Les opposants au projet de l'église de Saint-Pierre-de-Colombier, en Ardèche, demandaient la suspension du chantier, le temps que soit conduite une expertise environnementale. Plus de 50 élus les ont soutenus. La congrégation FMND, à l'origine du projet, vient d'accepter de suspendre les travaux.
Enfin! "On attendait cela depuis des mois", confie Sylvain Herenguel, du collectif des Ami(es) de la Bourges. Les travaux de la monumentale église de Saint-Pierre-de-Colombier, en Ardèche, sont suspendus jusqu'au 1er octobre. "C'est une petite victoire pour nous, la reconnaissance de tout ce qu'on dénonce depuis le début : les irrégularités dans le dossier, les menaces sur l'environnement et surtout sur les espèces protégées".
"Une première victoire"
Le collectif les Ami(es) de la Bourges se bat en effet contre le projet de la congrégation, "la Famille Missionnaire de Notre-Dame" (FMND) depuis des mois. Celui de la construction, en plein cœur du Parc National des Monts d'Ardèche, d'un édifice religieux pouvant accueillir 3500 fidèles. Et avec lui, de logements, d'un parking et d'une passerelle sur la rivière La Bourges. "Un projet démesuré et néfaste pour l'environnement" selon ses opposants.
Lettres ouvertes, manifestations et même des clips sur les réseaux sociaux. Les militants ont tous essayé. Mais depuis ce week-end, celui du 12 juin, leur combat a pris une nouvelle ampleur. Pour les soutenir, de jeunes militants environnementalistes ont installé une ZAD sur le chantier de l'église. Occupation, évacuation, médiatisation. Le trio gagnant. Ca grâce à cette nouvelle exposition, les opposants ont pu à la fois rencontrer la préfète de l'Ardèche, mobiliser de nombreux élus et faire connaître leure revendications au grand public
De plus en plus de soutiens
Et si dans un premier temps, la préfecture a demandé à ce qu'une expertise environnementale soit conduite, elle refusait de suspendre les travaux pendant sa réalisation. Jeudi soir, revirement de situation. "Dans un souci d’apaisement et de reprise du dialogue, la congrégation accepte de suspendre provisoirement tous les travaux jusqu’au 1er octobre 2020 et souhaite reprendre un dialogue serein avec le PNR afin d’assurer une protection optimale de l’environnement", explique-t-elle dans un communiqué.
Qu'est-ce qui a bien pu faire changer d'avis la congrégation catholique et la préfecture ? Serait-ce le soutien de la cinquantaine d'élus, obtenus par les militants ? En deux jours, ils ont envoyé des dizaines et des dizaines de lettres, de mails, de sms pour rallier les autorités locales. "Chacun de nos militants a pris son bâton de pèlerin et est parti frapper à la porte de sa mairie", raconte Sylvain Herenguel. "Nous remercions les jeunes de la ZAD de nous avoir apporté cette visibilité, mais nous regrettons tout de même d'avoir eu à en arriver là pour être entendus...", nuance le militant.
Michèle Rivasi, Jean Charles Kohlhaas, Corine Morel-Darlieux, Laurent Ughetto, entre autres, tous ces élus européens, régionaux, départementaux ont répondu à l'appel du collectif. Autre nom reconnu que les militants affichent comme un trophée : celui de Corinne Lepage, la célèbre avocate spécialisée dans les dossiers environnementaux. Pascal Terrasse, conseiller départemental, reconnaît en effet qu'il était "urgent d'interrompre ces travaux afin de mener une étude". "Le problème, c'e n'est pas ce qu'on bâtit, il ne s'agit pas de stigmatiser une religion. Le problème, c'est que l'on va bétonner dans un espace naturel protégé. La réalisation au même endroit d'une usine, d'un HLM ou autre aurait été refusée. Là, on est dans du bétonnage des années 60, on ne peut plus faire ça aujourd'hui", estime l'élu.
Une étude à prendre avec des pincettes
Le Parc Naturel Régional des Monts d'Ardèche se félicite également de la suspension du chantier. Le projet se situe sur son périmètre. Le 25 mai, ses agents ont conduit une journée d'observation des espèces patrimoniales de Saint-Pierre-de-Colombier et alerté les services de l'Etat : huit espèces protégées sont présentes dans le secteur. "Nous avons toujours été pour qu'une vraie étude d'impact soit menée, afin que des mesures compensatoires soient envisagées s'il y en avait besoin", explique Lorraine Chenot, la présidente du Parc. "Mais nous nous sommes faits complètement court-circuiter dans cette histoire, nous avons été informé du projet seulement après que le permis de construire ne soit validé et surtout après le délai de recours, nous n'avons jamais été consultés".
Si la conduite de cette étude environnementale est donc plutôt saluée par les opposants au projet, ils émettent toutefois de nombreuses réserves sur l'impartialité d'une telle étude. "Il ne faut pas qu'elle soit biaisée", prévient Sylvain Herenguel. "Nous restons prudents car le terrain sur lequel l'enquête va être conduite a déjà été ravagé par les travaux. Une vraie étude d'impact se fait avant que les bulldozer ne rasent tout". Le collectif demande donc à ce que l'enquête sur le terrain intègre toutes les données bibliographiques connues pour le secteur concerné.
"Une vraie étude d'impact se déroule sur quatre saisons, là on ne va la conduire que sur un été", ajoute Lorraine Chenot, du parc régional, qui a été associé à la procédure d'expertise. "Cela nous permettra quand même de faire l'état des lieux des enjeux pour la biodiversité, mais il va falloir faire vite", ajoute-t-elle.
"Le combat ne fait que commencer"
Forts de cette première victoire, les militants n'ont donc pas l'intention de baisser la garde. "Le combat ne fait que commencer. Car ce que nous voulons, à la fin, c'est l'arrêt total de ce projet et la remise en état du milieu", assure Sylvain Herenguel.
La préfecture de l'Ardèche affirme de son côté rester à la disposition de toutes les parties pour "qu'une solution acceptable par tous soit trouvée", et qu'un "dialogue constructif se poursuive", mais elle prévient aussi qu'elle "ne saurait tolérer aucune occupation illégale sur ces terrains".