Dans l'Ain, depuis l'épisode de canicule de l'été 2018, des centaines de maisons se sont fissurées et certaines menacent de s'écrouler. L'épisode de chaleur qui frappe le pays ce mois de mai pourrait aggraver la situation. Les sinistrés se sentent oubliés.
Depuis plusieurs années, Lars Hinton vit dans l'angoisse des périodes de sécheresse. Cet habitant de Jujurieux, dans l'Ain, surveille et scrute avec inquiétude les larges fissures qui sont apparues sur les murs de sa maison après la sécheresse de 2018. La façade est lézardée jusqu'au toit. Elle menace ruine. "On a un risque de péril, si cette façade s'effondre. Le toit risque de suivre et cela peut être catastrophique", déplore le propriétaire de cette vaste demeure ancienne.
La maison de famille, sur trois niveaux, avait pourtant traversé les siècles sans jamais connaître pareil sinistre. Les fissures se multiplient aussi à l'intérieur des pièces. Elles laissent même apparaître largement le jour.
Si les fissures visibles à l'intérieur de la demeure sont importantes, une fois dans le grenier, on prend réellement la mesure de l'étendue des dégâts sur la structure même de la bâtisse. Et les dégâts sont loin d'être superficiels. La lézarde qui court du rez-de-chaussée au toit est impressionnante : "On y passe aisément le bras !" et le Sussurien s'exécute pour en faire la preuve. "Chaque jour, on revient en se demandant : est-ce que la maison sera par terre, ou pas ?", explique le propriétaire.
Sous-sol argileux et sécheresse
Comme d'autres propriétaires du secteur de Jujurieux, le propriétaire est soutenu par une association qui lui a conseillé de faire réaliser une étude du sol. Celle-ci conclut à la présence de couches argileuses sous les fondations de la bâtisse.
Ces sols argileux se rétractent en période de sécheresse. Les mouvements du sous-sol finissent par déformer les fondations et provoquer des fissures sur les murs. Des fissures qui s'agrandissent...
"Quand il pleut, l'argile va se gorger d'eau et va gonfler. En période de sécheresse, lorsque l'eau s'évapore, l'argile se rétracte, à l'instar d'une éponge. Donc la maison s'affaisse car elle n'est plus portée par le terrain", explique Hélène Niktas, membre de l'association "Les oubliés de la canicule 01".
Des sinistrés coincés
Dans le secteur, des centaines de maisons de particuliers sont concernées par le phénomène causé par la sécheresse. Des maisons anciennes, mais aussi des constructions récentes comme celle d'Anne Colombié, une habitante de Crottet. Sa maison a été bâtie voilà 30 ans et les premières fissures sont apparues en 2018. La terrasse part en morceaux. Même diagnostic que la maison de Lars Hinton : le sol est argileux. Des témoins ont été posés sur les fissures pour constater leur évolution. Aujourd'hui, le couple âgé souhaiterait déménager et acheter un logement plus adapté. Mais impossible de vendre la maison fissurée, le couple se retrouve bloqué.
"On ne peut pas vendre. C'est invendable. On ne peut pas proposer une maison comme ça. Même si on la donnait, personne ne la prendrait, je crois", affirme Anne Colombié avec amertume.
Des travaux de confortement sont possibles mais coûteux. Ils ont été évalués dans le cas du couple à 150 000 euros.
Souvent les sinistrés, dans l'attente d'une éventuelle prise en charge par leur assurance, ne peuvent que regarder leur habitation se détériorer au fil des épisodes de sécheresse.