A Bransat et Laféline dans l’Allier, un projet d’implantation de 6 éoliennes de 240 mètres de haut est à l’étude. De nombreux opposants se sont manifestés. C’est la préfète de l’Allier qui devra trancher au printemps prochain.
Elles sont plus hautes que la tour Montparnasse : les éoliennes les plus élevées de France et presque d’Europe pourraient bientôt sortir des terres du Bourbonnais. A Bransat et Laféline, ce projet est à l’étude. Une enquête publique a démarré le 11 décembre dernier et doit se conclure mi-janvier. Mais le projet porté par la société ABO Wind suscite de nombreuses inquiétudes. Anne de Bony, avocate, est intarissable sur le dossier. Elle est directement concernée par l’implantation des éoliennes : « Je possède une maison à 700 mètres du projet. Je suis opposée à ce projet non pas parce que je n’aime pas les éoliennes, ce n’est pas la raison, ça n’a aucun sens. Je pense que ce projet ne va pas apporter d’énergie verte. Le but des éoliennes est de décarboner. Or nous sommes dans une zone très peu ventée. Comme il n’y a pas suffisamment de vent, ils sont obligés de mettre des éoliennes de 241 mètres de haut pour que cela puisse fonctionner. C’est déjà une première aberration. On peut installer des éoliennes mais détruire un paysage, une faune abondante me paraît illusoire. Je trouve ça assez inadmissible ».
Un passage d'oiseaux migrateurs
L’avocate poursuit : « Nous sommes en plein passage d’oiseaux migrateurs, des grues cendrées. Elles sont très sensibles aux vibrations, et elles vont se jeter dans les pales. C’est une espèce protégée. Nous avons aussi des milans royaux autour de chez nous. C’est aussi une espèce protégée, y compris au niveau européen. Il y a probablement des endroits où l’on peut faire les choses avec plus de discernement. A Bransat on a aussi 17 espèces de chauves-souris. Elles sont aussi menacées ». « Ces énormes éoliennes vont impacter l’élevage. Autour du projet, il y a des prairies. Il y a une stabulation à 600 mètres. Il est connu que les vaches avortent ou ne produisent plus de lait à proximité d’éoliennes. J’ai peur pour ces agriculteurs qui vont tout perdre » confie Anne de Bony. Elle pointe aussi du doigt le danger que représente la proximité avec un gazoduc. Enfin elle ajoute : « Les éoliennes sont tellement grandes qu’ils vont devoir creuser et mettre 9 000 tonnes de béton armé, du béton et de la taule, pour sceller l’éolienne. Cela pollue la terre. Les éoliennes ne vont visiblement pas beaucoup marcher, peut-être à 20 %. C’est ridicule finalement ».
Le cas de l'AOC Saint-Pourçain
Anne de Bony espère une prolongation de l’enquête publique d’une semaine ou de 15 jours. Les commissaires-enquêteurs vont rendre un rapport et donner un avis favorable ou défavorable. Le dernier mot reviendra à la préfète de l’Allier, sans doute au printemps. Bransat est une des communes viticoles de l’appellation AOC Saint-Pourçain. Fabien Malavaud est président du conservatoire des anciens cépages mais aussi technicien du syndicat des viticulteurs. Il explique : « L’AOC s’est positionnée contre le projet surtout par rapport à l’oenotourisme. On tient à nos paysages bocagers et on s’appuie dessus pour développer le tourisme. On est une petite appellation qui gagne à être connue. Planter 6 éoliennes de 240 mètres de haut c’est vraiment se tirer une balle dans le pied. C’est un projet démesuré sur le cœur du vignoble ». Il indique : « Lundi 14 décembre, le conseil d’administration du syndicat des viticulteurs de Saint-Pourçain a voté et a émis un avis défavorable au projet. Le syndicat représente 39 coopérateurs et 20 caves ».
