Perdue depuis le XIXe siècle, la belle histoire d'une archive retrouvée dans l'Allier

C’est une archive exceptionnelle, datant de la Renaissance, qui vient de réapparaître. Disparu depuis le XIXe siècle, un registre de comptes d’Anne de France a refait surface. Cette archive sera l’une des pièces maîtresses de la prochaine exposition du musée Anne de Beaujeu de Moulins, qui démarre en mars.

Le musée Anne de Beaujeu de Moulins prépare au printemps prochain une grande exposition consacrée à « Anne de France, femme de pouvoir, princesse des arts ». Une archive perdue de la princesse née en 1461 et morte en1522, vient de refaire surface. Le document exceptionnel est un registre de comptes. Sur 54 pages, il compile les recettes et les dépenses d’Anne de France.

Une archive perdue

Giulia Longo, conservatrice du patrimoine au musée Anne de Beaujeu de Moulins, raconte comment elle a retrouvé cette archive dont on avait perdu la trace : « Je faisais des recherches pour la préparation de l’exposition Anne de France cet été. Je suis tombée sur la page de la galerie De Proyart qui était en train de vendre ce registre de comptes, à Paris. Je n’étais pas au courant. J’ai contacté la galerie pour en savoir plus puis l’ensemble du comité scientifique pour être bien sûre qu’il s’agissait bien de cette fameuse archive qui avait disparu depuis le XIX e siècle. La galerie m’a expliqué que cette archive n’avait probablement jamais quitté le château d’Avrilly, où elle avait été localisée pour la dernière fois. Le propriétaire du château l’a mise en vente et c’est comme cela qu’elle a refait surface. Le comité scientifique de l’exposition, les archives nationales, les archives départementales de l’Allier ont tout de suite authentifié ce document ».

Le rôle des archives nationales

Elle poursuit : « Cette archive a été acquise par les archives nationales. En 1527, le Bourbonnais revient à la couronne de France. En 1532, les archives du duché de Bourbonnais d’Auvergne sont transférées à Paris, à la chambre des comptes. C’est logique que ce document revienne aux archives nationales. Elles nous prêtent cette œuvre pour l’exposition consacrée à Anne de France à Moulins en 2022 ».

"Cette archive est un témoignage rare"

Ce registre de comptes qui ressurgit revêt une grande importance : « Cette archive est un témoignage rare. Elle avait été transférée à la chambre des comptes de Paris mais elle a brûlé en 1737. On a perdu de façon irrémédiable beaucoup d’informations et beaucoup d’archives. Cette archive est restée car le château d’Avrilly appartenait à Philippe de Moustiers, l’argentier d’Anne de France, son secrétaire. Il s’agit d’une copie d’un compte, réalisé par sécurité ».

"Cela nous fait revivre à la cour de Moulins"

Ce document apporte un témoignage sur l’époque d’Anne de France : « Il raconte la vie quotidienne à la cour, les personnages qui entouraient Anne de France, les dépenses qui étaient liées à Anne de France. Cela montre ses commandes artistiques, ses commandes pour des arts somptuaires. Cela nous renseigne sur la façon dont elle a commandé à des artistes, à des artisans et sur les dépenses qui étaient personnelles. Cela nous fait revivre à la cour de Moulins, à la fin du Moyen-Age, au début de la Renaissance, vers 1500, au moment où on a la réalisation du triptyque de Moulins ».  

Un rôle de mécène

Grâce à cette archive, on découvre la richesse du mécénat d’Anne de France. Giuilia Longo explique : « On voit les artistes qui gravitaient autour d’Anne de France, comme des menuisiers et des sculpteurs italiens. Il y a avait un sculpteur très célèbre, Jean de Chartres, qui était le sculpteur des Bourbons. Grâce à cette archive on sait qu’il a été employé par eux. Il y a aussi la référence à certains enlumineurs, mais on n’a pas compris de qui il s’agit. On peut lire la mention de bijoux, d’objets précieux qui sont commandés. On a également des renseignements sur la construction du château de Moulins et en particulier sur l’aile Renaissance : c’est le premier bâtiment en France à suivre le style de la renaissance italienne ».

Le destin d'Anne de France

Grâce à cette précieuse archive, on en apprend un peu plus sur Anne de France : « Anne de France était fille du roi Louis XI et sœur du roi Charles VIII. Elle a eu une destinée au-delà de ce qu’on pouvait attendre d’elle. Elle a pris le pouvoir à plusieurs reprises après la mort de son père et pendant les expéditions militaires de son frère en Italie. En se mariant avec Pierre de Beaujeu en 1473, elle devient Dame de Beaujeu. Son mari deviendra Pierre de Bourbon à la mort de ses frères aînés. Elle deviendra duchesse de Bourbon dès 1488. C’est à ce moment-là qu’elle a la charge, avec son mari, de l’un des duchés les plus importants en France. Elle devient extrêmement puissante et gouverne la France depuis Moulins d’une main de maître. Elle arrive à installer de nombreux châteaux et s’entoure d’une véritable cour brillante de poètes, musiciens, artistes, sculpteurs, architectes, menuisiers, peintre. Elle a aussi eu un rôle au niveau international : elle a beaucoup échangé avec Laurent de Médicis à Florence. Elle a noué beaucoup de liens avec l’Italie mais aussi avec l’Angleterre car elle a soutenu le parti du roi Tudor Henri VII ».

Un rôle d'éducatrice

La conservatrice du patrimoine ajoute : « Anne de France a eu un rôle en tant que gouvernante et éducatrice de beaucoup de demoiselles européennes et de femmes de pouvoir qui deviendront par la suite très importantes. Elle a par exemple éduqué Marguerite d’Autriche, duchesse de Bourgogne, Marie Tudor, sœur d'Henri VIII. Elle a éduqué des princesses françaises comme Anne de Bretagne, Louise de Savoie. Anne de France a écrit un manuel d’éducation féminine qui s’appelle « Les Enseignements » dont on montrera la plus ancienne copie lors de l’exposition. C’est quelqu’un qui a eu une vraie influence sur la façon de gouverner, de tenir une cour quand on est une femme. Cette mécène était une femme de pouvoir ».

Un parcours parfois oublié

Grâce à cette exposition qui se tiendra à partir du 18 mars et pour 6 mois au musée Anne de Beaujeu de Moulins, le public pourra découvrir le rôle historique joué par Anne de France : « Anne de France n’a jamais été oubliée au cours de l’histoire. Dès sa mort, on a beaucoup parlé d’elle mais elle a été un peu victime de préjugés selon les époques. Elle n’a jamais été définitivement oubliée, en particulier au XIXe siècle, quand on se rend compte de la beauté du triptyque de Moulins. Elle était beaucoup plus célèbre au XIXe siècle qu’elle ne l’était aujourd’hui. Anne de France était dans Notre Dame de Paris, c’était un personnage dans le théâtre de Gérard de Nerval, dans les Contes drolatiques de Balzac et dans l’œuvre de Walter Scott. Elle était aussi présente dans la peinture. Aujourd’hui elle est un peu moins connue du grand public ». Le registre de comptes sera l’une des pièces maîtresses de l’exposition, placé dans une pièce dédiée aux châteaux et aux demeures d’Anne de France.

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