Comment sauver l'apprentissage pour des milliers de jeunes alors que le chômage s'envole ? Une réunion doit se tenir ce jeudi 4 juin à l'Elysée. Formateurs comme artisans espèrent des mesures probantes pour soutenir la filière.
"Aujourd'hui, tout est au point mort, la crise n'est pas derrière nous loin de là." William Wazner dirige le centre de formation André Fargier de Lanas en Ardèche. Il est inquiet sur l'avenir de ses 300 jeunes et du centre de formation qu'il dirige depuis plus de 20 ans.
Il attend beaucoup des annonces du Président de la République et de la ministre du Travail dont dépendent les apprentis, alors qu'une réunion entre partenaires sociaux doit se tient ce jeudi 4 juin à l'Elysée.
Pour nous, à la rentrée, il y a deux hypothèses. Soit les employeurs vont prendre des apprentis tous azimuts parce qu'ils restent une masse salariale à bas coût, et ça peut faire l'objet d'une embauche. Soit, on est aux antipodes, et les employeurs ne sont pas du tout tournés vers la formation car ils sont dans la précarité.
Autant dire que la visibilité des CFA est quasi nulle. Parmi les jeunes du centre de formation de Lanas, certains sont en hôtellerie et restauration, secteurs qui ont souffert du confinement. "Il y a vraiment des mesures à prendre pour ne pas briser la dynamique de formation. Par exemple, le MEDEF proposait de porter de 6200 à 10 000 euros la prime pour l'embauche d'un apprenti, ça c'est significatif quand même, cela veut dire qu'il ne coûterait rien à l'entreprise."
Moins de débouchés, moins de candidats
L'apprentissage en France concerne 500 000 jeunes. Depuis le mois de mars, les situations sont très variables selon les secteurs. Au CFA ardéchois, "les apprentis bouchers ont travaillé comme des fous, tandis que ceux de l'hôtellerie sont dans le flou."
Pour les diplômés, il faut espérer qu'ils se fassent une place sur un marché de l'emploi tendu, mais pour les apprentis en cours de formation ou les futurs apprentis, la situation est difficile, en espérant qu'il n'y ait pas trop de casse : " Par rapport à l'année dernière, nous avons moitié moins de candidats pour la rentrée prochaine." D'un point de vue Auvergne Rhône Alpes, c'est 17% en moins d'entreprises candidates, et 11% de jeunes.
En effet pour s'inscrire en CFA, un élève est obligé de trouver un employeur "maître d'apprentissage ", autrement dit pas de contrat, pas de formation, et ils sont nombreux à chercher.
C'est stressant". Antoine Bouix est un jeune Ardéchois de 15 ans, "j'ai fait un dossier de pré-inscription dans un CFA de l'Isère pour être tailleur de pierre. J'ai envoyé 30 dossiers de contrats d'apprentissage. Les employeurs me refusent car ils ne connaissent pas leurs futurs chantiers. Aujourd'hui, j'ai deux réponses en attente donc je suis quand même rassuré.
Les artisans pas prêts à embaucher
Patrick Liebus est couvreur-zingueur dans l'Ain et président national de la Capeb, la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment. En Rhône-Alpes, 9563 apprentis ont été formés dans le bâtiment travaux publics en 2018-2019, "l'apprentissage c'est notre ADN, c'est une chance pour nous de pouvoir transmettre notre savoir et on va se battre pour conserver cette voie royale !"
Cet artisan a formé 9 apprentis, "aujourd'hui notre peur est de faire un contrat d'embauche et de lui annoncer qu'on le met au chômage car on ne peut pas pérenniser son contrat. Ce n'est pas envisageable." Si aujourd'hui, les chantiers ont redémarré, la visibilité n'est là encore pas évidente "On travaille sur des carnets de commandes prévues avant le confinement mais on n'a pas plus de 60 jours de chantiers."
Le président de la Capeb attend donc avec impatience l'application des annonces gouvernementales, "il faut d'une part des aides exceptionnelles pour couvrir le coût d'un apprenti dans les entreprises, et d'autres part permettre aux jeunes de rentrer en apprentissage sans maître pour laisser le temps aux employeurs d'avoir des commandes et les finances pour embaucher."