pont de la Guillotière et l'actuel pont Bonaparte, une foule immense par rapport à la population de l'époque".
Le lendemain de son arrivée, on sait que Françoise Leroy est allée le rejoindre au Palais Saint-Jean très tardivement dans la nuit, pour que ça ne se voie pas et qu'elle y a passé la nuit. Deux jours plus tard, le meneur d'hommes fait ses adieux à Lyon. Napoléon décide de placarder une déclaration qui finit par "Lyonnais, je vous aime". Il n'y a pas d'autres exemples de proclamation similaire. Un amour réciproque chez certains Lyonnais qui arborent à sa mort en 1821 la violette impériale en signe de deuil.
Les soyeux lyonnais
À l'aube du XIXe siècle, la réputation de la soirée lyonnaise n'est plus à faire, mais le marasme révolutionnaire a laissé des traces. Le 2 décembre 1804, une délégation de soyeux profite du sacre impérial pour alerter l'empereur du manque d'activité. Un an plus tard, en route pour Milan et son couronnement comme roi d'Italie, Napoléon rencontre avec Joséphine, son épouse, Joseph-Marie Jacquard à la mi-avril 1805 au Palais Saint-Pierre. Le couple impérial découvre l'illustre mécanique de l'ingénieur. Napoléon voit dans cette invention encore balbutiante une technologie d'avenir. Il va lui attribuer une prime à chaque mécanique vendue dans l'espace de 6 années.
Parallèlement, l'État relance massivement ses commandes aux artisans de Lyon. Ces commandes importantes vont faire un appel d'offres énorme et il devient intéressant de se mettre à son compte, de s'installer à la Croix Rousse et de devenir tisseur. L'époque napoléonienne voit la Croix Rousse se transformer et son parc de métiers à tisser, doubler. L'appellation "colline qui travaille" vient de cette époque.
Élevage des vers à soie, tissage, teinture, broderie, toute l'industrie rhônalpine est relancée. Les soirées lyonnaises représentent 30 % des exportations de produits manufacturiers français. Un double avantage : des devises pour la France, du travail pour les canuts lyonnais.
Pour trancher les litiges entre les corps de métiers, Napoléon crée par décret, le Conseil des Prud'hommes et une condition des soies unique et désormais publique, garante du taux d'humidité des fibres de soie. Il va passer des ordonnances auprès de sa cour pour l'inciter à se changer plusieurs fois par jour et à commander de la soirée lyonnaise. Napoléon sauve également la grande fabrique de la faillite avec les 200 robes annuelles de l'impératrice.
À Versailles, Napoléon cherche à remeubler une quarantaine d'appartements. Au final, mis bout à bout, ce sont 80 km d'étoffes façonnées qui sont livrées aux garde-meubles impériaux pour son second mariage. Deux millions de francs investis pour l'excellence à la française. Lyon habille jusqu'à la salle du trône. Les autres demeures de Napoléon servent aussi de vitrine européenne au savoir-faire lyonnais, à Saint-Cloud ou au Grand Trianon. Napoléon rêvait de redécorer Versailles. Ces 80 km de tissus jamais installés seront réemployés par les régimes successifs et l'Église pour meubles et vêtements liturgiques.
Aux dernières heures de l'empire, la menace d'une invasion autrichienne motive toujours plus de volontaires lyonnais, du Beaujolais à Vaise. Le Front s'étale depuis Limonest jusqu'à Tassin en passant par Dardilly. L'empereur finit par abdiquer une première fois. Les Autrichiens occupent Lyon pendant cinq mois et repartent avec deux clés de la ville comme butin.