Exposés pendant des années à l'oxyde d'éthylène, un gaz cancérigène, les ex-travailleurs de l'entreprise Tetra Médical à Annonay sont reçus par la médecine du travail, entre défiance et soulagement d’être enfin écoutés.
C’est une cellule extraordinaire. Une cellule d’urgence et de suivi psychologique, mise en place par le service de santé au travail.
Depuis la semaine dernière, elle reçoit les anciens salariés de Tetra Médical, laboratoire spécialisé dans la production de matériel médical. Ils dénoncent une intoxication à l'oxyde d'éthylène, un gaz cancérigène utilisé pour la stérilisation des compresses ou autres outils chirurgicaux.
Une écoute nécessaire
Et depuis la révélation de ce scandale sanitaire, ex-salariés et syndicats réclament cette cellule aux services de l'État. Ils ont besoin d’être écoutés. De se sentir soutenus. “On s’inquiète beaucoup plus facilement. Au moindre truc qu’on a, on pense tout de suite au pire, je pense que j’en ai besoin, oui”, avoue Alain Fanget, ex-salarié angoissé au quotidien.
Il fait partie des 19 personnes testées juste avant la fermeture de l'usine il y a un an et son taux d'oxyde d'éthylène dans le sang était 25 fois supérieur à la norme recommandée. Edith, elle, a travaillé pendant 15 ans dans l'entreprise. “Pour le moment la santé va bien, donc je ne suis pas trop inquiète, mais par contre je ne sais pas ce qui m’attend. On a perdu des collègues de travail, victimes de cancer. Je suis en colère parce qu’on n’a pas été informé de cette exposition à l’oxyde d’éthylène qui peut être très dangereux”, confie-t-elle.
La médecine au travail est donc là pour recueillir témoignages et inquiétudes. Elle est aussi là pour délivrer aux salariés les fiches individuelles d’exposition aux risques professionnels qui leur permettront de faire reconnaître leur(s) maladie(s) professionnelle(s).
Un autre dispositif d’écoute et de soutien psychologique a été mis en place pour les personnels retraités, les intérimaires mais aussi les familles des anciens salariés. L’oxyde d’éthylène étant mutagène et reprotoxique, les enfants des personnes exposées sont en effet susceptibles de développer eux- aussi des maladies.
La défiance des salariés
Mais la médecine du travail, on s’en méfie chez les ex Tetra Médical. On lui en veut, même. En 2019, les services de santé au travail du Haut Vivarais font une inspection dans l’entreprise. Certains salariés dénonçaient des gênes respiratoires. Le rapport est alarmant. Pas d'équipement de protection individuelle, aucune évaluation du risque chimique telle que demandée par la réglementation. Des constats restés sans effet jusqu'à la fermeture de l'entreprise. "Ils auraient dû donner l’alerte, ils en avaient le pouvoir. Pourquoi ils n’ont rien fait ? " se demande Cathy Guironnet, 57 ans, qui s’est battue seule pour faire reconnaître son cancer du sein comme maladie professionnelle.
Une enquête est ouverte
Pour le comprendre, une enquête administrative a été lancée par l'inspection du travail. "La difficulté c’est de savoir ce qui relève du rôle de la médecine du travail, ce qui relève du rôle d’un acteur autre, en l’occurrence l’entreprise", répond Daniel Boussit, directeur départemental de l'emploi, du travail et de la protection des populations.
Une enquête pénale pour mise en danger de la vie d'autrui est également ouverte. Le dossier de Tetra Médical est désormais entre les mains du pôle de santé publique du parquet de Marseille.
La cellule dite CUMP recevra les salariés qui le souhaitent sur rendez-vous les vendredi 17 mars, mercredi 22 mars et mardi 28 mars de 10h à 16h dans les locaux du service de santé au travail à Davézieux. Une plateforme d’écoute psychologique est disponible 24h/24h et 7 jours/7 au 08 00 10 21 33 pour les familles, personnels retraités ou intérimaires.