Insolite. Un personnage du romancier Georges Simenon, père de Maigret, entendu par la justice de l'Allier

Dans la soirée du vendredi 4 février, un procès se tiendra à Cusset dans l'Allier. Louis Pélardeau, le personnage d'un roman policier de Georges Simenon sera jugé pour le meurtre de son ex-secrétaire. Un faux procès mais de vrais magistrats décideront de la peine encourue.

C’est un procès pour le moins original qui se tiendra, le vendredi 4 février, à Cusset dans l’Allier. Les magistrats de la cour seront bien réels contrairement à l’accusé. A la barre : Louis Pélardeau, l’un des personnages du roman policier Maigret à Vichy, écrit par Georges Simenon et publié en 1968. 

"A la fin du roman, le coupable est identifié et l’histoire s’arrête. C’est assez frustrant. Que devient ce coupable? S’il était jugé serait-il reconnu coupable? Quelle serait sa peine? Ou au contraire serait-il acquitté?" explique Joël Talon, membre de l’Association des amis de Simenon qui a pour vocation de faire découvrir les romans de Georges Simenon.

Toutes ces questions laissées sans réponse ont donné, aux membres de l'association, l’idée de prolonger le roman. Ils ont imaginé une fiction judiciaire dans laquelle le coupable, Louis Pélardeau, serait jugé. "Nous avons rencontré les magistrats de Cusset pour mettre en scène cette fiction et organiser un faux procès mais qui a tout de réel. La Présidente a d’abord été surprise. Puis enthousiasmé par l’idée, elle en a parlé à sa hiérarchie. Après il a fallu trouver les magistrats, l’avocat général, les avocats, les greffiers, les huissiers pour que l’on soit vraiment comme dans un procès d’assises" précise-t-il.

Quant au meurtrier, à la sœur de la victime et aux témoins, ils seront interprétés par des comédiens d’une troupe de théâtre. Il en sera de même pour le commissaire Maigret et le commissaire de Clermont-Ferrand nommé Lecoeur.  

Qui sera jugé ?

L’homme qui sera entendu à la barre se nomme Louis Pélardeau. Dans le roman, il est âgé d’une soixantaine d’année, marié et sans enfant. Il consacre sa vie à son industrie. Il a eu plusieurs aventures avec sa secrétaire, Hélène Lange. Un jour, elle lui annonce qu'elle attend un enfant de lui et donne sa démission. Louis désespéré souhaite aider cet enfant. Il verse tous les ans d’importants montants, et les envoie dans les différentes villes où elle se trouve. Elle lui promet qu’il pourra rencontrer l’enfant lorsqu’il sera majeur à ses 21 ans.

Un jour, Louis se rend en cure à Vichy et reconnaît son ancienne maîtresse. D’une façon concomitante, le commissaire Maigret est lui aussi à Vichy. Il croise à plusieurs reprises cette femme et s’étonne de ne pas la voir à un concert où elle devait être. Elle est retrouvée morte le lendemain. Maigret découvre dans les journaux qu’elle a été assassinée.

L’enquête commence. Le commissaire de police de Clermont-Ferrand, Lecoeur, connaissant Maigret le convie à enquêter avec lui. Ils découvrent que c'est Louis Pélardeau, son ancien patron, le tueur. Il a suivi son ancienne maîtresse, il s’est rendu chez elle mais elle était absente. Il a fouillé les lieux et n’a pas trouvé de photo de son enfant. Mais elle l’a surpris. Il l’a interrogé exigeant des nouvelles de l'enfant devenu sa raison de vivre. Le ton est monté. Il l’a saisi par le cou et l’a étranglé sans le vouloir vraiment. Il n’avait rien prémédité.

A la fin du roman Maigret dit : "J’espère qu’il va être acquitté" raconte Joël Talon, membre de l’Association des amis de Simenon. Puis il ajoute : "Il sous entendait que c’était un homme brave et digne qui a eu un moment de folie". Il s’était fait escroquer de l’argent. Il avait, en plus, découvert que ce n’était pas son fils, mais le fils de la sœur de la victime, Francine Lange. L’enquête de police a également révélé qu'il était mort en bas âge dans une famille vosgienne où il avait été mis en nourrice.  

Comment va se dérouler le procès ?

