Allier : à Lurcy-Levis, Street Art City est devenu "the place to be"

L'aventure n'a commencé qu 'en 2016 dans cette friche abandonnée depuis 1992 devenue la seule résidence au monde pour les street artistes. En seulement quatre ans, la liste d'attente s'allonge pour les artistes du monde entier qui veulent y venir et le nombre de visiteurs explose.

C'est un endroit unique, perdu au centre de la France. Un ancien centre de formation de France Télécom abandonné en 1992 devenu l'endroit où il faut aller pour les street artistes du monde entier. Et tout cela, grâce au rêve et à l'instinct d'un couple, Gilles et Sylvie Iniesta. "On a acheté ce lieu en 2003, sans trop savoir ce que l'on voulait en faire," se rappelle Gilles. Jusqu'au 22 janvier 2015, lorsque Sylvie a eu un flash : il serait dédié aux tags, aux graffs, ce que l'on trouve dans les grandes villes... Ils font alors quelques recherches et se rendent compte qu'il n'y a aucune résidence pour le street art, ni en France, ni ailleurs. La décision est donc prise : ce sera ici, à Lurcy-Lévis, dans l'Allier. Et tout ce qui pourrait de prime abord passer pour des défauts, la localisation, la campagne, se transforment bien vite en qualités.
 

Un lieu unique au monde

Le potentiel est en effet énorme : 10 hectares de terrain, 7000 m2 de bâtiments, et 22500 m2 de façades à taguer. En bref, une mini-ville, Street Art City, entièrement dédiée aux artistes et à leur créativité. Et cela a fonctionné tout de suite. "Au début, on a appelé un artiste de la région pour voir si ça pouvait marcher. Ils sont venus à six en mai 2015. Ensuite, on n'a plus eu besoin d'appeler personne. Le bouche à oreille et les réseaux sociaux ont fonctionné à plein régime. Aujourd'hui, nous avons une liste d'attente de plus de 900 artistes du monde entier qui veulent venir chez nous."
 


L'idée, c'est de les sélectionner uniquement sur leurs qualités artistiques. Cette résidence doit leur permettre de gagner en visibilité et, éventuellement, de vivre de leur talent. Ils viennent pour une durée qui peut aller de deux semaines à deux mois, sont logés, nourris, blanchis, et tout le matériel dont ils ont besoin, de la peinture aux chariots élévateurs, leur est fourni. "En fait, l'artiste arrive avec ses vêtements et son talent, explique Gilles. Nous, nous leur offrons une bulle de confort pour qu'ils n'aient plus qu'à créer."

Un lieu en mutation perpétuelle

Créer, ils peuvent le faire sur les façades des bâtiments, mais aussi dans les chambres de l'Hotel 128. "Là, l'expérience est incroyable, en immersion totale. D'ailleurs, certains artistes ne candidatent que pour l'Hotel 128." Un bâtiment plongé dans l'obscurité, dans lequel les visiteurs se promènent à la frontale. Et derrière chaque porte qu'ils ouvrent, la découverte de l'univers d'un artiste, sur les murs, les salles de bain, les toilettes même ! Depuis septembre 2019, toutes les chambres sont peintes. "On ne commencera à en refaire qu'en 2021, par roulement, de manière permanente", affirme Gilles. En effaçant ce qui a été fait par les premiers, mais cela ne semble pas poser problème. "Pour un street artiste, ils estiment qu'ils ont fini leur œuvre lorsqu'ils la signent. Ensuite, ils la prennent en photo, la partagent sur les réseaux sociaux, et considèrent qu'elle ne leur appartient plus."
 


Autre support proposé aux artistes : des toiles. Il est demandé à chacun d'en faire quelques unes. Des toiles qui sont ensuite vendues, parfois à des collectionneurs. "En 2019, on a vendu en moyenne plus d'une toile par jour d'ouverture. C'est incroyable, même des galeries parisiennes ne peuvent pas en dire autant. Le 6 juin, pour notre réouverture, on a vendu une toile de Zeso, que l'on suit depuis le début, pour 14 000 euros. D'ailleurs, certains artistes sont aujourd'hui sollicités pour exposer ailleurs. C'est aussi le but."

Zeso est venu la première fois à Lurcy-Lévis en 2016. "Il était alors illustrement inconnu", sourit Gilles. "Maintenant, il est réclamé à travers le monde." Français ayant vécu une dizaine d'années aux Etats-Unis, Zeso était alors chef cuisinier dans des restaurants étoilés. Le street art, il a commencé à en faire à 10 ans, mais c'était resté un loisir. Aujourd'hui, il revient chaque année dans l'Allier. Il y est d'ailleurs actuellement, à peindre des murs devant le public, en toute simplicité. "Vous savez, il a été selectionné dans le Guide de l'Art Contemporain. C'est une fierté pour nous, le premier artiste qu'on a découvert ici et qu'on a porté loin. On est content : il y a une certaine reconnaissance de notre travail."
 

Il faut encore qu'on se pince pour se dire qu'on n'est pas dans un rêve !  

Gilles Iniesta


D'ailleurs, le public ne s'y trompe pas, venant de plus en plus nombreux visiter ce site insolite et exceptionnel. Depuis 2016, chaque année, le nombre de visiteurs double. "Depuis qu'on a rouvert, le 6 juin, c'est de la folie totale ! Si on compare à l'année dernière, on fait 3 fois le nombre de visiteurs, chaque jour, c'est dingue", s'enthousiasme Gilles. Des curieux qui viennent de toute la France, mais aussi de plus loin : belges, suisses, allemands, grecs... Le concept plaît et attire au-delà des frontières.
 


Prochain objectif pour Gilles et Sylvie ? "Tout roule sur le site, alors maintenant, ce qu'on aimerait, c'est porter encore plus un certain nombre d'artistes à l'international." Zeso, encore et toujours, mais aussi Ted Nomad, Bast, Vincent Loisy et Kelkin font partie des noms cités. "On les a découverts ici, ils ont été plébiscités par le public, on veut donc les porter un peu plus et les aider à aller encore plus loin." Même si ils espèrent bien les revoir un jour ici, au centre de la France.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité