Les orages de grêle qui ont ravagé une partie de la région Auvergne-Rhône-Alpes et notamment l’Allier sont-ils l’un des symptômes du dérèglement climatique ? Sans nul doute, selon un expert en gestion des risques climatiques. Et ces phénomènes violents devraient même empirer.
Depuis le début du mois de juin, de violents orages balayent la région Auvergne-Rhône-Alpes. Particulièrement sinistré, l’Allier a connu des épisodes de grêle d’une rare intensité, détruisant toits, voitures, inondant les maisons... les dégâts se chiffrent à plusieurs dizaines de millions d’euros. Des grêlons de la taille d’une boule de pétanque sont tombés sur la région de Vichy. L'Isère n’a pas été épargnée par ces orages. Jeudi 23 juin, les pompiers ne savaient plus où donner de la tête pour secourir tous les sinistrés. Ces orages pourraient bien monter en puissance selon Alix Roumagnac, président de Predict Services, société experte en gestion des risques climatiques.
Les évènements climatiques de l’année 2022 sont-ils le fruit du dérèglement climatique ?
Alix Roumagnac : “Nous avons eu un printemps aux températures très élevées, avec un mois de mai qui a été, sur l'ensemble du territoire national, très chaud. On a eu une période de canicule avant le 14 juin, donc très précoce. On a dépassé de nombreux records. Sur le plan pratique, cette période de chaleur a été provoquée par de l'air chaud provenant d'Afrique du Nord et d'Espagne. Il est arrivé sur le territoire français et particulièrement la région Auvergne, à cause d'une dépression sur l'Atlantique qui faisait monter cet air chaud. Cette dépression s'est approchée du territoire français en amenant beaucoup d'air froid en altitude. Cela a provoqué ces orages très violents avec des conséquences en termes de vent et surtout de grêle très importantes. Ces évènements donnent un caractère très exceptionnel à ce mois de juin.”
Est-ce-que cela signifie que ces phénomènes sont amenés à s’amplifier ?
Alix Roumagnac : “Que ce soit en termes de canicule précoce ou d’orage extrême, ce sont des choses qui sont décrites dans tous les rapports des scientifiques depuis des années et qui indiquent bien que le dérèglement climatique va générer des choses qui peuvent sembler paradoxales, à la fois des canicules et des sécheresses très importantes et puis des événements extrêmes de dépression. C'est donc ce que l'on vit aujourd'hui. Il ne faut pas parler du dérèglement climatique au futur. Effectivement, ce sont des signaux du dérèglement climatique et tous les rapports indiquent que ce type d'événement est appelé à se reproduire plus fréquemment avec des intensités plus importantes et potentiellement des périodes plus précoces. Malheureusement, il faut s'attendre à ce que ce type d'événement se reproduise et donc il est urgent de s'adapter.”
A quels phénomènes climatiques peut-on s'attendre en Auvergne-Rhône-Alpes ?
Alix Roumagnac : “Sur l'Auvergne-Rhône-Alpes, ces conséquences du dérèglement vont avoir plusieurs aspects, c'est pour ça qu'on parle plutôt de dérèglement climatique que de réchauffement climatique. On a effectivement une augmentation globale de température au niveau de la planète, mais cette augmentation va se mettre en œuvre région par région, avec des effets différents sur la région Rhône-Alpes-Auvergne. On avoir à subir des vagues de chaleur plus fréquentes, plus importantes, plus précoces, avec ce qu'on appelle les nuits tropicales à plus de 20°C. Dans la région, il y a des massifs avec de la neige donc la fonte des glaciers va s'accélérer. En parallèle de ces phénomènes de coup de chaleur, on va voir des phénomènes extrêmes qui ont déjà débuté : des orages intenses, notamment avec de la grêle. Plusieurs études scientifiques tendent à démontrer qu'effectivement, les phénomènes de grosse grêle sont appelés à augmenter avec le dérèglement climatique. La grêle est expliquée par une forte différence de température entre la température au sol et la température de l'eau des nuages. Avec des périodes de canicule, ces phénomènes sont appelés à se multiplier comme on a pu malheureusement le voir ces derniers jours. Lorsqu'on a des événements orageux intense, localement, on va avoir des coups de vent qui sont très important, on l'a vu ces derniers jours un peu partout en France. Lorsqu'on atteint un niveau d’extrémités dans les événements, après les coups de chaleur, après les gros orages, on a des coups de vent locaux très importants associés.”
