Au temps du coronavirus ils sont confinés dans un château dans l’Allier: de l’espace mais beaucoup de travail !

Le confinement dans 1000 m2... Ces châtelains de l'Allier ont conscience d’être des privilégiés en cette période de confinement. Mais ces propriétaires s’inquiètent du devenir de leurs demeures quand toutes les activités touristiques qui les font vivre sont à l’arrêt.
 

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En soixante-deux ans, c’est bien la première fois qu’il passe autant de temps dans son château. Hugues de Chabannes partage habituellement ses semaines entre Paris et la propriété familiale, le château d’Avrilly à Trévol dans l’Allier au nord de Moulins. Une ancienne maison forte du XVe siècle achetée par son arrière-arrière-grand-père en 1875 et dans laquelle ont vécu son grand-père puis son père. "C’est évident que nous sommes très privilégiés" reconnaît-il. Ce Bourbonnais, salarié d’une maison de ventes aux enchères à Paris, vit confiné en famille dans un château de…1000 m2 entouré d’un parc de 107 hectares ! "L’espace intérieur est unique et exceptionnel. J’ai bien conscience que ce ne sont pas des conditions normales de disposer de tout cet espace pour nous seuls". Mais le destin est ainsi fait, c’est à lui qu’est revenue la gestion de ce patrimoine familial hors norme qui, en cette période de confinement, présente bien des avantages: "Nous sommes quatre et tous en télétravail. Chacun peut avoir son espace pour continuer sa vie professionnelle" détaille-t-il. "Nous avons juste installé un  bureau partagé dans une grande pièce pour disposer du WIFI qui ne fonctionne pas bien partout". Hugues de Chabannes s’en amuse, il faut bien trouver quelques inconvénients à habiter une si grande demeure…Une demeure qui révèle à ses yeux tous ses charmes maintenant qu’il y vit à plein temps.

Les charmes de la nature

Tout autour, dans le parc, la nature s’ébroue, se réveille, Hugues de Chabannes est aux premières loges pour observer le printemps qui s’installe. "Je suis fasciné par la diversité extraordinaire qui nous entoure. Quand nous sommes arrivés le 17 mars, il faisait zéro degré, les arbres étaient nus. Aujourd’hui, le 25 avril, ils sont en feuilles, l’herbe est verte et la faune est incroyable". Avec le privilège aussi des personnes qui se lèvent tôt: Hugues de Chabannes s’émerveille chaque jour au petit matin des chevreuils dans les bois, des oies dans les douves. "Tous les oiseaux sont arrivés ! Sur une pièce d’eau du domaine, nous en voyons une trentaine: des aigrettes, des hérons ! Nous les observons à la jumelle. Et il y a aussi ces bergeronnettes grises qui volent près du château et cette chouette  qui niche dans les communs. Tous ces animaux à force de les voir, nous finissons par les connaître. Mais c’est propre à tous ceux qui vivent à la campagne et pas seulement à ceux qui sont dans un château tempère" le châtelain.
Le confinement dans 1000 m2, une douce indolence où tout est luxe, calme et volupté ? Pas tant que ça. La vie de château, ce n’est pas toujours de tout repos.

A Beaulon dans l’est de l’Allier, Evrard de Monspey a également hérité du château familial, construit en 1825. Lui aussi profite désormais des petits-déjeuners en famille au soleil. "Nous sommes à la campagne, il fait beau, si j’étais resté à Paris, je serais devenu fou !" lance-t-il. Il le reconnaît, son quotidien est plus facile que celui de la plupart des Français, un confinement où les conflits sont moins fréquents grâce à l’espace entre tous les membres de la famille. "Mais nous sommes très occupés !" lâche ce quinquagénaire au fort dynamisme: "Nous réglons quantité de problèmes dont nous ne pouvions nous occuper avant: nous sommes absolument débordés !" répète-t-il. En dix ans, Evrard de Monspey, entrepreneur dans l’âme, n’a cessé de développer les activités sur les 40 hectares de son domaine : location de salle de réception au château, activités pêche sur les étangs et élevage bovin sur les prairies. Il y a beaucoup de choses à faire. Les travaux agricoles qui continuent, les finitions de la salle de réception, le rangement, le nettoyage. "Nous sommes prisonniers de notre charge de travail, nous y passons tout notre temps ici". Mais l’homme cache difficilement son goût de l’effort: "Et pour l’entretien du parc, je m’y suis collé: la taille, le broyage, nous avons bien tondu aussi ! J’adore ! Mais je suis éreinté !"

