Positive à la bactérie responsable de la maladie de Lyme, Murielle*, une habitante de l’Allier, s’est réveillée un matin d’août 2015 avec une paralysie faciale. Neuf ans après, elle vit encore avec des séquelles de cette période. Quelle réalité derrière cette maladie et comment la prévenir ? Voici ce que vous devez savoir.
À la fin du mois de juillet 2015, Murielle*, habitante de la vallée de la Besbre, dans l’Allier, voit apparaître une tache violacée à l’arrière de sa cuisse gauche, près du genou. Pas de quoi l’inquiéter. Pourtant, quelques jours plus tard, son état de santé se dégrade et la douleur s’intensifie : « Je ne pouvais pas dormir », se souvient la Bourbonnaise de 67 ans. Son pharmacien lui conseille donc de consulter un médecin. Mais l’antalgique prescrit ne permet pas d’amélioration. « Ma fille me lavait et m’habillait. Elle me mettait un corset parce que je ne tenais pas en l’air. Avec le tramadol, j’avais des difficultés de transit intestinal très importantes », égraine Murielle.
Un mois après, un nouveau symptôme apparaît : « Un matin, je me suis levée avec une paralysie faciale », s’étrangle-t-elle. La sexagénaire décide donc de consulter un ostéopathe, qui lui diagnostique la maladie de Lyme, transmise par l’espèce de tiques ixodes ricinus. La prise de sang confirme sa contamination à la borrelia de Lyme, responsable de la maladie éponyme. Pour Murielle, c’est le soulagement : « Le fait que je sache ce que j’avais, pour moi, c’était déjà une libération », s’exclame-t-elle. Selon cette habitante de l’Allier, pas de doute : elle s’est fait piquer dans son jardin, comme 16 % des habitants de la région Auvergne-Rhône-Alpes piqués par des tiques, en s’occupant d’un de ses parterres de fleurs.
Un diagnostic délicat
Mais pour le docteur Clément Théïs, médecin au service des maladies infectieuses et tropicales du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand et membre du Centre de Référence des Maladies Vectorielles liées aux Tiques (CRMVT), être positif à la borrelia de Lyme ne constitue pas une preuve suffisante du développement de la maladie. « Quelque 95 % des gens piqués par une tique infestée par cette bactérie ne développent pas la maladie de Lyme. Par contre, ils vont développer des anticorps et la sérologie sera donc positive », explique-t-il. Le signe qui ne trompe pas, c’est l’érythème migrant autour du point de piqûre. Seule la borrelia de Lyme en est à l’origine.
Pourtant, dans « 20 à 30 % des cas, l’érythème peut manquer », souligne le docteur Théïs. Soit absent, comme pour Murielle, soit non remarqué par la personne piquée, car présent sur une partie du corps difficilement observable. Sans cet érythème, le diagnostic de cette maladie se complique, puisque les autres symptômes, tels que la fatigue chronique, peuvent être occasionnés par de nombreuses autres maladies.
Un diagnostic difficile qui conduit Murielle à l’hospitalisation, le 1er octobre 2015 au CHU de Clermont-Ferrand, faute d’amélioration de son état de santé. « Très bien soignée », selon ses propres mots, la séxagenaire en sort au bout de 5 à 6 jours, puis suit des séances de rééducation faciale, pour pallier sa paralysie. Si elle ne se dit pas marquée par cet épisode, 9 ans après, Murielle souffre toujours de quelques séquelles. Des douleurs récurrentes dans les tibias quand elle reste trop longtemps debout, un œil gauche - le côté de la paralysie - qui se ferme plus que le droit lorsqu’elle est un peu fatiguée, et « la bouche en carton » toujours à gauche, quand la fatigue est plus présente.
« L’endroit maudit »
Mais le plus prégnant reste l’aspect psychologique : « Le dernier barrage, c’est que j’ai beaucoup de mal, d’ailleurs je ne le fais quasiment jamais, à nettoyer ce parterre. Comme si pour moi, c’était devenu l’endroit maudit », avoue-t-elle. Alors maintenant, Murielle reprend les habitudes qu’elle appliquait avec ses enfants et avait perdues depuis : porter des vêtements longs lors de ses balades en forêt et se faire épouiller en rentrant. « On n’a pas conscience que c’est tout au long de la vie qu’on peut être piqué », regrette la Bourbonnaise.
