Les capacités d'accueil pour héberger les mineurs isolés sont saturées dans l'Ain, impacté notamment par la crise migratoire en Italie.
"On va au-devant d'un drame humain !" L'alerte est lancée par Jean Deguerry, président du Département de l'Ain. Sa collectivité annonce, ce mercredi 27 septembre, que ses capacités d'accueil de mineurs isolés sont saturées, alors que les besoins augmentent, dans un contexte de crise migratoire en Italie.
Plus aucune place
Face aux besoins croissants, le département de l'Ain n'a tout simplement plus de places. Ses structures d'hébergement sont largement engorgées, notamment à cause de la dernière vague migratoire qui touche l'Italie, et qui provoque un afflux en France de mineurs africains isolés. Face à ce qu'il qualifie d'"arrivée massive", le Département prévient qu'il ne peut plus assurer sa mission de protection de l’enfance dans de bonnes conditions : "s’il entend continuer à remplir avec humanité ses missions d’accueil et de protection des mineurs isolés, le Département est aujourd’hui confronté à un phénomène de saturation des locaux et de manque de personnel. Il est désormais dans l’incapacité de répondre à toutes ses obligations légales en la matière, qu’il s’agisse des besoins primaires, de soins et de scolarisation qui sont des enjeux majeurs", constate le conseil départemental dans un communiqué.
Besoins croissants
Le Département prend en charge 329 mineurs actuellement, dont 232 sont arrivés depuis le 1er janvier 2023. Les projections d'ici à la fin de l'année se situent à au moins 300 arrivées dans l'Ain. Le département a consacré un budget de 5,6 millions d'euros à leur prise en charge en 2022. Ces dépenses atteindront 7.7 millions en 2023, puis 8.6 millions en 2024. Malgré un budget qui aura presque doublé depuis 2021, le département estime qu'il ne pourra pas faire face à l'afflux probable à venir : "chaque jour qui passe, la situation se dégrade, compte tenu des arrivées directes régulières alors que le Département ne dispose plus de places. Le risque de rupture totale de notre dispositif est avéré, malgré notre bonne volonté. Si la situation devait se dégrader encore – ce qui est fort probable compte tenu du contexte international lié aux migrations - le Département devra suspendre temporairement l’accueil des mineurs isolés, avec toutes les conséquences humaines, juridiques et administratives de cette décision", alertent les services du président du département.
Solutions d'urgence
Dans l’urgence et face à cette situation dramatique, le Département recherche de nouveaux sites pour ouvrir toujours plus de places d'accueil. Il a par exemple décidé de recourir à l'un de ses bâtiments, le Chalet des Loges au Grand Abergement, normalement dédié à l’accueil de vacances des agents départementaux. Celui-ci accueille aujourd'hui près de 50 jeunes, pour une capacité initiale de 24 personnes. Par ailleurs, les solutions plus pérennes mettent du temps à se concrétiser.
La collectivité doit aussi composer avec "des réticences locales fortes" pour accueillir les jeunes migrants. Pour parer à l'urgence, les services départementaux ont dû avoir recours de manière importante à une mise à l’abri à l’hôtel depuis plusieurs semaines. Mais là encore, des réticences de la part des hôteliers apparaissent. Le Département estime enfin que "cette situation mobilise fortement ses agents et ses budgets au détriment de la protection de l’enfance pour les Aindinois," qui bénéficie des mêmes structures.
Plus de jeunes et plus de filles
Le Président du Département, Jean Deguerry, en appelle à l'état : "il faut que l’état réquisitionne de nouveaux bâtiments, car dans l’Ain, on ne sait plus comment faire. On va devant un drame humain qui va nous toucher de plein fouet !" D'autant que le Département de l’Ain constate une évolution des profils accueillis, plus fragiles et plus exposés. Les équipes rapportent en effet "un rajeunissement des jeunes à leur date d’arrivée et un public féminin de plus en plus nombreux", qui nécessitent d’adapter les politiques d’accompagnement.
La préfète de l'Ain rencontrera le président du Département ce vendredi, pour apporter les réponses à ses demandes. Contactée, la préfecture se dit "soucieuse de cette situation", et assure qu'elle "se tient aux côtés du conseil départemental pour envisager toutes les solutions techniques pour accueillir dans de bonnes conditions ces mineurs non accompagnés".