A Trévol, au château d’Avrilly, Hugues de Chabannes ne chôme pas non plus. En plus d’observer la nature, il doit l’entretenir. Lui aussi passe beaucoup de temps dans son domaine avec une tronçonneuse à la main raconte-t-il. "Je l’ai achetée pour l’occasion, je nettoie les bois et les sous-bois".

Trouver de l’argent

Ces journées sont bien remplies, entre son télétravail et ses projets pour le château qu’il fait avancer: un classement aux monuments historiques et une candidature au loto du patrimoine. "Nous allons avoir toute une campagne de restauration à faire: les toitures, les bassins en pierre qui se sont dégradés. Je dois monter des dossiers pour la DRAC, la Région, le Département, la mission Stéphane Bern". Hugues de Chabannes met à profit le confinement et le temps qui s’est arrêté. Mais avec son revers: "Nous avons plus de temps pour ouvrir les yeux sur ce qui va mais aussi ce qui ne va pas. Je vois encore plus les problèmes de toitures, les fuites, les murs qui s’abîment. Un entretien perpétuel aux sommes colossales quand toutes les sources de revenus du château d’Avrilly se sont taries. Les gîtes et les chambres d’hôtes sont vides, les mariages se sont annulés. Je ne sais pas comment nous allons finir l’année" confesse-t-il.

"Notre quotidien est sympa mais en réalité, nous sommes aussi méchamment dans la m…!" Le ton distingué, la conscience et la fierté assumée de ses origines, Evrard de Monspey, à Beaulon, s’autorise cependant une grande liberté de langage pour s’exprimer sans ambages. "Nous vivons au cœur même de notre entreprise, ce château que nous n’avons pas forcément choisi, nous l’avons hérité avec la mission de le conserver et de le transmettre" explique-t-il. "Toute cette crise nous fait prendre conscience de la fragilité de notre activité économique qui repose sur le tourisme". A Beaulon aussi, la salle de réception ne se loue plus, et les étangs n’ont pas encore vu de pêcheurs. Evrard de Monspey s’inquiète pour l’avenir de son château qui coûte par mois en entretien ce que coûte une maison traditionnelle à l’année. Mais déterminé, il l’est. Toujours en quête de nouvelles solutions ... Un homme qui a la charge de poursuivre le travail de ses ancêtres. Et qui se dit content de tout ce qu’il a déjà accompli en quarante jours de confinement.
L’Allier, terre de châteaux
Avec 574 châteaux ou maisons fortes, l’Allier est le deuxième département de France à compter le plus de châteaux sur son territoire. "Les forteresses ont été conçues pour le confinement" rappelle Hugues de Chabannes, propriétaire du château d’Avrilly à Trévol. "En cas de guerre, on prenait des vivres et on s’y enfermait. La guerre d’aujourd’hui est différente mais c’est quand même une guerre. C’est un retour aux sources, comme au Moyen-Âge".

L’Allier regorge de forteresses médiévales: Bourbon l’Archambault, Montluçon, Moulins, Hérisson, Billy. Le département est le berceau des ducs de Bourbon qui marqueront le territoire de leur empreinte avant de monter sur le trône de France avec Henri IV. Aujourd’hui, une branche cadette de la famille royale possède toujours trois châteaux dans le village de Besson.

"Mais ce qui explique qu’il y ait autant de grandes propriétés foncières, c’est l’organisation économique et politique" indique Benoît Marouzé, guide au château de Bourbon l’Archambault. "Jusqu’au début du XXe siècle, l’Allier est une terre de métayage, ce qui veut dire qu’il y avait beaucoup de petits propriétaires aristocrates. Et puis, des fermiers, des contremaîtres qui géraient les domaines et qui devinrent riches, jouèrent un rôle non négligeable. Ils se sont fait construire de petits châteaux, notamment au XIXe siècle, mais certains sont plus anciens comme celui de La Baume à Couzon qui date du XVIIe siècle" termine Benoît Marouzé.
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