Face aux tiques, porter des vêtements couvrants est utile mais pas totalement efficace, assure néanmoins le docteur Clément Théïs. De même, si les répulsifs « fonctionnent bien », l’infectiologue recommande d’en éviter les usages répétés, à cause de sa toxicité. Enfin, les huiles essentielles ne démontrent pas de réelle efficacité pour éloigner les tiques et leur usage régulier est « tout sauf anodin », alerte le médecin du CHU de Clermont-Ferrand. Le plus important est donc de bien s’inspecter après une activité à risque, insiste-t-il : « Les tiques ne tombent pas des arbres, elles viennent des broussailles et des hautes herbes ».
Près de 2 000 cas en Auvergne en 2022
Si, lors de cette inspection, une tique apparaît, « la première chose à faire, c’est de l’enlever », poursuit Clément Théïs, avec un tire-tique ou, à défaut, une pince à épiler. En effet, alors qu’en Auvergne, entre 5 et 20 % des tiques sont infestées par la bactérie de Lyme, la rapidité d’extraction influe sur la probabilité de développer la maladie associée. « Il y a moins de 5 % de chance de la développer si la tique est enlevée en moins de 24 heures, mais plus de 30 % si elle est retirée plus de 72 heures après le début de la piqûre », détaille Clément Théïs. « Et après la piqûre, si un érythème migrant se développe, on prend des antibiotiques pendant 14 jours. Sinon, on surveille la zone piquée pendant un mois, délai d’apparition de l’érythème. Et enfin, si d’autres symptômes apparaissent, on consulte », conclut-il.
Alors que l’espèce de tique ixodes ricinus est le seul vecteur connu de la borréliose de Lyme, l’Auvergne en est une région endémique. Pour cause, sa géographie : des zones montagneuses, boisées et forestières qui sont les principaux lieux de vie de la tique. 2 000 cas ont été recensés en 2022 en Auvergne, pour 47 000 en France, soit un taux d’incidence légèrement supérieur à la moyenne nationale Des résultats à relativiser selon docteur Clément Théïs : « Ce ne sont que des estimations, car il n’y a pas de déclaration obligatoire des cas de maladie de Lyme ».
Selon ce dernier, il ne faut pas non plus développer une psychose face aux tiques. « Seulement 5 % des personnes infestées par la bactérie développent par la suite la maladie », rassure-t-il, « et si c’est bien une borrélia de Lyme, on peut en guérir et il n’y a pas de séquelle après normalement ».
Seule ombre au tableau, la maladie n’est pas immunisante. On peut donc la contracter à nouveau. Pour pallier cela, un vaccin est en cours de développement à partir de la technologie de l’ARN messager, comme celui du Covid-19, dévoile Clément Théïs. Il sera d’abord testé aux États-Unis et ne devrait pas être commercialisé « avant plusieurs années », nuance-t-il.
Une semaine de sensibilisation dans le Puy-de-Dôme
Alors, en attendant, la recherche se poursuit. Via son application «Signalement TIQUE», le programme Citique permet aux personnes victimes de piqûres de se déclarer et d’envoyer l’échantillon de la tique afin de l’analyser et de mieux comprendre la bactérie de Lyme. À Clermont-Ferrand, le Centre de Référence des Maladies Vectorielles liées aux Tiques (CRMVT) poursuit la prise en charge de patients atteints des cas les plus sévères de maladie de Lyme, ainsi que la recherche et la sensibilisation sur le sujet. Une application de détection des érythèmes migrants (DAPPEM) est d’ailleurs en train d’être développée pour permettre de traiter plus rapidement les personnes touchées.
Du lundi 27 mai au 2 juin 2024, le CRMVT organise une semaine de sensibilisation aux maladies vectorielles liées aux tiques. Plusieurs activités sont prévues à cet effet dans le Puy-de-Dôme. Un événement d’utilité publique, alors que 40% des personnes interrogées en Auvergne déclarent avoir été piquées par une tique au cours de leur vie et que 35 % d’entre elles les retirent avec des méthodes non recommandées, augmentant la probabilité de développer la maladie.
*le prénom a été changé
Article écrit par Quentin Dehay / France 3 Auvergne