C'est un fossile extraordinaire : dans une crotte, 35 000 ans d'histoire protégés par les parois profondes de la Grotte Chauvet. Une louve, d'une lignée aujourd'hui disparue, a fréquentée la fameuse cavité ardéchoise. Son génome a été entièrement reconstitué grâce à ses excréments.
Le mystère des origines ne se perce qu'à de très très rares occasions dans l'histoire. En voici une: après 10 ans de travail, l'équipe de recherche de la grotte Chauvet en Ardèche publie un article dans la revue spécialisée Ecology et Evolution. On y découvre pour la première fois, une espèce de loup vieille de 35 000 ans qui a arpenté la grotte jusque dans ses parties profondes.
Une louve, "dont on a retrouvé de l'ADN magnifiquement bien conservé" explique Jean Marc Elalouf.
Le trésor en question? 5 centimètres d'excréments, contenant des fragments osseux qui ont permis sa datation grâce aux collagènes qu'ils contiennent.
Une louve au pelage clair
Ont ainsi pu être établis, le génome complet de l'animal, et la nature de son repas. Il s'agit d'une louve au pelage clair, proche des loups eurasiatiques actuels qui avait mangé de l'ours des cavernes.
Cette découverte indique que l'animal a été attiré dans les parties profondes de la grotte par l'odeur se son futur repas, ce qui prouve qu'il était capable de se déplacer dans le noir complet. Odorat très développé, vue nocturne, la louve mystérieuse pouvait-elle pour autant s'en prendre à un ours des cavernes?
Ici s'arrête la légende de la louve claire de Chauvet car celle-ci a bien existé. A la fin de l'hiver on sait que les ours sont très affaiblis par leur hibernation, il y a aussi les nouveaux nés, plus vulnérables, et les individus âgés, qui pour une partie d'entre eux meurent dans la grotte. "Il est plus probable qu'il ne s'agissait pas d'un ours des cavernes des plus vaillants" précise Jean Marc Elalouf.
Le scientifique spécialisé dans la reconstitution des génomes anciens au CEA (commissariat à l’énergie atomique et aux énergies) a été associé aux passionnantes investigations de la grotte Chauvet au début des années 2000. Au fil des années, une nouvelle méthode de séquençage du génome a été mise au point. "J'ai eu l'idée de l'appliquer aux excréments fossiles, ce qui permet de combiner plusieurs génomes, celui du spécimen et celui de ce qu'il a mangé."
A la recherche du loup disparu
C'est ainsi, qu'une douzaine d'excréments fossiles appelés coprolithes ont été retrouvés dans les parties profondes de la grotte. Jean Marc Elalouf en a analysé trois, dont deux sans succès. Sur le dernier, 10 % de l'ADN retrouvé provenait de l'ADN de ce canidé vieux de 35 000 ans dont le génome a pu être entièrement reconstitué.
"C'est un argument supplémentaire pour dire qu'il y avait des loups particuliers à cette époque, suggérant qu'il y a eu une disparition de ce type d'animal même si le loup ne s'est pas éteint" commente le scientifique.
Ont signé l'article sur les loups de Chauvet dans la revue Ecology et Evolution
Jean-Marc Elalouf (CEA et Muséum national d’histoire naturelle, désormais à laretraite), Pauline Palacio (CEA), Céline Bon (CEA), Véronique Berthonaud (CEA),Frédéric Maksud (service régional de l’archéologie à Toulouse), Thomas W. Stafford Jr (Stafford Research Laboratories aux Etats-Unis) et Christophe Hitte (université de Rennes).