Face aux inégalités territoriales d’accès aux soins, une proposition de loi transpartisane a été présentée le 13 novembre. Le texte vise notamment à réguler l’installation des médecins. Une mesure qui divise.
La liberté d'installation des médecins sur la sellette ? Alors que 87% du territoire national est considéré comme sous-doté en offre de soins, des députés ont dévoilé le 13 novembre dernier une proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux. Parmi les articles de la loi, une mesure décriée dans la profession revient comme un serpent de mer : celle de la régulation de l’installation des nouveaux médecins sur le territoire. Une disposition qui provoque une levée de boucliers d’un côté, mais apparaît être une solution pour ses défenseurs.
Car de nombreuses communes sont désemparées face au manque de professionnels de santé. À Satlieu, petit village du nord Ardèche qui cherche désespérément un médecin, on réalise des clips de promotion publiés sur les réseaux sociaux pour espérer attirer les professionnels de santé. Un peu plus bas dans la vallée du Rhône, la commune de Cornas comptait deux médecins il y a peu, qui sont partis s’installer ailleurs. Le maire Stéphane Lafarge a affecté deux maisons pour les transformer en un centre de soin, espérant rendre sa commune plus attractive que les autres dans cette course à la séduction.
"Nous avons travaillé sur le recrutement de nouveaux médecins mais sans succès. Pourtant, nous sommes un village de 2 000 habitants, à proximité de Valence, donc nous sommes proches d’infrastructures qui pourraient rassurer l’installation de médecins" explique le maire écologiste de Cornas. "Les nouvelles personnes qui souhaitent s’installer sur Cornas sont en difficulté pour trouver un nouveau médecin. L’objectif est donc de faire en sorte que des médecins s’installent ici, dans ce nouveau centre de soin qui regroupera d’autres professionnels de santé de la commune" précise l’édile.
"Il s’agit de mieux répartir les médecins sur le territoire"
Car, comme dans cette commune, les inégalités d’accès aux soins se creusent toujours plus sur le territoire. Aujourd’hui, pas moins de 7 millions de Français vivent dans un désert médical, avec une durée moyenne d’obtention d’un rendez-vous chez un généraliste de 11 jours. En permettant de mieux répartir les médecins sur le territoire, la proposition de loi pourrait résoudre la problématique selon Hervé Saulignac, député PS de l’Ardèche et signataire de la proposition de loi.
"Nous avons beaucoup d’espoir concernant l’efficacité de la régulation territoriale de l’installation des médecins. C’est une mesure qui existe dans d’autres pays d’Europe. Aujourd’hui, les départements où la densité médicale se dégrade sont beaucoup plus importants que ceux dans lesquels elle s’améliore. Donc il s’agit de mieux répartir les médecins sur le territoire et notamment de faire en sorte qu’ils aillent vers des zones sous dense" détaille le député signataire. Au même titre que la régulation existante pour d’autres professions de santé comme les infirmières et sages-femmes.
"Concrètement, avec cette loi, un médecin qui sort de la faculté s’installe absolument là où il veut dans une zone sous dense. En revanche, dans une zone suffisamment dotée, il lui faut l’autorisation de l’ARS et il ne pourra s’installer qu’en remplacement d’un médecin qui part à la retraite" précise Hervé Saulignac.
"Cette loi va décourager les jeunes médecins"
Mais la mesure est jugée inefficace, voire contre-productive par le syndicat des médecins généralistes."Penser que l’on va résoudre le problème des déserts médicaux en régulant l’installation est une chimère. Pour le résoudre, il faut augmenter l’attractivité de la profession et diminuer les contraintes. Or, cette proposition de loi fait exactement l’inverse" martèle Karim Tabet, président du syndicat MG France dans la Drôme.
"Cette mesure est inefficace, voire contreproductive, parce qu’elle repose sur l’idée erronée qu’il existe en France des zones surdotées en offre de soin. En réalité, 87% du territoire français est en zone sous-dotée et les 13% restant sont simplement normalement dotés. Cette loi va décourager les jeunes médecins de s’engager dans la spécialité de médecine générale. Elle est déjà aujourd’hui l’une des moins bien choisie, car c’est celle qui a le plus de contraintes" pointe Karim Tabet, qui craint des inégalités d’accès aux soins encore plus importantes avec cette législation.
La proposition de loi devrait être débattue dans l’hémicycle dès début 2025.