Le procès de Louis Pélardeau se tiendra donc, le vendredi 4 février, à Cusset sous le regard du public. "A l’entrée du tribunal, les gens préciseront s’ils acceptent ou non d’être tirés au sort pour être jurés. S’ils disent oui, ils auront un ticket avec un numéro dessus. Une fois tout le monde installé et prêt, la présidente tirera au sort six personnes. Les six personnes sélectionnées iront s’asseoir vers les magistrats" se réjouit Joël Talon, un des organisateurs.

Le procès pourra alors commencer. L’accusé et les témoins s’inspireront du roman. "Ils diront exactement ce qu’ils ont dit lors de leur déposition à la police dans le livre". Puis il ajoute : "Cela se passera comme un vrai procès. Il y aura le réquisitoire de l’avocat général, la plaidoirie de la partie civile et la plaidoirie de l’avocat de la défense. Puis les jurés se retireront avec les magistrats pour délibérer".

Faire connaître Simenon, l'Allier qui l'a inspiré et le monde judiciaire

En créant cette fiction judicaire, cette association cherche à faire connaître l’œuvre de Georges Simenon. Auteur étudié au niveau planétaire. Ses romans ont été traduits dans 47 langues et nombreux ont été adaptés au cinéma. "C’est vraiment un auteur titanesque", insiste Joël Talon, " Et le 23 février prochain sortira d’ailleurs au cinéma le dernier Maigret. C’est Gérard Depardieu qui endosse le costume du commissaire divisionnaire créé par Georges Simenon dans une réalisation de Patrice Leconte". 

L’objectif de l’association est de promouvoir les romans écrits dans le Bourbonnais. Georges Simenon a en effet vécu plusieurs années dans l’Allier et s’en est inspiré à plusieurs reprises. Joël Talon, fan absolu, raconte : "A 20 ans, Simenon arrive à Paris. Il découvre la capitale et rencontre le marquis de Tracy qui a besoin d’un secrétaire particulier. Il l’embauche et lui demande de le suivre à Paray-le-Frésil dans l’Allier. Simenon arrive dans la Sologne bourbonnaise en 1923. Il découvre la ruralité, la petite aristocratie de province mais aussi la bourgeoisie et la haute aristocratie. Il découvre tous ces univers et ces lieux et s’en inspire pour créer le commissaire Maigret. Dans ses romans, on retrouve les villes de Moulins, Montluçon ou encore Vichy. On reconnaît d’ailleurs des noms de rues, des commissariats ou encore des magasins que l’on peut retrouver aujourd’hui". 

Pour ce membre de l'association, aucun doute : "Ce séjour dans l’Allier, c’est un séjour de rupture. Il arrive ici en tant que salarié et quand il quitte le marquis le Tracy, il décide de vivre de sa plume. Il écrit alors pour gagner sa vie. C’est vraiment une période charnière de sa vie". Au-delà de la découverte du roman Maigret à Vichy, l’association désire également montrer au grand public le monde judiciaire. "Nous ne voulions pas faire appel uniquement à des comédiens. Nous voulions que la Cour soit réelle. Les gens ne vont pas forcément aux assises voir comment se déroule un procès. Là, c’est une soirée connue comme étant une fiction. Cela dédramatise les choses. Mais le déroulé est strictement identique à celui d’un véritable procès. Le public peut découvrir la justice en toute sérénité" souligne-t-il. Pendant que les jurés délibèreront, il est également prévu qu’un magistrat prenne la parole pour expliquer le fonctionnement de la justice.

Cette association n’en est pas à son coup d’essai. Elle avait organisé un faux procès, à Moulins, en 2019, à partir du roman L’affaire Saint Fiacre écrit en janvier 1932. Comme la fois précédente, plus de 200 personnes sont attendues. La salle du tribunal ne faisant que 80 places, le procès aura lieu à l’Espace Chambon. Il commencera à 20 heures et prendra fin vers 22h30. Le verdict sera alors rendu. Louis Pélardeau sera-t-il acquitté? Sera-t-il condamné? Si oui, quelle sera la durée de sa peine? Si vous souhaitez assister à ce procès, l’entrée est gratuite, mais il faut impérativement vous inscrire au préalable auprès du tribunal judiciaire de Cusset en appelant au 04 70 30 98 30.        

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