Mercredi 8 décembre, le président de la République, Emmanuel Macron, est attendu à Vichy. Cette visite revêt d’importants enjeux mémoriels selon le maire de la commune, Frédéric Aguilera.
C’est une visite qui est attendue par de nombreux habitants de Vichy, mais pas seulement, car elle est lourde de sens. Le président de la République, Emmanuel Macron, sera en déplacement dans la cité thermale bourbonnaise ce mercredi 8 décembre. Il s’agit là de la première visite mémorielle d’un président depuis plus de 60 ans. Frédéric Aguilera, maire (LR) de Vichy, raconte : « Il y a eu une visite du président De Gaulle en 1959, où il a fait une escale de deux heures à Vichy. Il a conclu son discours en disant « Vive Vichy » pour montrer qu’il n’y a plus aucun ostracisme vis-à-vis de la ville. Il y a eu une autre visite en 1979 du président Valéry Giscard d’Estaing. Ce n’était pas une visite mémorielle mais dans le cadre d’un congrès de la DATAR ».
"Un pas en avant non négligeable"
Pour le maire de la commune, la visite d’Emmanuel Macron répond à un enjeu mémoriel fort : « Quand un président de la République vient à Vichy, il y a aussi un volet historique et il ne faudra pas l’éluder. Je suis extrêmement vigilant à la manière dont l’image de Vichy est associée, entre autres, aux sujets de la Seconde guerre mondiale. On a trop souvent tendance à nous enfermer sur ces 4 ans d’histoire alors que nous avons 2 000 ans d’histoire. La parole présidentielle est forte de symbole car il n’y a pas eu de visite mémorielle d’un président depuis 1959 avec le général De Gaulle. Cette présence sera forte, au cœur de la ville, avec un parcours qui empruntera certains lieux symboliques. On attend un accompagnement pour réhabiliter le nom du Vichy ou au moins ne plus stigmatiser la ville. Le fait que le président soit présent est un pas en avant non négligeable ».
"Le régime de Vichy c’était avant tout l’Etat français"
Frédéric Aguilera supporte mal que sa ville soit trop souvent associée aux heures sombres de l’histoire de France. Il explique : « Il suffit d’ouvrir le journal Le Monde de la semaine dernière et lire qu’il titre « Vichy et les juifs ». Croyez-vous que c’est porteur d’avenir ? Le nom de la ville est trop souvent associé à cette période. Le problème de fond n’est pas là. Il est que la France a encore globalement un problème avec cette période-là. Il suffit de regarder les débats de la présidentielle pour se rendre compte que la France a encore du mal, et pour reprendre le titre d’un livre célèbre, c’est un passé qui ne passe pas. Le régime de Vichy c’était avant tout l’Etat français. Quand on parle de régime de Vichy, on a le sentiment que c’était Vichy et que ce n’était donc pas la France. Tant que la France n’assumera pas sa responsabilité et ne posera pas les bons mots, elle aura du mal à avancer sur cette période-là. Mon souhait est que les plus hautes autorités de l’Etat, donc le président de la République, n’utilisent plus cette expression ».
En finir avec cette expression
Pour le maire, il est temps d’en finir avec cette expression stigmatisante : « Je ne veux plus qu’on utilise l’expression « régime de Vichy ». Sur le plan local c’est extrêmement stigmatisant et insultant. Les Vichyssois n’y sont pour rien et n’ont pas choisi l’implantation du gouvernement. Cette expression est souvent associée aux pires crimes et à la pire honte française donc ce n’est absolument pas agréable pour notre ville. De plus, il y a eu tout un processus de reconnaissance qui a été lancé dans les années 1980 pour pousser l’Etat à reconnaître que c’est bien lui qui a collaboré avec l’occupant, et notamment sur la déportation des juifs. Cela a été tout le combat des époux Klarsfeld, le combat de Simone Veil. Il a été reconnu par Jacques Chirac dans son discours du Vel’ d’Hiv en 1995, et il a clairement énoncé que c’était bien l’Etat français qui avait collaboré. Quand on utilise cette expression « régime de Vichy », ça donne l’impression que ce n’était pas la France. Ca me pose un problème. C’est pour moi l’une des raisons pour lesquelles on a du mal on a du mal à avancer sur cette partie de notre passé. Vichy ne doit pas l’assumer seule, mais la France doit l’assumer ». Frédéric Aguilera propose d’avoir recours à une autre expression : « Les plus puristes diront qu’à partir du moment où le président de la République Jacques Chirac a reconnu que c’était la faute de l’Etat français, on pourrait dire à la place « l’Etat français » ou « l’Etat français à Vichy ». On peut dire « régime de Pétain », ce que j’utilise très souvent ».
Un tweet qui ne passe pas
Le 15 août 2019, le président Emmanuel Macron avait publié un tweet pour la commémoration du débarquement de Provence. Il y évoquait notamment " les heures sombres de Vichy", ce qui n'avait pas manqué de faire réagir le maire Frédéric Aguilera. Le 17 août, sur Twitter, le maire de la commune écrivait : "M. Emmanuel Macron, une fois de plus vous alimentez un amalgame qui salit l'image de la ville de Vichy. Les Vichyssois n'en peuvent plus ! Je vous invite à venir découvrir notre ville et comprendre les conséquences de ce raccourci".
Ce dernier rappelle : « Il y a des réactions extrêmement vives à chaque fois qu’on utilise cette expression-là. Le président Macron a parlé des « heures sombres de Vichy » et dans un autre discours a associé Vichy et les nazis. Toutes ces expressions sont évidemment difficiles à porter. C’est pourquoi nous avions lancé une invitation pour les Vichyssois à envoyer une carte postale au président Macron. Ils avaient été plusieurs milliers à récupérer cette carte postale et à lui adresser, en lui disant de venir à Vichy, que c’était une ville de 2 000 ans d’histoire ».
D'autres enjeux
Mais la visite n’aura pas seulement une dimension mémorielle. Frédéric Aguilera nourrit d’autres attentes : « Les attentes sont nombreuses et elles sont là pour préparer l’avenir de la ville. Vichy est dans un vaste programme de travaux, visant à la faire redevenir la reine des villes d’eau, c’est-à-dire une station thermale de référence. Ces travaux tournent autour du sport, du thermalisme, du patrimoine. D’autre part, nous sommes inscrits sur la thématique du patrimoine depuis juillet sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Tout cela fait que nous avons aujourd’hui un programme d’environ 200 millions d’euros de travaux qui est lancé pour dynamiser notre ville. L’une des attentes fortes est que l’Etat nous accompagne encore plus sur ce programme d’avenir. On veut notamment rénover le parc des sources. Je tiens à ce que cette visite soit aussi tournée vers l’avenir ». Avant de venir à Vichy, Emmanuel Macron tiendra un conseil des ministres en visio-conférence depuis la préfecture de Moulins.