Janine Vignat vient de battre une nouvelle fois le record du monde du 3000m marche dans une catégorie de vétérans. À 69 ans, la grand-mère n’est pas prête à s’arrêter. Elle vise déjà une nouvelle performance aux championnats de France et d’Europe en mars prochain. Entretien.
Elle est à fond, aussi bien sur les pistes d'athlétisme que dans la vie quotidienne. À 69 ans, Janine Vignat n'a pas fini de faire parler d'elle et de ses performances sportives. L'Aindinoise, licenciée au club d'athlétisme Calade Val-de-Saône, vient une nouvelle fois de battre le record du monde du 3000m marche dans la catégorie M6 (les personnes nées entre 1955 et 1959).
À l'arrivée ce dimanche 14 janvier, son chronomètre a indiqué 16'56'40, améliorant de plus d’une seconde son précédent record. "Je m'étais préparée. Dans ma tête, et celle de mon entraîneur, j'étais venue battre le record du monde", affirme la sexagénaire, une tisane à la main, à peine essoufflée après pourtant plus d'une heure de marche.
La marche athlétique pour se canaliser
"J'ai toujours aimé me dépenser", renchérit la sportive. "Les professeurs me disaient : tu es vraiment pénible à gesticuler dans tous les sens. Tu vas faire du sport". Âgée de 11 ans, Janine décide alors de s'inscrire dans le club d'athlétisme qui vient juste d'ouvrir à Bourg-en-Bresse. Elle y remporte ses premières courses.
Et c'est lors d'un entraînement que l'athlète découvre une jeune fille s'initier à la marche athlétique. "Je me suis dit, je veux faire mieux qu'elle", a-t-elle déclaré. Et ses performances sont concluantes. Janine décroche rapidement ses premières médailles. Elle intègre ensuite l'équipe de France, au sein de laquelle elle évoluera pendant une vingtaine d'années.
"On était un peu les moins que rien"
Confiante, la sexagénaire l'a toujours été, y compris lorsque les autres jeunes riaient d'elle, de sa discipline et de sa manière de se déhancher sur les pistes. "Qu'est que je me suis fait moquer", raconte la sportive que rien n'arrête. "Mais je m’en foutais royalement. Je ne me suis pas laissé démonter", renchérit-elle.
Pas même lorsque la fédération nationale d'athlétisme a préféré emmener des sprinteurs aux Jeux olympiques de 1992 à Barcelone alors que Janine et son équipe se préparaient pour le premier 10 kilomètres de marche athlétique féminine de l'histoire des JO.
"On était un peu les moins que rien", explique la sportive dont le chronomètre sur 10 km affichait à l'époque moins de 48 minutes. Encore aujourd'hui, elle déplore le désaveu de sa discipline avec la décision de remplacer les 50 kilomètres marche des Jeux olympiques par une épreuve mixte plus courte.
Alors oui, "la marche athlétique, c'est très technique", souligne Janine. Il ne faut pas courir, au risque d'être disqualifié, mais il ne faut pas non plus marcher ou l'on pourrait être trop lent. "Mais c'est moins chronophage qu'un marathon", ajoute la sexagénaire, qui ne se voyait pas faire simplement de la course à pied.
La marche, c'est plus accessible. La course à pied, il faut s’entraîner deux, trois jours pour progresser alors que la marche autour d’1h30 à 2h, on peut déjà avoir un très bon niveau. J'avais plus de chances d'intégrer l'équipe de France de cette manière.
Janine VignatSpécialiste de la marche athlétique dans la catégorie W65
Toujours dehors, en mouvement
S'accorder plus de temps pour une vie de famille et d'autres activités. Car Janine Vignat est un peu une hyperactive. Quand elle n’est pas avec ses enfants et ses petits-enfants, auxquels elle tente de “donner l’envie de l’effort”, elle est dehors.
“Je sors pratiquement tous les jours pour faire quelque chose. Je bouge. Je n’aime pas être sur mon canapé”, affirme la sexagénaire qui aime bouquiner, mais surtout, faire du vélo, se promener avec son mari et marcher. Aujourd’hui à la retraite, Janine a repris la compétition, après une pause de 15 ans. Elle s’entraîne quasiment tous les jours, quelle que soit la météo.
“Je m’entraîne sans chronomètre. Je ne suis pas la nana à regarder les battements de mon cœur. J’avise en fonction de mon humeur et de ma condition physique et comme je suis pas mal, j’arrive souvent à dépasser mes limites”, confie la sportive qui fonctionne beaucoup à l’instinct.
"Je veux faire progresser ce record"
Pourtant, ce dimanche 14 janvier, Janine n’était pas vraiment dans de bonnes conditions pour réaliser une performance. “Je n'ai pas du tout aimé. J’ai eu du mal à me régler. Sur le côté, certains me disaient ‘Janine, tu vas bien trop vite’. Je n’ai pas marché comme j'aurais voulu. Je n’étais pas bien. Je n’étais pas dans ma bulle”, explique-t-elle.
Il faut dire qu’elle a repris la compétition seulement depuis mai 2023. Cela ne l’a pas empêché d'atteindre l’objectif qu’elle s’était fixé : battre le record dans sa catégorie. Maintenant, la sexagénaire voudrait “faire progresser ce record pour que les filles qui viennent derrière aient plus de challenge”. Autre objectif en ligne de mire : le record des W70, catégorie qu'elle intègrera dans quelques jours.
“Ce que je veux, c’est me réaliser en marchant comme j’en ai envie le plus longtemps possible. Je marche pour moi, pour ma satisfaction personnelle. On m’a dit, ‘tu vas être le Marchand [ndlr : Robert Marchand, cycliste français détenteur de plusieurs records à plus de 100 ans] de la marche athlétique’”, conclut la sportive qui espère bien vivre en bonne santé jusqu’à 120 ans.
Dans quelques semaines, Janine Vignat sera sur la ligne de départ des championnats de France à Lyon, puis aux championnats d’Europe à Torun en Pologne 15 jours plus tard.