Une bande de copains, tous retraités, qui travaillent comme saisonniers dans un domaine viticole ardéchois. Une aubaine pour la vigneronne. En Ardèche, les candidats se font rares dans tous les métiers de l'agriculture, mais les anciens sont motivés.
Si on avait dit un jour, qu'à la retraite, il serait saisonnier, Jacky n’y aurait sans doute pas cru.
Mais cet ancien gendarme se dit heureux. Il préfère travailler la vigne plutôt que de rester au bord d’une piscine. Une question de point de vue ou de génération, peut-être.
Des seniors heureux, ponctuels et efficaces
"On en profite. On est surtout une bande de copains. C'est l'ambiance qui fait qu'on est ici" explique Jacky sans arrêter de travailler pour autant. Sur cette exploitation viticole de Saint-Peray, en Ardèche, quasiment tous les saisonniers sont retraités. L’occasion, pour, eux aussi, de compléter leur retraite. "Je consacre cet argent aux vacances" nous confie l'un d'entre eux. Son voisin valide. Ce travail leur permet d'augmenter le budget voyage et petits plaisirs.
Attacher la vigne, enlever les branches en trop... des tâches pas toujours faciles avec la chaleur.
Mais la motivation est là. "On est assez costauds" rétorque Dominique, un habitué, en gonflant le torse.
Joëlle Cornut-Chauvinc, viticultrice, responsable du vignoble, est soulagée de pouvoir compter sur eux. Son carnet d'adresses se complète chaque année avec de nouveaux retraités souhaitant arrondir leur fin de mois. Le bouche-à-oreille est son principal recruteur, mais elle a des fidèles. Joëlle apprécie leur ponctualité, leur autonomie et leur bonne humeur. "Ils vont un peu moins vite que des personnes de 40 ans, mais ils sont assidus et le travail est très bien fait" précise cette cheffe d'entreprise.
"Je suis très heureuse d'avoir ce personnel. Sur 22 hectares de vigne, il faut pouvoir assurer le travail" avant d'ajouter "J'aimerais pouvoir embaucher des plus jeunes ou des gens qui pointent à Pôle emploi, mais je vous avoue sincèrement que nous sommes en difficulté. Notre métier n'est pas forcément attractif". Elle appelle de ses vœux une communication de la part des politiques.
Une pénurie de main-d’œuvre formée
En effet, en viticulture et arboriculture, les candidatures se font rares. Et les jeunes sont aux abonnés absents, constate Benoît Nodin, producteur d’abricots et cerises et Secrétaire général FDSEA Ardèche. "Il y a quelques années, j'avais 60 candidats par an et j'en embauchais vingt. Aujourd'hui, j'embauche toujours 20, mais j'ai du mal à les trouver" déplore-t-il. Il a son explication. "Je pense qu'il y a un problème générationnel. Là où avant nos jeunes avaient besoin de travailler pour se payer la mobylette et le permis, aujourd'hui avec le smartphone, ils ont l'impression d'avoir touché le bout du monde. Ce n'est plus le même état d'esprit". Ce manque d'effectif l'a contraint à demander plus de travail à ses employés et à mettre certains travaux de côté dans ses vignes voisines pendant les périodes de cueillette des fruits.
En Ardèche, les effectifs que l'on qualifie de "main-d’œuvre familiale" ont baissé de moitié depuis 2010. Le nombre d'exploitations diminue également. L'Ardèche comptait 4 713 exploitations en 2010, et seulement 3 748 aujourd'hui. Elles ont tendance à se regrouper. "Si on veut des exploitations qui tiennent la route avec des compétences, il va falloir trouver du personnel formé". Un problème endémique avec la disparation des cursus de formation en arboriculture qui est devenue une option au sein de la formation horticulture.
Face à ce constat, Benoît envisage lui aussi de faire appel aux seniors.
En Ardèche, on estime que la moitié des exploitants agricoles a du mal à recruter des saisonniers.