Election de Miss Agricole : "On n’a pas toutes 20 ans, la taille fine et on ne l’aura jamais car on aime consommer nos produits”

Isabelle, 35 ans, élève des chèvres entre Cher et Allier. Cette année, elle se présente à l’élection Miss Agricole, avec l’objectif de mettre en avant les petites exploitations comme la sienne et les femmes du monde agricole.

Isabelle Gasq, 35 ans, fête les 13 ans de son exploitation, située aux confins du Cher et de l'Allier. Elle élève des chèvres pour réaliser des produits avec leur lait. Elle possède une trentaine d’hectares, essentiellement du pâturage pour celles qu’elle appelle affectueusement “les filles”. Elle a créé cette exploitation de toutes pièces : “C’était une ferme abandonnée, victime du remembrement, que j’ai créée à 100%. C’est un élevage caprin de transformation fromagère et autres produits dérivés, avec une partie cosmétique. Je fais du savon au lait de chèvre depuis une dizaine d’années. J'ai commencé avec une quinzaine de chèvres et j’en ai maintenant 154. Et je pense m’arrêter là ! Mon associé est parti en 2017 car il a fait d’autres choix de vie. J’embauche des saisonniers, mais je pense être capable d’embaucher quelqu’un en CDI d’ici l’année prochaine."

L'animal au centre de l'activité

Cette année, elle se présente au concours Miss Agricole. Elle tient sa vocation de ses parents et grands-parents, éleveurs bovins, mais surtout de ses expériences en tant que jeune agricultrice : “Je suis tombée chez des éleveurs caprins qui avaient une approche très éthique de l’animal, un peu comme j’ai connu chez mes parents. Maintenant, je me balade toujours avec une dizaine de chèvres qui ne font absolument pas de lait, que je garde en chèvres de compagnie. Je prends ça comme un privilège. Mes clients savent que j’ai des frais d’entretien de ces animaux, pour leurs petits bobos, et ils savent qu’ils y participent. D’autres éleveurs considèrent ça comme des pertes, moi, moralement, je ne peux pas lâcher ces animaux-là.”

Avec sa candidature, Isabelle entend "porter haut et fier les couleurs de [sa] petite ferme" :

Diversifier les profils du concours

Sa candidature part d’un pari entre amies : “Nous avons plus de 30 ans et on voit des profils passer, qui font la course à la jeunesse alors que notre travail est aussi accompagné par l’usure du temps. On voulait étoffer ce mélange de portraits et mettre en valeur les petites structures. Souvent, on entend parler de la course à l’hectare mais nous sommes presque aussi nombreux à avoir de petites structures viables. On voulait aussi mettre en valeur nos partenaires qui ne sont pas agriculteurs, qui sont monsieur et madame tout-le-monde, qui se donnent la peine de venir consommer nos produits. Ce sont d’autres acteurs qui sont aussi importants et essentiels que les agriculteurs."

Respecter l'animal et les saisons

Elle réalise 95% de vente directe, mais vend aussi ses produits à quelques collectivités, boucheries et restaurants et une seule grande surface : “Elle a accepté mes prix, je la livre quand je veux et quand je peux. Elle est très conciliante car je respecte les saisons naturelles et parfois il n’y a plus de fromage. Tous mes clients sont au fait de ça. C'est donnant-donnant. Si les gens choisissent le prix qui va me sembler juste, je me dois de respecter l’éthique que j’ai mise en place.” Ses chèvres ne mangent pas de granulés, de produits transformés, mais un mélange de différentes céréales. “Je pense avoir une belle relation avec elles, même s’il y en a qui sont plus indépendantes que d’autres. Je n’achète que des vêtements d’occasion, car elles ont une bonne consommation du bout de tissu qui dépasse quand je passe trop de temps avec l’une ou l’autre, elles sont jalouses ! C'est un animal très sociable quand on s’en donne la peine. J'ai vraiment du mal à vivre une perte, même si ça peut paraître naïf, dans ma profession.”

Une agricultrice n’est pas forcément en couple ou n’a pas forcément un agriculteur à ses côtés.

Isabelle, agricultrice

Isabelle n’avait jamais rêvé d’être miss, pourtant, elle entend bien mettre en avant les agricultrices comme elle au concours : “Je ne m’étais jamais sentie concernée. J’avais croisé les miss et misters au sommet de l’Elevage mais ce désir de revendiquer est récent : tout le monde y a le droit sans forcément avoir une taille 38 et moins de 25 ans ! On peut toutes participer. On est toutes agricultrices. On n’a pas toutes 20 ans, on n’a pas toutes la taille fine et on ne l’aura jamais parce qu’on aime consommer nos produits”, plaisante Isabelle. Pour elle, les femmes ont désormais toute leur place dans le milieu : “On est quasiment moitié-moitié. L’âge est parfois plus péjoratif que le rapport homme femme. Maintenant, on a des commerciales agricoles, chez les concessionnaires. Ça évolue vite et bien. Ils n’ont pas le choix ! ” Elle réalise, entre autres, de la vente directe sur les marchés à Montluçon les weekends.

Un concours pour faire parler du monde agricole

Ce concours existe depuis 2014. Émilie Marin, miss agricole 2015 et présidente de l’association de l’élection, explique : “On a l’objectif de communiquer via ce concours, sur la condition des femmes dans le milieu agricole et sur toutes les autres difficultés que ce milieu rencontre. J’ai voulu reprendre le flambeau en 2016 avec Alexia, la première miss, en intégrant les hommes et les juniors, pour encourager et soutenir les jeunes. La relève n’est pas là dans le milieu, il y a beaucoup plus de gens qui s’arrêtent que de jeunes qui reprennent. Ça nous permet de communiquer aussi chaque année sur des filières différentes et des régions différentes. On fait déplacer la miss et le mister au sommet de l’Elevage, au salon de l’Agriculture et sur tout évènement où il nous semble intéressant qu’ils soient.” Elles reçoivent entre 200 et 400 candidatures chaque année.

Les critères

Pour être miss ou mister agricole, voici les critères : “Il faut être installé en tant qu’agriculteur, salarié agricole, conjoint collaborateur, étudiant en cursus agricole ou exploitant agricole. On regarde le texte et les photos que les personnes nous envoient sur la page Facebook en message privé. On regarde leurs talents de communication, pour qu’ils puissent remplir leur mission tout au long de l’année. On regarde leurs profils, leurs réseaux sociaux, savoir si les personnes sont à l’aise pour se filmer, pour s’exprimer, sont souriantes, communiquent sur leur filière, leur terroir...”

Lutter contre l'agribashing

Émilie Marin entend également valoriser le monde agricole, trop souvent dénigré selon elle : “A l’heure où on subit pas mal d’agribashing, sur la page, les candidats reçoivent beaucoup de messages et de commentaires positifs, d’encouragement de la part du public. Ça fait quand même un pied de nez à nos détracteurs. La plupart de nos commentaires sont bienveillants, respectueux, encourageants... On voit que le monde agricole est soutenu par les consommateurs. On n’est pas sous les projecteurs et les paillettes. C’est dommage parce que l’agriculture concerne tout le monde. On est tous consommateurs et tous concernés par les problèmes.” Une présélection de 20 candidats est effectuée par les internautes directement sur la page Facebook de l’évènement. Un jury de 5 personnes, renouvelé chaque année, fait ensuite la sélection. Les participants ont jusqu’au 8 décembre pour envoyer leur candidature. L'élection aura lieu le 16 décembre.

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