Mettrions-nous ces éoliennes à Versailles, à Chambord ? C’est monstrueux
Autre fervent opposant au projet, Eric Beaumont, représentant de la SPPEF (Société pour la Protection des Paysages et de l'Esthétique de la France). Il raconte : « J’ai consacré ma vie au patrimoine et je m’indigne du massacre à venir des paysages : potentiellement, il y a 100 édifices impactés. C’est du jamais vu en France. Les éoliennes feront 240 mètres de haut. Le mât de mesure, qui faisait 125 mètres, était visible à 25 km à la ronde. Non content d’être un des départements les moins ventés de France, c’est aussi l’un des plus riches de France : c’est le deuxième le plus riche en édifices classés et inscrits. Cela est lié à la présence des Bourbons. Il s’agit du département le plus riche de France en églises romanes. Mettrions-nous ces éoliennes à Versailles, à Chambord ? C’est monstrueux ». Eric Beaumont a écrit à la ministre de la Culture afin de l’interpeller. Jean-Michel Desmon, animateur de l’association « Cesset Nature et patrimoine » ne cache pas non plus sa colère, face à la « démesure du projet ».
Le bon sens paysan
Face à ces levées de bouclier, Sylvain Petitjean, maire (SE) de Bransat, milite pour l’implantation de ces éoliennes. Il affirme : « Les arguments des anti-éolien sont plus que discutables, mensongers et fallacieux, mais nous n'en attendions pas moins de la part de ces associations qui ont des craintes pour notre Bourbonnais. Si ces arguments sont entendables, il faut cependant voir la problématique énergétique dans sa globalité. On nous accuse d'un manque de bon sens paysan. C'est ce bon sens paysan qui a dicté aux élus de l'époque, l'implantation d'importantes lignes électriques qui ont permis le désenclavement de nos campagnes, tout comme les autoroutes, les ponts, les lignes de chemin de fer, les lignes téléphoniques et bien d'autres infrastructures impactant le paysage sans jamais le détruire. Ces associations font l'apologie des centrales nucléaires prétextant une énergie la plus décarbonée. Ils oublient simplement que ce parc de 58 réacteurs est vieillissant, que 24 d'entre eux sont aujourd'hui à l'arrêt du fait d'un entretien lourd mais aussi du fait du réchauffement climatique qui empêche le refroidissement de certaines centrales par manque d'eau. Le relais est alors pris par de nombreuses centrales à charbon ce qui est inconcevable d'un point de vue environnemental. Il est grand temps d'agir pour la transition énergétique, la mise en place d’un mix énergétique, la protection de notre environnement et de mettre en place une politique courageuse qui réduira notre dépendance aux énergies fossiles ».
Les arguments d'ABO Wind
Cristina Robin, représentante d’ABO Wind, qui porte le projet, indique : « Le projet a fait l’objet de nombreuses expertises dans le cadre de l’étude d’impacts du projet. Des analyses environnementales, paysagères, patrimoniales et acoustiques ont ainsi été menées pendant un an et demi afin d’identifier, évaluer et maitriser les impacts du projet. De nombreuses mesures d’évitement, de réduction ou de compensation des impacts ont ainsi été proposées et validées par les services instructeurs de la DREAL. Plusieurs allers-retours ont d’ailleurs permis d’affiner ou de compléter certaines d’entre-elles. La qualité du dossier a ainsi été vérifiée et optimisée avant le passage à l’enquête publique ». Elle ajoute : « La production attendue des éoliennes de Bransat et Laféline permettrait de fournir l’équivalent des besoins en électricité annuelle de 15% des habitants du département de l’Allier. Cela en générant une fiscalité de 8 000€/an/MW (projet de 33,6 MW) qui se répartira entre les différents échelons de collectivités, la communauté de communes de Saint-Pourçain, Sioule, Limagne en touchant la majorité ». Elle conclut : « Des éoliennes d’une hauteur totale plus importantes que celle de Bransat et Laféline sont déjà installées dans d’autres pays européens, (Allemagne, Finlande, …). En France, plusieurs projets en cours d’instruction prévoient des gabarits d’éoliennes équivalents voir plus grands dans d’autres régions et départements. A l’heure actuelle, les éoliennes construites les plus hautes en France font 200 mètres en bout de pale. La filière éolienne évolue et les constructeurs proposent désormais des éoliennes à la pointe de la technologie et donc très performantes ». Des arguments qui ne convainquent pas les opposants au projet. Ils appellent à manifester le mardi 19 janvier à Saint-Pourçain-sur-Sioule.