Comment se protéger de ces phénomènes ?
Alix Roumagnac : “L’idée est d'arriver à changer nos habitudes, nos attitudes, nos modes de vie pour, en premier lieu, diminuer les conséquences de ces événements. Pour protéger la santé des citoyens, il faut que les gens sachent quoi faire. Quand un orage violent arrive, il ne faut pas se mettre dans la rue, essayer de circuler, essayer de marcher. Les orages sont violents mais très courts, donc il faut se mettre en sécurité lorsqu'ils arrivent : à l'intérieur, en hauteur, garer son véhicule pour attendre que ça se passe. Il faut consulter Météo France bien sûr. On travaille avec beaucoup de partenaires, avec les communes dont les maires informent leurs citoyens, on travaille avec beaucoup d'assureurs qui envoient des SMS avec des recommandations d'attitude, qui invitent à être prudents et disent où se mettre en sécurité. Le soir, quand on nous annonce un orage pour la nuit, on gare son véhicule à l’abri, on range le mobilier de jardin, on ferme les volets, les vitres... Il faut prendre toutes les mesures qui ne vont pas empêcher l'événement mais qui peuvent en diminuer les conséquences.”
Comment inverser la tendance ?
Alix Roumagnac : “Il faut s'adapter immédiatement. Quoi que l'on fasse, ces phénomènes vont être là, mais pour que cela ne s'aggrave pas, avec la rapidité avec laquelle on a cette évolution assez inquiétante, je crois qu'il est maintenant urgent de s'adapter. Chacun à son niveau, tous ensemble, chacun à son rythme, nous devons essayer de modifier notre mode de vie pour moins produire ces fameux gaz à effet de serre et inverser la courbe d'augmentation de ces gaz, de manière à laisser à nos enfants, nos petits-enfants, une planète qui soit vivable et inverser la tendance. Je crois qu’il faut peut-être changer de discours. Peut-être qu’on met trop de messages culpabilisants. Je crois qu'il faut trouver des messages de de motivation et d'enthousiasme. C'est là un fabuleux challenge qu'on doit relever. Même si ce n'est pas politiquement correct, je suis prêt à dire aux gens qui font un premier petit pas que c'est bien, qu'il faut continuer, plutôt que de leur dire que ce n'est jamais assez.”
Pensez-vous qu’il va également falloir adapter les modes de construction ?
Alix Roumagnac : “C'est un autre volet effectivement de l'adaptation et l'atténuation. Météo France a sorti de nombreuses études sur le sujet. Un gros centre de recherche de l'État travaille sur de l'adaptation dans les constructions. On voit aujourd'hui beaucoup de reportages sur des gens qui fabriquent des tuiles plus épaisses, qui sont capables de résister à la grêle, des gens qui fabriquent des volets en bois qui, eux aussi, vont davantage résister aux événements extrêmes. Il y a aussi, dans les modes de construction, des choix de matériaux qui eux, sont favorables à l'atténuation. La construction est un gros émetteur de de gaz à effet de serre. Selon le matériau que l'on va choisir, on émet plus ou moins de de pollution carbonée. Là aussi, il y a une nécessité d'accélérer la mise en opérationnalité de tout un tas de projets pour que les modes de construction contribuent moins à l'émission de gaz à effet de serre.”
Depuis le milieu du XXe siècle, on observe des évolutions de la fréquence et de l’intensité des événements extrêmes, selon les constats de Météo France.